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Critiques de Vicki Baum (76)
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Hôtel Berlin 43

Je lis Hotel Berlin 43 et j'y retrouve la meme matrice que celle utilisee par l'auteure pour son Grand Hotel, 14 ans auparavant. Encore une fois, unite de temps et de lieu, comme dans une piece de theatre. Des types de personnages semblants en nombreux points. La, c'etait une danseuse-etoile sur le retour, ici une comedienne vedette. La, un baron voleur qui s'amourache d'elle avant d'etre attrape, ici un opposant au regime qui se cache dans sa chambre et eveille en elle un amour impossible. La, un capitaine d'industrie qui perd l'affaire pouvant sauver son usine et est mis au ban, ici un general qui a participle a un complot rate contre le dictateur et est force de se suicider. La, un portier angoisse par l'accouchement difficile de sa femme, ici il est angoisse parce qu'il a ete appele aux armes malgre son age. Ici et la, une jeune femme qui ne possede que ses reves, amenee a se prostituer. Et toujours, au dessus de la melee, observant tout, comprenant tout, dedaignant tout et tous mais leur venant en aide quand il faut, un vieux docteur desabuse et morphinomane.





Et pourtant ca marche. C'est une lecture interessante, meme quand on fait le rapprochement entre les deux livres. Peut-etre plus encore, justement quand on le fait.

Parce que ce livre, publie en 1943, decrit des evenements (et une atmosphere) qui se sont reellement deroules, mais plus tard. Par exemple, le complot des officiers de l'armee contre Hitler dont il est question n'a eu lieu qu'en juillet 1944. Baum decrit un Berlin bombarde massivement. Or, s'il y a eu quelques raids aeriens sur cette capitale pendant toute la guerre, la strategie alliee de bombardements destructifs pour demoraliser et faire plier les allemands ne fut decidee que fin 1943 et pratiquement mise en oeuvre qu'en 1944, d'abord des bombardements nocturnes, et beaucoup plus tard de jour. Baum detaille les essais de dignitaires nazis de fuir et de rejoindre un asile sur au loin. Cela aussi est quelque chose qui ne s'est produit qu'a la fin de la guerre, en 1945. C'est comme si, anticipant les evenements, Baum ecrivait en visionnaire.





Mais meme si on n'est pas feru d'histoire, si on ne sait rien sur la deuxieme guerre mondiale, le livre est remarquable. Baum sait nous interesser avec les intrigues des differents organismes nazis, qui se livrent en fait une guerre interieure, les SS contre la Gestapo et tous contre l'armee de metier; elle nous fait palpiter avec les essais du jeune etudiant blesse, poursuivi, de sortir de l'hotel sans etre attrape; elle nous emeut avec les sentiments qui s'eveillent chez la comedienne envers ce paria; elle arrive a nous inspirer un certain respect pour ce general prussien qui ne peut concilier son sens de l'honneur avec la poursuite d'une guerre qui est devenue une sauvagerie acharnee.





Baum sait ecrire, ses dialogues sonnent juste, ses descriptions, et de l'interieur de l'hotel et des environs exterieurs devastes, sont tres visuels. Et surtout, son rendu de la societe allemande, entre nazis et simples suiveurs, entre fanatiques, opportunistes et desillusionnes, pris dans un huis-clos, sous le regard cynique de quelques hommes d'affaires nordiques et d'un orchestre hongrois qui se soule en jouant, est captivant.





Ce livre n'a peut-etre pas connu le succes public de Grand Hotel, mais il est bien meilleur a mon avis. C'est cet hotel, degrade, dechu, que j'ai prefere.

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Hôtel Berlin 43

Une belle découverte que ce roman de Vicki Baum, autrice prolifique qui a publié entre 1914 et 1957. Hôtel Berlin 1943 est une œuvre tout à fait particulière et on ne peut l’aborder sans savoir que ce roman a été publié en 1943, bien avant que surviennent les événements décrits qui toutefois se produiront.



Il s’agit d’un huis clos dont l’action se situe dans un hôtel de luxe à Berlin. Parmi les résidents, on compte des militaires dont certains sont gradés, des prisonniers dont un écrivain anglais, deux femmes ; l’une d’elle, Lisa Dorn est actrice, protégée par le führer, l’autre humiliée pour avoir fréquenté un juif, se prostitue pour essayer de vivre, on remarquera également la présence de nombreux membres de la gestapo qui recherchent Richter, un étudiant insurgé fugitif.



Nous sommes en 1944, témoins des conversations et de l’action qui se déroule dans l’hôtel. Richter se cache et cherche un moyen de sortir, il se retrouve en contact avec des personnages prêt à l’aider… ou pas, il côtoiera la belle Lisa, égayant quelque peu un roman de guerre y ajoutant une touche sentimentale qui n’est pas pour déplaire.



Mais les conversations traduisent tout de même l’horreur de la guerre, les privations, la propagande, la dictature, la torture, la mort omniprésente, le massacre engendré par la chute de Berlin sous les bombardements russes, la capitulation prochaine de l’Allemagne peu à peu privée de ses alliés, économiquement asphyxiée, l’impopularité croissante d’Hitler abandonné par ses généraux.



Vicki Baum exilée aux Etats-Unis depuis 1931, s’est servi de témoignages qu’elle a reçus et d’une certaine intuition pour nous livrer ce récit extraordinaire, elle semble vraiment avoir œuvré pour transmettre le ressenti de la population allemande qui ne supportait plus cette guerre interminable et la surprise de quelques nantis qui se retrouvent sous les bombardements et qui ne deviennent plus que des humains terrorisés partageant la même condition. La terreur est admirablement communiquée alors que les bombardements s’intensifient, je n’ai jamais vécu un tel événement, mais je peux affirmer que j’ai eu vraiment cette impression de partage avec ces gens réfugiés dans les caves. Ce devait être terrible, on le ressent, surtout lorsque l’on sait que Berlin fut totalement détruite.



Un épilogue aurait été bienvenu pour connaître le devenir de certains personnages. Il s’agit toutefois d’une fin suffisamment ouverte pour permettre au lecteur d’imaginer cet épilogue.



Je remercie les organisateurs du challenge solidaire sans lesquels je n’aurais jamais lu ce livre ni découvert son autrice.
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Grand Hôtel

Je me suis pris pour un richard et j'ai passe mon weekend dans un palace. Pas n'importe lequel, le Grand Hotel de Vicky Baum. Je dois quand meme dire que ce n'etait pas mon premier choix, qui s'etait porte d’abord sur Hotel Berlin 43, mais ce dernier n'avait plus de chambres libres. J'ai fait contre mauvaise fortune bon coeur et j'ai decide de les essayer tous les deux et de les comparer. Parce que l'un date de 1929 et l'autre de 1943, et je sais bien qu’entre ces deux dates un grand changement architectural a pris place, produit d'une dictature et d'une guerre. Mais surtout parce que le grand architecte qui a signe les plans de ces deux hotels a du s'exiler entretemps et j'ai voulu scruter de pres si l'exil avait change son style et son regard sur la societe. Ce qui implique que je devrai passer un autre weekend dans l'hotel de 43.





