Victoire Tuaillon, Mehdi Bayad, Pascale Pascariello... Ils sont les artisans de l'univers foisonnant du podcast. À Télérama, où on les suit depuis longtemps, nous les avons rencontrés pour une galerie de portraits vidéo. Aujourd'hui,
Axelle Jah Njiké, créatrice de Me, My Sexe and I, de la fille sur le canapé, et productrice de Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé..
Elle se définit comme une "autrice et militante féministe païenne".
Axelle Jah Njiké a encouragé l'expression des intimités de femmes noires dans le podcast Me, My Sexe and I en 2018, avant de donner à entendre des victimes de violences sexuelles (dont elle-même) dans la bouleversante Fille sur le canapé (Nouvelles Ecoutes). Elle a aussi, pour France Culture, livré une histoire des féminismes noirs francophones (Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé dans LSD, la série documentaire). Rencontre avec une humaniste bouillonnante, qui vient de publier son Journal d'une féministe (noire), au Diable Vauvert.
Entretien : Laurence le Saux, Réalisation : Pierrick Allain
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Il me semble important que les hommes comprennent comment, même s’ils sont irréprochables dans leur comportement, s’ils n’ont jamais exclu, harcelé ni agressé personne, ils bénéficient du privilège masculin, sans rien faire. Juste en existant.
En résumé, la masculinité n’est pas une propriété immuable qui serait identique depuis la nuit des temps et partout sur la planète. C’est une construction (historique, sociale et culturelle), en perpétuelle reconfiguration, c’est un processus relationnel (on le construit non pas tout seul, mais en relation avec les autres, cest une relation hiérarchique (le masculin toujours supérieur au féminin), et une performance : on performe son identité masculine comme un acteur qui jour un rôle, par ses paroles , ses attitudes, ses gestes.
« Si on envisage toutes les relations comme une lutte de pouvoir, alors il ne peut pas y avoir d’amour. Si on n’envisage les autres que comme des moyens alors on ne les aime pas vraiment. » (p. 150)
Je suis féministe, c'est-à-dire : je crois à cette idée révolutionnaire que les femmes sont des êtres humains. Je veux, et je crois que c'est possible, que quel que soit notre genre, nous puissions mener des vies libres et heureuses, à égalité. Je suis convaincue que cette question des rapports de genre, et donc de masculinité, nous concerne absolument toutes et tous, dans tous les aspects de notre vie.
[p9]
À la différenciation des genres se superpose une hiérarchisation. Dans la quasi-totalité des sociétés connues, ce qui est masculin est considéré comme supérieur au féminin. Cette dichotomie imprègne toute notre manière de voir le monde, tous nos systèmes de représentation. On valorisera ce qui est codé comme masculin : une petite fille qui joue au foot ou aux voitures sera généralement encouragée, mais on verra souvent d'un mauvais oeil des petits garçons faire de la danse ou jouer à la poupée.
(...)
Puis, à l'adolescence, l'obligation à l'hétérosexualité devient de plus en plus pressante : c'est en ayant des relations sexuelles avec des femmes que le garçon est censé prouver qu'il est un homme. (...) Et quand on assemble cette obligation à l'hétérosexualité à l'infériorisation du féminin, on comprend ce paradoxe tragique : on apprend aux garçons qu'ils doivent désirer ce qu'on leur a d'abord appris à mépriser.
Et puis, plus généralement, je me dis que quand on dit qu'on aime les femmes, qu'on adore les femmes une preuve de cet amour serait de s'intéresser à ce que pensent, font, produisent les femmes. De lire des rommans écrits par des autrices. De regarder des films et des séries réalisées par des femmes. De les écouter pour de vrai
Je crois que le féminisme n’est pas une guerre contre les hommes, mais une lutte contre ces structures qui permettent à la domination masculine de perdurer. Et donc contre ce qui, dans la construction de la masculinité (première partie) en fait un privilège (deuxième partie), une exploitation (troisième partie), une violence (quatrième partie)… Il n’y a aucune fatalité ; ce sont des questions structurelles, et les structures, on peut les défaire ou les esquiver (cinquième partie)
Tous les hommes sont en position de domination, mais ils le sont plus ou moins. Ce n'est pas la même chose d'être un jeune homme dans un milieu populaire en ville, d'être un jeune de cité, ou d'être élevé dans un milieu rural. Parce que la masculinité blanche, hétérosexuelle, riche, celle, disons, du "jeune cadre dynamique" ne donne pas les mêmes avantages dans notre société que celle d'un homme gay pauvre, ou celle d'un ouvrier noir qui vit en banlieue - l’État, la police, la justice, les médecins, les employeurs, les propriétaires, etc. ne vont pas les traiter de la même manière. Et ces normes changent selon le contexte, selon l'époque, les pays... mais sans que ça ne remette jamais en cause la domination masculine.
[p12]
Personnellement, malgré tout mon optimisme, je choisis la seule solution qui me paraît cohérente : refuser fermement toute proposition de mise en ménage. Emménager avec un homme, quand on est une femme, c’est prendre le risque de voir son temps de travail doubler. Quelle ironie, quand on pense que ce sont souvent les femmes qui insistent pour emménager ensemble, alors qu’il est très probable que ce sont elles qui y perdront. Mais je reconnais que cette solution est difficilement généralisable ; toutes les femmes n’ont pas envie de vivre seules. Ou tout simplement… pas vraiment les moyens (et on en revient aux inégalités de salaire).
p. 128
Comme on ne connaît qu'un seul schéma, toute autre relation sexuelle est déconsidérée, méprisée, vue comme honteuse ou sans importance. Là encore on pense sur un mode binaire, avec d'un côté le légitime couple amoureux, de l'autre le méprisable plan cul. Cette expression m'a toujours semblé atroce : comme si la tendresse et l'intimité ne pouvait être vécues qu'en couple. Comme si le sexe avec quelqu'un avec qui on ne veut pas s'engager ne pouvait impliquer aucun véritable respect. Ca me semble surtout révéler le mépris avec lequel on considère le sexe, comme si le sexe n'était pas important, pas digne.