Vidéo de Véronique Janzyk
Tout [le discours des chasseurs] m’est revenu comme un boomerang. Le pseudo amour des bêtes qui, si on n’a pas la bonté de les tuer, meurent malades puisque les ressources ne sont pas suffisantes pour les nourrir, puisque les maladies se transmettent plus vite dans une population plus nombreuse que clairsemée, "contrôlée" pour reprendre le terme que tu utilises. L’effort prétendu de tuer à la première balle. J’ai constaté de mes yeux le carnage. La bête qui perd son sang et que l’on piste, lui refusant la grâce qu’on accordait jadis au condamné à mort. L’amour proclamé des chiens de chasse que l’on envoie à la boucherie. Les chiens de chasse, voilà les premiers trophées des chasseurs. L’un d’entre vous, de votre meute, détient le record. Son chien est rafistolé de toute part. Quatre cents fils si j’ai bien entendu. Un tableau de chasse à lui seul.
Paul, mon ami, m’a quitté. La concurrence avec Mylène [Farmer] était devenue trop rude. Paul a pourtant traversé toute ma période de 1985 à 1998, celle où je vivais comme Mylène. Je m’étais teint les cheveux en roux. Je m’habillais de noir et je portais des pulls à col roulé. Elle en porte toujours en interview ou sur les rares photos qu’on peut voir d’elle. Pendant dix ans, six fois par semaine je lui ai envoyé une lettre, toujours la même. Elle n’y a jamais répondu. Je peux la comprendre. Je ne suis pas amoureux de Mylène, mais de son écriture, de ses textes et de son personnage. Être amoureux d’elle, ce serait comme tomber amoureux de sa propre soeur. Je vois un psychiatre depuis huit ans. À chaque album, je tombe en dépression. Je dis « Je rechute en Mylène ».
Je me donne encore un an pour trouver un homme qui ne soit pas un one shot [aventure sans lendemain]. C’est pas gagné. C’est pas perdu non plus. Je fais mes gammes. Derrière les sexes, il y a de la peau, des organes, des yeux, des voix, à chaque fois bien plus différents que les sexes, et des rires aussi pour couronner la peau, les organes et les yeux. Des rires comme des auras. De l’esbroufe et de l’émotion. On commence par le corps. On prend tout : l’excitation, les frissons, mais aussi les grandes oreilles, les longs favoris, mes cernes, mes cuisses et ma peau d’orange.
Au début, je trouve que tu ne ressembles pas à ce que tu écris, pas vraiment. Tu es enjoué. Tu ris souvent. Tu es drôle. Tu ne ressembles pas à tes personnages. Mais il suffit de t’observer. De te regarder marchant, de marcher avec toi. C’est là que tu es toi, quand tu es dehors, quand tu te frottes aux autres, quand tu arpentes. Quand tu te retrouves en eux…
[voyage organisé]
D’un complexe [hôtelier] à l’autre, ils se ressemblent, mais pas au point de se confondre. Chacun est une vision unique. Je retrouve de lieu en lieu la trop maigre, celle qui jette un pull sur ses épaules tremblantes par 35 degrés, la trop forte qui de partout déborde, le couple conflictuel qui partage allègrement ses sujets de discussion, le couple fusionnel qui affiche son bonheur, les beaux vieux qui serrent les fesses et les vieilles qui promènent plus jeunes qu’elles. (p.45)
Ses supports sont des boîtes
Les adresses et les numéros de téléphone
Elle les note sur des boîtes
Il y a là une boîte d'allumettes
Un étui à éventail
Une boîte de chocolats
L'adresse d'Andréa le numéro de Lisette
Andréa c'est la voisine Lisette la soeur
Un troisième nom mais qu'a-t-elle écrit?
Elle se promène dans le couloir
En serrant les boîtes contre elle
J'écris pendant que toi
Tu trouves de nouveaux mots
Tu enrichis le vocabulaire
Ainsi ce n'est pas un flan
Que tu manges
Mais de la marmelade
Ou de la pâtée
Ce n'est pas une gaufrette
C'est une plaquette
Après les mots
Tu t'attaques à la syntaxe
Tu fromages
Tu accueillir une alouette
Je me demande dans quelles circonstances tu t’es mis à marcher. Qui t’a aidé, si tu as chu, qui t’a heurté.
Marcher, c’est le début de tomber, c’est se rattraper presque toujours, mais pas toujours.
Tu allais confiant. De cette confiance sont nés des bleus.
Cette rue suivie de cette route, ce ciel, ces prés, nous sommes les seuls à les voir, dis-tu, c'est notre expérience commune et il y en aura beaucoup d'autres. Je ne pense pas à la route, au ciel ni aux prés pendant que tu en parles. Pour tout dire, je ne les vois plus. Je pense aux pas qui nous ont menés ici. Car nous aurions tout faux si nous ne pensions pas aux autres pas, selon moi aussi importants que ceux-ci : les pas d'avant, ceux qui nous ont conduits là où nous sommes, ceux qui nous font nous mouvoir aujourd'hui encore, qui nous éloignent aussi l'un de l'autre, tu veux aller là, moi là. Des pas qui ont pour nom des hommes, des femmes, des livres, des bonheurs, des peines, des échecs.
Tu prends pour repère les voitures sur
le parking
Elles arrivent le matin
Partent le soir
Ça fait une journée de passée
Seulement il y a l'équipe de nuit
Que tu comptes pour un nouveau jour
Le temps te semble donc deux fois plus long