Le Grand Hotel est un microcosme ou se croisent une ballerine-etoile sur le declin, un baron desargente et fripouille qui complote de lui derober son celebre collier de perles et finit par s'amouracher eperdument d'elle, un grand industriel venu a la capitale pour essayer de sauver son entreprise, un petit comptable condamne par une maladie incurable qui dilapide ses maigres avoirs pour vivre, ne serait-ce que quelques jours, la “grande vie", la vie de ceux qu'il a toujours envie, et enfin un docteur, grand blesse de la derniere guerre, qui, entre deux piqures de morphine, observe sans bouger les mouvements de tous les autres, comme s'ils dansaient devant lui en un bal masque ou il est le seul a discerner les vrais visages.



Autour d'eux s'agite le personnel de l'hotel, chacun avec ses problemes, chacun avec ses manigances.





Unite de lieu et de temps. C'est du theatre. Et pour un ecrivain cela peut etre le choix de la facilite. Ce dont on a incrimine l'auteure. Son livre a ete longtemps tague comme roman de gare, litterature populaire sans reelles qualites. Avec le temps il a eu droit a des critiques plus mitigees, et quant a moi, en plus de son charme un peu desuet, je lui en ai trouve, des qualites. C'est comme une photographie en noir et blanc de la societe allemande de l'epoque, en pleine periode de crise. Quelques nantis qui depensent sans compter, qui brulent la vie comme s'ils n'etaient pas surs qu'il y aura un quelconque lendemain; tout autour un petit petit peuple engonce dans la misere pour qui il n'y a ni present ni futur. Tous essaient de donner le change, en une mascarade qui essaie de camoufler le desespoir. Un ballet de lemmings qui courent vers un suicide collectif.





Vicky Baum s'est surement inspiree du celebre hotel Adlon de Berlin pour caracteriser le sien. Pour caracteriser la societe allemande de l'epoque elle n’au besoin que d'ouvrir les yeux. Elle a tres bien percu les mouvements de son entourage. Des mouvements qui l'ont tres vite poussee a l'exil, en 1931.





Et maintenant je vais reserver une chambre dans Hotel Berlin 43. Allo? La reception?

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Hôtel Berlin 43

Comme l'indique le titre, l'intrigue se déroule en 1943, à Berlin, dans un hôtel. Un hôtel de luxe où, alors qu'en ville l'heure est au rationnement, se côtoient et boivent et dînent dans l'opulence des hauts-gradés nazis, des diplomates, des hommes d'affaires, des militaires et des aristocrates, des filles à soldats, et Lisa Dorn, jeune actrice à succès, égérie du Führer, admirée et désirée par tout l'état-major. Et parmi cette foule mouvante et ambivalente, se cache Martin Richter, étudiant opposé au régime et recherché par la Gestapo. Lequel trouve refuge dans la chambre de Lisa et y joue son destin. Cette femme-enfant grandie trop vite, biberonnée au national-socialisme, va-t-elle le dénoncer, ou au contraire l'écouter jusqu'au bout et ouvrir les yeux sur la réalité et les horreurs commises par les nazis ?



Unité de temps, de lieu et d'action pour ce huis-clos en milieu feutré mais qui se déroule dans un contexte de fin du monde (d'un monde), puisque au même moment, Berlin essuie les premiers bombardements alliés, qui ne cesseront de s'intensifier.



Malgré la propagande nazie aussi absurde que désespérée qui continue de clamer que la victoire du Troisième Reich est proche, et même si les Allemands sont les seuls à ne pas (vouloir) se rendre compte de la catastrophe imminente, on sent que l'heure de la débâcle arrive. Qu'on ait fait des affaires juteuses avec le parti ou dans le dos de celui-ci, qu'on ait participé à un complot contre Hitler, chacun doit régler ses comptes et se préparer à payer la note finale, avec lâcheté ou élégance.



Née en Autriche en 1888, mariée à un Allemand, Vicki Baum, d'origine juive, a émigré définitivement aux Etats-Unis en 1931 et a obtenu la nationalité américaine en 1938. Installée à Los Angeles, elle travailla souvent à Hollywood dans le cadre d'adaptations cinématographiques. Cela se ressent dans son roman, très visuel, avec les scènes qui se succèdent sans temps mort, dans un chassé-croisé permanent de personnages. Un roman où l'on trouve beaucoup d'intensité dramatique, rythmé et bien construit, et qui a ceci de remarquable qu'il a été écrit en 1943 et publié en 1944 (en anglais), et qu'il est donc prémonitoire puisqu'il anticipe le complot des généraux et la défaite finale, qui ne sera scellée qu'en 1945. "Hôtel Berlin 43", ou la mise en scène saisissante de l'effondrement du Troisième Reich, pressenti par l'auteure et confirmé par L Histoire. Et dans la préface à l'édition de 1947, Vicki Baum, lucide, dure et un brin donneuse de leçons, écrivait ceci : "J'ai peu de choses à ajouter aujourd'hui, sinon que je souhaiterais que les Allemands, tout comme leurs adversaires d'hier, établissent une différence claire entre responsabilité et faute. La faute de la guerre incombe aux dirigeants allemands qui ont précipité sans raison le monde entier dans ce malheur effrayant. Mais la responsabilité de l'issue dévastatrice de cette guerre incombe au peuple allemand qui n'eut ni le courage ni le désir de renverser ses dirigeants quand il en était encore temps. Mon livre ne prétend être rien d'autre qu'un petit miroir, sans doute un peu trouble, dans lequel se reflète le visage de l'Allemagne tel qu'on pouvait le voir deux ans avant la fin de la guerre".



En partenariat avec les Editions Métailié.



#HôtelBerlin43
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Hôtel Berlin 43

Vicki Baum est une juive autrichienne qui ira vivre en Allemagne un certain nombre d'années puis se verra contrainte de s'exiler aux États-Unis après les autodafés de ses romans par le troisième Reich.

Dans Hôtel Berlin 43, Vicki Baum fait preuve d'un esprit intuitif et visionnaire.

Le roman se passe dans un hôtel de luxe, îlot protégé au milieu d'un Berlin à feu et à sang par les raids aériens. Ces raids ne visant en 1943 que certains objectifs. Vicki Baum les anticipe, elle décrit le premier raid aérien sur les civils qui meutrira Berlin de façon totale et apocalyptique.

Pour elle, ces raids vont devenir une leçon d'histoire notamment pour les Allemands.

" La destruction plantait également une graine dans leur subconscient, une révélation,.... que la guerre n'était pas un simple mot ni un discours, une chanson, une fanfare, un drapeau sous lequel marcher sur la gloire, mais qu'elle était réelle, mauvaise, infernale et qu'ils n'en voudraient plus jusqu'à la fin de leurs jours ni pour les générations futures...

Des phrases et des mots qui résonnent longtemps dans les esprits.

Vicki Baum, à travers ses personnages comme l'actrice Lisa Dorn ou la jeune prostituée Tilli nous fait admirablement comprendre la complexité de la psychologie humaine et ces ressorts.

Hôtel Berlin 43 est un très bon roman, de succroit bien écrit et sa lecture vaut plus d'un détour.
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Grand Hôtel

A l'heure où le cinéma et la télévision se sont emparés du glamour des "Années Folles" et ont rendu hommage à leur incroyable esthétisme, notamment via "Gatsby le Magnifique" et "Downton Abbey", le lecteur n'a aucune difficulté à plonger dans le décor fastueux du Grand Hôtel de Vicki Baum, le plus luxueux établissement de Berlin.



Nous sommes en 1929, à cette époque où, lorsqu'on évoque "la guerre", on n'a pas encore à l'esprit celle qui se déclenchera dix ans plus tard et fera basculer ladite période dans "l'entre-deux guerres". Pour l'instant, l'heure est à la paix, à la croissance des industries textiles, aux nouvelles danses qui font sautiller et se déhancher des femmes aux robes presque aussi courtes que leurs cheveux, l'heure est au jazz-band, au caviar, aux palmiers en pot, aux bals du jardin d'hiver. Sans pouvoir deviner que quelques mois après la parution de son roman le monde économique allait brutalement sombrer dans la crise, l'auteur autrichienne dresse ici ce qui nous apparaît comme l'apogée des Années Folles, à travers un récit incroyablement moderne, tout en strass et en contrastes, où les femmes font montre d'indépendance, de débrouillardise, d'aplomb et de courage, et où les hommes ne sont pas en reste, cherchant à contraindre et à maîtriser leur destinée et à vivre de nouvelles expériences, et à les vivre à fond.



"Grand Hôtel" est un roman qu'on aurait du mal à expliquer, aussi vais-je plutôt essayer de le présenter. C'est avant tout une formidable galerie de personnages, sur fond de petit personnel : grooms, portiers, serveurs, chauffeurs et autres femmes de chambres. Il y a les hommes : le jeune et beau baron Gaigern, gentleman-cambrioleur, au charme irrésistible, qui conduit sa propre voiture à l'allure folle de 118 km/h, le comptable Kringelein qui n'en a plus pour longtemps à subir sa morne existence de fonctionnaire avant de casser sa pipe - c'est le médecin qui le lui a dit -, puis le Dr Otternschlag, la gueule cassée qui vit à demeure à l'hôtel, dans une chambre sordide, et dont la solitude ne peut se noyer que dans un flux de morphine journalier, enfin il y a Preysing, le manufacturier bon père de famille, acculé par la spéculation à renier ses valeurs. Il y a aussi les femmes, et quelles femmes ! : la Grousinskaïa, la célèbre étoile russe qui séduit les théâtres du monde entier depuis vingt ans mais qui sent bien que le souffle n'y est plus et que deux liftings ne suffiront pas à freiner l'irrémédiable déclin de sa vie, et Mlle Flamme - dite Flammèche - la ravissante dactylo-graphiste qui n'hésite pas à poser nue dans les magazines pour arrondir ses fins de mois laborieuses.



Ce petit et ce grand monde sont logés à la même enseigne et vont étroitement imbriquer leurs existences en l'espace de quelques jours, dans la poussée houleuse de Berlin en ébullition qui offre tant de possibilités. Vicki Baum le décrit très bien elle-même : "Étrange, ce qui arrive aux hôtes du Grand Hôtel : aucun d'entre eux ne ressort exactement tel qu'il était entré par la porte tournante". Car, pour l'auteur, pour cette femme qu'on perçoit incroyablement moderne derrière sa plume naturaliste franche et forte, et qui n'embarrasse sa narration d'aucune pruderie, l'essentiel de l'existence réside bien dans la métaphore qu'elle file entre la vie et l'hôtel, ce lieu de passage par excellence : "Les événements qui se déroulent au Grand Hôtel ne forment jamais des destinés nettes, entières, déterminées ; ce n'en sont que des parties, des fragments, des lambeaux [...]. La porte tournante pivote, et ce qui se passe entre une arrivée et un départ ne forme jamais un tout".



Moi aussi je me suis laissée aller au vertige de la porte-tambour, je me suis laissée charmer par ma lecture, prolongeant le plaisir déjà éprouvé avec Gatsby. Toutefois, ce qui m'a le plus séduite, ce sont moins les événements décrits dans le récit que son contexte, cette peinture sociétale d'une Allemagne vaincue dix ans plus tôt, qui panse ses plaies dans le Champagne et le labeur, qui opère sa mutation et qu'on retrouvera à nouveau belliqueuse dix ans plus tard. C'est véritablement le pouls de la société berlinoise que Vicki Baum a saisi entre ses lignes, entre les claquements de porte des chambres du Grand Hôtel, avec un réalisme et une force d'évocation qu'aurait sûrement applaudi bien fort Emile Zola.





Challenge de lecture 2015 - Un livre choisi pour sa couverture
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Hôtel Berlin 43

# Rentrée littéraire, éditions Métailié: réédition et nouvelle traduction d'un roman écrit à l'été 1943 depuis Los Angeles et en anglais par Vicki Baum, de langue maternelle allemande, comme une anticipation presque exacte des événements qui arriveront moins de deux ans plus tard frappant Berlin et le peuple allemand de plein fouet, prémisses de l'effondrement du Troisième Reich et de la défaite d'Hitler.





Ecrit comme une pièce de théâtre centrée autour de quelques personnages, Hôtel Berlin 43, relate sur moins de 48 heures l'histoire huis-clos de la vie d'un palace où logent tous ceux qui comptent dans la capitale allemande: militaires haut gradés, SS, diplomates, aristocrates, vedettes, ... alors que dehors la population effrayée ploie sous les raids aériens et crève de faim. Au service de ces 'puissants': grooms, médecin, invalides de la première guerre ou de Stalingrad.





C'est un récit d'anticipation outre-Atlantique, presque visionnaire, de ce qui va réellement se passer en Allemagne durant les années 1944-45 : le coup d'état raté des généraux contre Hitler, les bombardements intensifs sur la population et au final, enfin, la fin de la guerre après la déroute du Troisième Reich.

- Comment a-t-elle fait pour 'voir et écrire' si juste ?





Chronique d'un déclin annoncé, Clap # Hôtel Berlin 43, Vicki Baum @ éditions Métailié, 09/09/2021 via # NetGalley





C'est dans une des chambres d'un palace berlinois que trouve refuge Martin Richter, un opposant au régime, activement recherché par la Gestapo. Il y tombe nez à nez avec Lisa Dorn, jeune comédienne adulée par Hitler et par tout le peuple allemand. Que va-t-elle faire ? le dénoncer, l'aider ? Ouvrir les yeux sur la réalité de la guerre, du national-socialisme qui a bercé toute sa jeunesse, de ceux qui lui ont permis d'accéder rapidement à son statut envié de star ?



" Les convulsions qui arrachaient les racines du monde n'avaient touché que superficiellement son esprit. Elle adorait son pays et n'en avait jamais remis la suprématie en cause. Elle était convaincue que tout ce qui était noble et beau en ce bas monde était allemand. La musique et la poésie allemandes, la science allemande, la philosophie allemande, la scène allemande, les films allemands, les routes allemandes, le paysage allemand auquel elle se sentait liée d'un attachement intime et profond. "



" Vous êtes actrice, dit Martin en lui prenant la main, la tenant dans la sienne. Vous vous souvenez de ce que demandent les gens, dans l'Egmont, de Goethe ? La paix, la sécurité, l'ordre et la liberté. Mais vous ne savez pas ce qu'est la liberté. Vous ne la reconnaîtriez pas si vous la croisiez dans la rue, et si elle se cachait dans votre chambre, vous ne sauriez pas quoi en faire. "



Les portes claquent sur les différents acteurs de cette "tragi-comédie" en y donnant du rythme, du réalisme et en revisitant par cette histoire L Histoire que nous croyions si bien connaître.



" Oui ? dit le docteur.

– Je me disais que vous pourriez me donner quelque chose. Je ne veux pas aller à l'armée. Je suis fatigué. Quelquefois je suis tellement fatigué que j'ai envie de pleurer…

Il avait l'air désespéré. Tous des névrosés, dans ce maudit Herrenvolk, ce peuple de seigneurs, songeait le docteur.

– Non, dit-il. Non, cher monsieur. Pas de digitaline pour vous, pas de caféine qui pourrait vous déclencher de fortes douleurs cardiaques. C'est votre guerre et vous la ferez. N'avez-vous pas crié “Heil Hitler” pendant dix ans et plus ? Vous étiez plein de Kraft durch Freude, de Force par la Joie, à en éclater. Vous vous souvenez de la charmante excursion dans les montagnes bavaroises que vous m'avez racontée ? C'est le moment de payer l'addition.

– Oui… mais c'était différent…

– Certes, c'était différent. C'est toujours différent quand c'est sur vous qu'on s'apprête à tirer. " [ le médecin de l'hôtel, vétéran de 14-18 ]





Avec son écriture visuelle, ses dialogues enlevés, parfois très humoristiques (loin d'être la caractéristique de ce qui pourrait symboliser cette Allemagne des années 40), Vicki Baum, dans cette nouvelle traduction, arrive à nous faire revivre les derniers instants du régime nazi, ses soubresauts, ses inquiétudes, ses volte-face, ses petites et grandes trahisons, le sauve-qui peut des ex-grands du Troisième Reich et le désarroi de la population allemande, envers laquelle elle n'est pas très tendre





" le peuple de Berlin, blotti dans ses abris précaires, se sentait tout petit et terriblement effrayé. Ils avaient plutôt bien supporté les raids aériens, jusqu'à maintenant. Mais celui-ci était différent, terrible, d'un dessein sans merci. Les petites gens ne se rendaient pas compte de leur responsabilité ; ils n'avaient pas conscience d'avoir eux-mêmes lâché les bêtes féroces de la guerre, d'avoir allumé les feux qui les consumaient à présent. Ignorants et mesquins, ils se préoccupaient de leurs petites vies, avaient peur de ce qu'ils deviendraient, dans les dommages de la catastrophe générale. Leurs fils, frères et maris étaient au front, ou prisonniers, ou blessés, ou morts. Leurs enfants grandissaient, devenant d'étranges créatures, manquant de sensibilité humaine, comme si des nerfs vitaux leur avaient été arrachés. Leur santé était mauvaise, leur sort, dur, leurs joies étaient rares. "





" je souhaiterais que les Allemands, tout comme leurs adversaires d'hier, établissent une différence claire entre responsabilité et faute. La faute de la guerre incombait, incombe aux dirigeants allemands qui ont précipité sans raison le monde entier dans ce malheur effrayant. Mais la responsabilité de l'issue dévastatrice de cette guerre incombe au peuple allemand qui n'eut ni le courage ni le désir de renverser ses dirigeants quand il en était encore temps. [ préface de cette présente édition, écrite en 1946 pour l'édition allemande de 1947 ]





Un vrai plaisir de lecture que ce voyage hors du temps à l'Hôtel Berlin 43

Choisi pour la superbe Greta Garbo en couverture, impossible de résister





Vicky Baum, Hedwig Baum (1888), d'origine juive, née en Autriche, fait des études musicales et se marie en Allemagne en 1912 avec le chef d'orchestre, Richard Lert, y écrit plusieurs romans avant de s'exiler définitivement aux Etats Unis, en Californie (Hollywood) et d'y obtenir la naturalisation en 1938.



Ce roman écrit en anglais, est paru en 1944 aux USA dans sa version originale, y a été porté à l'écran presque dès sa sortie pour donner un coup de fouet aux GI. Il avait été traduit et édité in extenso une première fois en allemand en 1947, avec une postface de l'auteure dans sa langue maternelle expliquant son point de vue sur le peuple allemand, les questions de faute et de responsabilité dans la survenue de cette seconde guerre.



Une nouvelle édition en langue allemande sortie en format poche dans les années 1970 sous le titre Hôtel Berlin, pose question tant elle semble réinterprétée et expurgée de paragraphes entiers (Vicky Baum étant décédée en 1960, cela ne peut être à son initiative)





Avec cette réédition et cette nouvelle traduction par Cécile Wajsbrot, les éditions Métailié rétablissent une version fidèle à l'originale et à l'Auteure, en y gardant la préface de la première édition allemande de 1947.





# Challenge aimer Berlin 2021 après avoir lu en 2020 celui d'Hans Fallada

# Challenge Auteurs hors blockbusters de la rentrée
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Hôtel Berlin 43

J’ai été porté par les personnages mis en scène dans ce livre, et ce que je fais rarement, à mi- lecture, j’ai lu, impatiente et craintive , les dernières lignes du roman, pour connaître comment cette histoire s’achevait, tant je m ‘étais attachée aux deux héros.

Bien sûr c’est très romancé , mais ce qui se passe dans ce palace suranné reprend le quotidien à la fois monstrueux, pathétique, famélique, de la haute société allemande en pleine tourmente durant la seconde guerre mondiale , alors que le virage de la défaite s’amorce à grande vitesse .

C’est fort, vivant, captivant , réaliste, Cette nouvelle traduction de l’anglais qui respecte mieux la pensée et le style de Vicki Baum est à souligner.
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Hôtel Berlin 43

Chute de régime.



1943. Tous les notables de Berlin se sont rassemblés dans ce palace. Ils ne croient plus à la victoire. Dans cette ambiance de fin de règne, c'est l'heure des règlements de comptes.



Ce roman a été initialement rédigé en 1942, avant d'être publié en 1943. Il s'agit donc d'une anticipation. Vicky Baum s'avère visionnaire. La conspiration des généraux aura lieu un an plus tard dans la réalité, idem pour le premier bombardement d'ampleur sur Berlin.



Dans ce 1943 alternatif, les notables du régime savent que la fin est proche. La population ne connaît pas la situation réelle et croit encore en la victoire. Différents personnages se croisent durant deux jours. Nobles prussiens, membres de la Gestapo, pilier de bar, actrice égérie du régime ou résistant caché dans l'hôtel, chacun va voir sa vie changer radicalement.



C'est la perte des illusions pour certains, la confirmation de la débâcle pour d'autres, quand ce n'est pas la découverte de l'amour pour deux d'entre eux. Tous les personnages sont lâches mais pour des raisons différentes, progressivement chacun fera preuve de courage à sa manière.



Bref, je ne connaissais pas cette autrice et c'est une excellente découverte.
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Hôtel Berlin 43

Hôtel Berlin 43 de Vicky Baum est réédité chez Métailié , heureuse initiative vraiment.

1943 , Berlin, un hôtel où le gratin du régime nazi a trouvé refuge. Dignitaires SS, SA, Gauleiter, aristocrate et militaires se retrouvent dans cet univers feutré et opulent entouré d'une myriade d'opportunistes de tout genre, de la poule de luxe à la comédienne réputée. Microcosme en dehors du monde berlinois, ce microcosme de nantis se croit au-dessus des lois , mais jusqu'à quand restera t'il à l'abri ?

Publié en 1944, ce roman est prémonitoire. L'effondrement du IIIè Reich, la déroute des troupes allemandes, les raids aériens qui vont anéantir Berlin, le complot qui visera Hitler... Ces évènements surviendront tous au moins 1 ou 2 ans plus tard. Qu'adviendra t'il de l' Allemagne, que deviendront ces millions d'allemands aveuglés par le Fürher? Et si le temps était venu de déciller leurs yeux .

Un roman écrit par une femme née en Autriche, allemande par mariage, déchue de sa nationalité allemande car d'origine juive et naturalisée américaine en 1933. Un roman écrit en anglais, traduit en allemand avec selon les éditions des omissions de texte , avec en arrière plan la guerre froide et deux Allemagne .

UN très grand merci aux éditions Métailié pour ce partage via Netgalley

#HôtelBerlin43 #NetGalleyFrance !
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Hôtel Berlin 43

Ce roman n'est pas une simple fiction des années de guerre à Berlin mais un roman d'anticipation paru en 1943 aux Etats-Unis où l'auteure vit depuis 1932 et dans lequel elle décrit ce qu'elle estime être le devenir de l'Allemagne !



L'histoire se déroule en huis-clos dans ce Palace où se retrouvent quelques personnages importants du régime nazi et aristocrates, leur femme pour certains, leur maîtresse pour d'autres, un héros, un fugitif, tous pour se protéger des bombardements qui sonnent comme les prémices de la fin du IIIè Reich !



Chaque personnage est abordé minutieusement avec ses forces et ses faiblesses, ses pensées et ses prises de conscience. Tous les faits sont tellement près de la réalité qui arrivera quelques années plus tard, que j'ai souvent oublié que le roman a été écrit bien avant leur déroulement ! Bluffant et quelle brillante analyse du déclin qui n'était pas encore annoncé !



Assurément un livre à lire pour son réalisme prémonitoire.



#HôtelBerlin43 #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2021



Challenges MAUVAIS GENRE 2021

Lecture THEMATIQUE août 2021 : En ville !
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Solitude (Ulle)

Bouleversant, bouleversant parce que d'une profonde humanité. Sans pathos, Vicky Baum nous parle de nous, de nos solitudes, parce que nous sommes seuls, aussi bien les animaux que nous autres humains plus ou moins gâtés par la nature.

En ces années folles et gaies du Berlin des années 1920, elle nous parle d'une société rejetant les accidentés de la vie, les mal-foutus, ceux que nous refusons de voir, encore moins de toucher, ceux à qui nous n'accordons pas une once de finesse et d'intelligence.

Vicky Baum plonge son lecteur dans la vie d'Ulle, nain difforme, depuis son enfance jusqu'à sa maturité.

Complètement isolé comme par un mur de verre, tout un chacun le fuit, le rejette. Même pas d'école. Il se forme, s'éduque seul, s'oblige à des travaux difficiles, lutte contre la crasse et surtout se forge une personnalité toute en dignité. Seul avenir pour lui ,rejoindre un cirque, un cirque montrant des "phénomènes". C'est le second chapitre du livre et certainement celui qui m'a le plus touchée : le cirque voyage et ne s'implante nulle part, s'offrant aux regards et aux dégoûts de leurs spectateurs, mais chacun de ces "artistes", du directeur à son boa, rêve, rêve d'une vie normale inatteignable.

Quelques havres de paix et de chaleur : le dialogue avec son père qui essaie de l'armer pour cette vie difficile, l'intérêt d'une vieille demoiselle qui a essayé de lui venir en aide, l'amitié rustre de son compagnon de cirque et surtout, ce lien avec un poète dramaturge qui va comprendre toute la richesse de sa personnalité ...Pour un temps. Et puis, de nouveau cette impossibilité à se faire, vraiment, accepter par les autres et le retour à une vie dont il n'a plus qu'à attendre la délivrance.



Vicky Baum ironise sur la société, celle des gens bien, normaux ; c'est un drôle de troupeau un peu bêlant, qui criera au loup à la vue d'un autre non conforme à leurs normes ou raillera méchamment celui qui ne respectera pas les sacro-saintes règles du bon goût. Mais en face, celui-là le rejeté, le raillé, il nous ressemble tant.



Superbe roman avec de grands et beaux passages, comme le bal des forains, la conversation avec le père dans une forêt printanière, la fête à l'auberge avec les jeunes scouts où l'espace d'un instant Ulle a pu se fondre dans la foule et ses réjouissances, l'amitié respectueuse et réciproque qui naît entre lui et le poète. Tous ces instants merveilleux qui nous font oublier quelques temps notre solitude.
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Grand Hôtel

Comment parler de cette lecture ? Lecture "schizophrénique" parce qu'accompagnée de ce vertige entre deux mondes, entre l'espace temporel où se situe le roman et ce que nous savons de l'histoire des années suivantes, cette sensation d'évoluer sur le bord d'un volcan dont on voit avec effroi la lave en fusion se rapprocher dangereusement du bord du cratère ; mais aussi d'imaginer que Vicki Baum, quand elle l'a écrit, "balançait" entre rester ou partir d'Allemagne...La sensation d'être sur le fil du razoir quand il faut prendre une décision vitale.



Très riche et beau symbole cette porte pivotante par laquelle on entre ou sort de ce Grand Hôtel, comme on entre ou sort de la vie, par hazard, avec des espoirs et des envies, sans savoir, sans connaître les êtres qu'on y croise. Et ce passage dans lequel l'espace d'un instant on est isolé entre deux parois de verre, qui tourne plus ou moins vite.

Et puis, comme le chantait Jacques Brel "au suivant" : ces chambres de vie aussitôt libérées sont aussitôt prêtes à accueillir...un autre, sans garder de mémoire du précédent. Ronde, succession un peu folles, d'agitations vaines.

Dans cet espace, à peine l'opportunité, le temps nécessaire pour lier des amours et amitiés dont la pérenité est aléatoire. Monde d'illusions, de dorures de théâtre et de musiques entrainantes mais si lointaines, assourdies...par le bruit du trafic, des nuisances extérieures.



Il y a une urgence et une folie dans ce roman. Pas de gaieté, juste une soif de vivre que rien n'assouvit. Tout est...ébauché, râté parce que précipité.



Même si chaque personnage est solidement campé, depuis le plus petit portier jusqu'aux principaux héros, on a tout de même la sensation d'en savoir bien peu, juste ce qu'ils voudront bien laisser transparaître de leurs vies, comme les petites révélations d'une rencontre éphémère.



Quand Vicki Baum a écrit ce roman elle avait quarante et un ans, le mi-temps de sa vie, ce temps où chacun fait le point sur le chemin parcouru et se pose la question de son devenir. Question d'autant plus urgente que l'environnement politique et sociètal de ce Berlin des années folles étaient porteur de menaces.

J'ai eu l'impression qu'elle hésitait entre deux représentations d'un choix de vie : celui du médecin blessé, solitaire et désabusé qui s'assoit et regarde l'agitation des autres ou celui de la toute jeune femme lucide, qui a des projets et dont toute l'énergie est focalisée pour atteindre, avec enthousiasme, son rêve d'une vie meilleure.



Très beau , très fort roman, superbement écrit qui parle d'impermanence et de fragilité.



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Sang et volupté à Bali

J'avais lu ce livre (qu'une copine m'avait prêté) il y a bien vingt ans de cela, et, depuis quelques années, je le cherchais, pour le plaisir de le relire et de l'avoir dans ma bibliothèque. Hors de prix sur Internet, je l'ai trouvé à 3 € chez un bouquiniste lors du festival Atlantide à Nantes. Je l'ai donc relu avec joie, je m'en suis même délecté... surtout... pour les parfums d'exotisme qu'il dégage...

En 1906, sur l'île de Bali en Indonésie, les colonisateurs hollandais vont se servir de quelques prétextes, comme le naufrage d'un bateau, et du pillage supposé de celui-ci par la population d'une province insoumise, le royaume de Badoung, pour y imposer par la force leur domination. Poupoutan (la fin) est le nom que donnent les balinais à cet épisode tragique de leur histoire. Vicki Baum a utilisé les notes que lui avait laissé un médecin, le Dr Fabius. Elle écrit, en 1936, le roman que lui-même n'eut que le temps de concevoir.

Très bien documentée donc, notamment sur les coutumes et la vie des habitants de Bali, cette histoire est mise en valeur par le talent particulier de Vicki Baum. Elle s'y prend à merveille, je trouve, pour montrer une réalité pleine de contradictions. Le monde n'est pas blanc ou noir. Le beau et le laid, le bien et le mal, la vie et la mort, ne sont pas séparés par des frontières étanches.

Petite déception tout de même sur le bouquin, car dans mes souvenirs, les bouleversements liés à l'occupation hollandaise était plus présents, l'exploitation coloniale me semblait être un thème du livre. Or, la vie des colons hollandais, leur point de vue, leur motivation, n'apparaissent qu'en filigrane dans le roman.

On se doute que cette question n'est pas le cœur des préoccupations de Vicki Baum, puisque dans sa préface originale de 1937, l'auteur justifie quelques entorses historiques, et fait même rapidement l’éloge de « l’œuvre civilisatrice » de la Hollande en Indonésie. Elle omet donc les exactions des troupes hollandaises ; seuls les balinais ont l'air de se comporter cruellement (en tuant femmes, enfants et vieillards lors du Poupoutan)...

Autre chose qui me semble notable : La société balinaise est très religieuse (à 95 % hindouiste, à l'inverse de l'Indonésie majoritairement musulmane). A les entendre, on pourrait dire que, quel que soit le problème, « ils s'en remettent à Dieu ». Oui..., en paroles..., car – et on retrouve cela ailleurs en Asie – concrètement, ils s'en remettent surtout à la solidarité au sein du village et à la fraternité humaine, bien plus efficace que la résignation liée à leurs croyances religieuses, qui semble paradoxalement constituer leur ligne de conduite.
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Grand Hôtel

"Grand hôtel" est un livre superbe de l'écrivaine américano -autrichienne Vicki Baum née le 24 janvier 1888 à Vienne et morte le 29 août 1960 à Hollywood.



Dans l'hôtel sélect le Grand Hôtel, on croise bien des figures soucieuses, du groom au client richissime.



Les coups de pinceau de Baum sont acérés, précis, sans illusion sur l'humaine nature, mais sans cruauté. On se fait la remarque à la lecture que si minable, si escroc, si malheureux que soient les personnages, aucun n'est fondamentalement mauvais.



Tous jouent leur partition sur un mode de comédie dramatique au début, puis prennent de l'épaisseur et finissent par rejoindre le tragique de la condition humaine, même s'ils l'abordent par des portes différentes.



J'ai un peu pensé aux atmosphères créées par Colette et Irène Menirovski. Toutes trois ont le talent d'aller à l'essentiel, au coeur des êtres et des choses. Il n'y a pas cependant le côté un peu vachard de Colette, et le style est très différent de celui de Nemirovski, plus abrupt.



Mais à quoi bon comparer ?



Vicki Baum est un peintre formidable, je lirai ses autres romans dont deux évoquent encore des hôtels : "Hôtel Berlin" et "Hôtel Shangaï". "Lac aux dames est célèbre aussi.



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Lac aux Dames

C'est un livre ... décalé et sans grand intérêt. Il raconte l'histoire d'un jeune ingénieur, Urbain Hell, sans le sou et qui vient pendant un été faire le maître nageur dans un hotel au bord d'un lac au Tyroll. L'absence d'action se passe en 1930. Beau, il est l'attention de toutes les femmes de 7 à 77 ans qui passent leur vacances autour du Lac au Dames. Il y a Puck, petite baronne toquée qui habite de l'autre côté du lac, sa mère, La Bojan, actrice peut-être sur le déclin, Mme Mayreder femme de médecin, une sourde muette à qui il apprend à nager en fermant la bouche sinon elle avale trop d'eau, May la jumelle de Carla, Anyouschka sa première maîtresse etc. Il jeûne 3 jours sur 4 (pas de sou) attend une lettre qui le rendra riche et tombe éperduement amoureux de May qui le lui rend bien. À part cela, l'eau du lac est froide, le temps capricieux et le livre ... ennuyeux. De plus la traduction me semble bizarre d'où le décalage.

On ne perd rien en ne lisant pas ce livre.

Le sous-titre? "Un roman gai d,amour et de disette" cela veut tout dire. Disette intellectuelle pour le lecteur.
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Grand Hôtel

Six personnages en quête de leur destin



Berlin 1929. On entre et on sort du très chic Grand Hôtel par une porte tournante. Six personnages, quatre hommes et deux femmes, vont entrer par cette porte pour rencontrer leur destin : la vie, la mort, l'amour, la solitude.

En l'espace de deux jours les certitudes, et les incertitudes, de chacun vont basculer, tout comme le monde, en 1929, va commencer à basculer vers le chaos.

J'avais tenté de lire ce livre il y a bien longtemps, mais sans succès. Cette deuxième tentative a été plus fructueuse sans toutefois me satisfaire.

C'est un roman fort, qui aborde des thèmes importants au travers d'une galerie de personnages qu'on suit pendant deux jours et deux nuits jusqu'au dénouement final.

Pourtant je n'ai pas réussi à y entrer pleinement ni à m'attacher aux différents protagonistes. Il manque pour moi un certain relief à l'histoire, aux histoires de chacun.

Bref, un beau roman qui n'a pas vraiment su me séduire.

Challenge Solidaire 2024

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Grand Hôtel

Grand Hôtel de Vicki Baum ( Livre de Poche N°181-182 - 435 Pages)





Un livre que j'ai lu bien trop jeune pour comprendre toutes les finesses de ce roman.

Babelio ( Challenge Solidaire 2024 ) Je vous recommande car vos lectures alimentent une cagnotte pour des bonnes oeuvres et sans ouvrir votre porte-monnaie. Une liste d'auteurs est indiquée et vous lisez les livres de ces auteur, chaque avis déposé augmente la cagnotte. Dans la liste il y avait Vicki Baum.

Donc j'ai pris dans mes vieux bouquins ce superbe roman.

Vous allez vivre un séjour de 435 pages dans le plus grand hôtel de Berlin juste après la guerre de 14-18.

La vie tant du personnel que de la clientèle est étalée devant vos yeux.

Ces personnages ont tous leurs secrets plus ou moins avouables.

La danseuse étoile, adulée, la Grousinskaïa n'a plus le succès de sa jeunesse.

Le beau baron, Gaigern, qui est il vraiment ?

Et Kringelein qui arrive dans l'entrée de l'Hôtel avec un aspect miteux et à qui on dit qu'il n'y a plus de chambre ?

Il arrivera avec beaucoup de mal à obtenir une des plus belles suites. Quel est son secret ?

Le Docteur Otternschlag, mutilé de guerre qui demande tous les jours s'il a du courrier et s'ennuie.

Le Directeur Général, Preysing qui arrive pour conclure une fusion entre son usine et une autre qui ne semble pas vouloir.

Il ne faut pas oublier la jolie secrétaire, Flamme.

Maintenant rentrez dans l'Hôtel et venez vivre quelques jours avec eux

Mireine





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Hôtel Berlin 43

Les éditions Métailié proposent, dans la collection « Bibliothèque allemande », au moins deux romans ciblant le nazisme : sa montée (pour l’un) sa chute (pour l’autre). Ce sont « La septième croix » d’Anna Seghers et « Hôtel Berlin 43» de Vicki Baum. Leurs points communs : deux auteures allemandes exilées aux USA avant le début des hostilités, deux romans écrits avant la fin de la Seconde Guerre Mondiale, deux livres inclus dans le package des GI’s appelés à débarquer sur les plages de Normandie, deux adaptations hollywoodiennes peu avant et peu après l’Armistice. Les deux récits véhiculent des thématiques similaires : la soumission léthargique d’un peuple à un totalitarisme inique, l’opportunisme et l’appétence de certains pour le pouvoir et l’argent quitte au pire et à la folie génocidaire. Et au final, pour les deux, un happy-end, ou pour le moins une lueur d’espoir pour qu’enfin renaissent les jours heureux d’antan.



J’avais précédemment lu (et chroniqué) « La 7ème croix ». Je récidive, ici, avec « Hôtel Berlin 43» qui, en queue de comète du conflit, anticipe et tire déjà le bilan d’une fin de règne.



1943 : une année-charnière pour l’Allemagne et ses alliés, une année-bascule entre apogée et fourches caudines. Le nazisme vacille ; qui pour l’enterrer dans l’attente fataliste d’un désastre pressenti ? Personne ou presque n’y croit encore vraiment ; l’espoir/le désespoir s’habillent de non-dits ; certains se ménagent déjà des solutions de replis vers l’étranger.



1943 : Berlin sous les bombes. H24 ou presque. Les raids de jour ne débuteront que l’année suivante. Vicki Baum anticipe. Les tentatives de putschs, dont il sera question dans le roman, n’auront lieu, de même, qu’en 44.

« Hôtel Berlin ». Un cinq étoiles Grand Siècle en écho d’un passé glorieux. Un palace réservé, en ses heures fastes, aux élites financière, politique et aristocratique. Un hôtel grand luxe, au statut diplomatique officieux : des affaires internationales s’y réglèrent ou avortèrent ; le national-socialisme ne fera pas exception à la règle. De l’Empire au nazisme triomphant, par-delà l’espoir suscité par la fragile République de Weimar déchue, une faune caractéristique des époques traversées s’y est agitée. Baum nous en présente quelques exemples.



« Hôtel Berlin » : un palace suranné, à bout de souffle, à l’entretien illusoire (les finances du Reich sont au plus bas, il y a d’autres priorités) ; un bâtiment peu à peu grignoté par la mort venue du ciel. Grand privilège, la haute-société y mange encore convenablement, hors rationnement, quand au-delà de ses murs les civils crèvent de faim. C’est aussi un palace repos du guerrier discrètement offert aux aviateurs revenus du siège de Stalingrad. On y danse, on y chante, on y flirte. On se réfugie dans ses caves quand l’alerte est donnée et que tremblent les murs sous l’assaut des bombes. Y séjourne la race des vainqueurs arrogants d’il y a peu, celle bientôt honnie des vaincus, sous l’œil patient et acerbe d’un petit personnel inamovible qui, peu importe les régnants, se fond dans le décor ou complote discrètement.



« Hôtel Berlin ». Militaires, épouses et petites pépées. Diplomates discrets, allemands ou issus de pays alliés, neutres et affiliés. Gestapistes hautains et arrogants, aux aguets de la tête qui dépasse des rangs. Banquiers, financiers, affairistes, industriels, tous étrangers, de plus en plus réticents à engager de l’argent dans un Reich à vau-l’eau.

« Hôtel Berlin » : L’étau se resserre à quelques mois de l’hallali. Sur le fil des illusions perdues de castes moribondes et de parvenus démasqués, l’hôtel devient un lieu stratégique, un huis clos où disséquer l’implosion en cours d’un régime à l’agonie, le destin d’un peuple promis à la défaite mais qui sera le dernier à savoir. 48 heures durant, comme en équilibre au bord d’un gouffre, se nouent et se délient nombre de destins croisés. S’y jouent à pile ou face les morts par suicide, celles sous le poids des bombes ou des armes, celles des coupables et des sacrifiés sur l’autel de l’aryanisme. La grande comédie de l’amour y prend place aussi, entre deux êtres que tout aurait dû opposer. On n’est pas très loin de l’atmosphère supposée de Sigmaringen au bout du bout de la collaboration vichyssoise.



Le brigadier frappe les trois coups d’un drame de théâtre, de quelques actes sur le plancher du hall, d’une réception où rôde encore la soumission des employés, sur celui des chambres où dans l’intimité se jouent en vain les dernières cartes d’une diplomatie allemande dépassée, avant que la note du prix à payer ne soit présentée.



Quelques personnages de premier plan ou ancillaires :



Arnim Von Dahnwitz : archétype du général à la prussienne, celui de la Wehrmacht et pas de la SS qu’il déteste, toujours d’active sur le front malgré son grand âge, homme de vieille noblesse, au port raide, monocle sous sourcil haussé, bottes claquées sous le fouet du stick, salut hitlérien comme contraint par les circonstances, petite pépée à discrétion, acteur (parmi d’autres) d’un putsch avorté dont il devra rendre compte en toute discrétion …



Lisa Dorn : jeune et belle actrice de cinéma et de théâtre shakespearien (le fait a son importance dans la couleur donnée à sa personnalité) ; remarquée par le Führer alors que, toute jeune, elle lui offrit des fleurs sur le chemin de l’Anschluss ; depuis lors égérie du régime ; nourrie et adulée dans la soie d’un nazisme de façade ; elle n’est plus en prise avec la réalité, enfermée dans une tour d’ivoire tout en théâtralité oblitérant la réalité.



Martin Richter : étudiant, opposant au régime en place ; la Gestapo à ses trousses ; un phare dans la révolte, au bout d’un tunnel sombre ; l’espoir de renaissance d’un peuple sous chappe de plomb totalitaire ; presque une légende de la clandestinité. Le voici traqué dans l’hôtel ; quel va y être son destin ?



Von Stetten : ambassadeur d’Allemagne. L’homme de l’ombre, tout en non-dits et suggestions. L’ultime solution à la défaite, celle diplomatique, loin des combats désormais inutiles et vains. Von Stetten, aussi, apte à régler en douceur le cas Von Dahnwitz saura se montrer Grand Siècle en ces heures d’apocalypse.



Tilli. Un peu Dietrich dans l’ange bleu. Désargentée. Elle n’a d’autre légitimé dans l’hôtel que sa jeunesse, sa beauté, son sex-appeal, sa naïveté, sa joie de vivre, son versant charnel avenant, son empathie pour les jeunes aviateurs en permission. Elle passe son temps à se chercher en vain des chaussures, les siennes sont hors d’usage. Elle semble n’avoir qu’un rôle annexe alors que son histoire, longtemps retenue (et je n’en dirai rien), fait d’elle la grande énigme du récit, presque son point d’orgue.



Ecrit en anglais, aux Etats-Unis et à l’été 43 (parution US l’année suivante), « Hôtel Berlin 43 » a subi, après guerre, les aléas des rapprochements franco-allemands et les tensions est/ouest ; ce qui provoqua des traductions à géométries variables en fonction des pays destinataires : passages oubliés ou modifiés (ceux peu amènes à l’égard de la population civile du 3ème Reich), noms disparus de personnages, de lieux ou donnés à certains évènement … La présente version en français est issue de la VO en anglais de 44. Vicky Baum avait fait paraitre un autre roman (« Grand hôtel ») en 1931 qui, construit sur le même principe, était axé sur la montée du nazisme. (Peut-on considérer les deux œuvres comme les 2 volets d’un diptyque ?). « Grand hôtel » valut à Baum d’être classé au rang des auteurs interdits et soumit à autodafé.



Elle s’exila …



Merci aux Ed. Métailié, à Babelio et à sa Masse Critique


Lien : https://laconvergenceparalle..
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Hôtel Berlin 43

Vicki Baum lit l'avenir dans le marc de champagne, ou dans le cristal des lustres des grands hôtels berlinois où se pavane la crème du IIIe Reich. Après Grand Hotel, l'autrice replace l'action de son roman dans un hôtel. Elle s'y livre à quelques spéculations sur ce que pourrait ou pourra être la fin du nazisme.



Car quand elle imagine et écrit ce roman, plusieurs événements clés n'ont pas encore eu lieu. Mais Vicki Baum se projette. Elle transfère peut-être ses envies, ses désirs les plus ardents et décrit le délitement du nazisme dans un huis clos assez caustique.



Dans ce grand hôtel berlinois, en 1943, vont se croiser un général, un pilote de chasse, une actrice en vogue courtisée par le général, un déserteur, une prostituée, un journaliste anglais obligé de faire peuvre de propagande dans une émission de radio quotidienne, une mère juive, un coursier faisant partie de la résistance, des profiteurs de tous ordres...



Dans l'hôtel, on vit sur un grand pied. Il y a le luxe nazi, le paraître, le déni de la catastrophe imminente. C'est un huis clos, et souvent on a davantage l'impression qu'il s'agit d'une pièce de théâtre que d'un roman. J'ai aussi pensé à Casablanca. Il y a une atmosphère assez semblable. Une passation de pouvoir, un changement de mentalité. Un côté "fin de siècle".



Là où Vicki Baum touche au sublime, c'est dans les événements qu'elle imagine. Le bombardement de Berlin, un complot de généraux contre Hitler... pour n'en citer que deux. En 1943, on en parle sans doute, mais ce n'est pas encore à l'ordre du jour.



Une lecture intéressante. Une écriture assez directe qui plonge le lecteur dans la pensée des protagonistes (même s'ils sont parfois un peu caricaturaux... mais le nazisme est une caricature en soi).
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