Victor Chklovski

Très joli livre, d'une grande modernité, s'ouvrant sur une mise en exergue d'un poème de Velimir Khlebnikov, ainsi que d'une préface de l'auteur expliquant rapidement sa manière de composer ce roman épistolaire, dont il est difficile d'évaluer la part imaginée, composée, par rapport à la réalité vécue par Chklovski.

Les lettres sont courtes, ciselées, toujours précédées d'un encart les résumant, laissant apparaitre leurs squelettes de non-dits, de "lettres qui ne parlent pas d'amour" (sous-titre du livre), leurs existences n'étant qu'expression d'un amour unilatéral de l'auteur pour Elsa Triolet, de ce narrateur sans nom pour Alia.

Difficile de décrire le charme délicat et douloureux qui émane de ces petites lettres; une deuxième lecture dans la foulée m'a fait apparaitre des traits, des zébrures, cachés derrière ces considérations sur l'art et le monde de leur temps, secoués par cette forme audacieuse et contemporaine.

En résonance, on pourra lire Vladimir Maïakovski, dans son livre "Lettres à Lili Brik", compilant les lettres d'amour à la soeur d'Elsa Triolet.

13e siècle : Victor Chklovovski nous livre un ouvrage historique retraçant le fabuleux voyage de Marco Polo. L’auteur nous offre dans un premier temps une introduction, très utile pour la compréhension de la suite de son récit, qui présente les échanges commerciaux de l’antiquité au 14e siècle. Puis, il jalonne et décrypte le voyage de la famille Polo, de Venise, alors rivale de Gênes, jusqu’aux provinces les plus reculées de la Chine. Au-delà du fabuleux destin de Marco Polo, qui, parti à l’âge de 17 ans, passera 16 ans en chine, c’est une découverte de l’histoire de l’empire mongol, de son organisation politique, économique et militaire. En plein apogée, sous le règne de Koubilaï KHAN, petit-fils de Gengis Khan, il s’étend alors sur une grande partie du Moyen-Orient, de l’Europe de l’Est et de l’Asie. Il est le plus grand empire continu n’ayant jamais existé. L’Europe chrétienne d'alors est en plein obscurantisme. Elle restera longtemps incrédule aux récits de Marco Polo, considéré comme un affabulateur lorsqu’il décriera la puissance, les richesses, les raffinements et les sciences déployées dans cet « empire hérétique ».



Cet ouvrage permet un décryptage aisé et approfondi du voyage des Marco Polo (père, oncle et fils) et une immersion dans l’empire mongol souvent négligé dans la littérature par rapport à d’autres civilisations telles que les Grecques et Romaines. Passionnant !

Technique du métier d'écrivain, de Victor Chklovski : un essai sérieux, mais qui fait rire, c'est bien là tout le génie du merveilleux Chklovski ; parsemé d'exemples, de lettres (de Tolstoï), d'extraits qui vous donneront envie d'écrire ou de lire pèle mêle Les Blaireaux de Leonov, Moloch de Kouprine, du Dostoïevski, du Tchekhov aussi, et qui nous dit aussi la valeur de s'inspirer, d'avoir des maitres, mais aussi l'importance de ne rien produire lorsque rien de bien ne vient - un livre indispensable! (merci les éditions L'Arbre Vengeur)

Routes, caravanes et négoces se succèdent de lignes en chapitres.



Découvertes et trésors d'une Asie en plein rayonnement de son histoire.



Oncle, père et neveu font connaissance avec un continent d'ors et d'accueil.



Epices et saveurs se révéleront aux douceurs d'une route de soie et de comptoirs.



A découvrir dans un rythme et un style simple et limpide.

Victor Chklovski est évidemment concerné par la révolution russe de 17 puisqu'il est né en 1893 à Saint- Pétersbourg. Il appartient à la branche Parti socialiste révolutionnaire, mouvance activiste, dont certains membres prônaient carrément le meurtre contre les dignitaires du régime impérial pour imposer leurs idées. Nous qualifierions cela d'organisation terroriste aujourd'hui. Il participe à la lutte armée de 1917, et à ce titre il peut se maintenir sur le sol russe, il va ensuite s'illustrer dans des assauts répétés contre les russes blancs.. Il se rendra compte de ses erreurs et tournera le dos aux bolcheviks en choisissant l'exil, nous sommes en 1922. Il se réfugie en Finlande, puis en Allemagne, mais ne supporte pas l'exil. Il rentre au bercail profitant d'une amnistie (sous Lénine). La suite sous Staline ne sera pas très glorieuse pour lui, il n'est pas utile de s'y attarder. Il devra avaler bien des couleuvres pour échapper aux persécutions.



Je ne connais pas l'état de ses services, des zones d'ombre enfument cette période ! mais je pense que sa vocation est plutôt littéraire, il sera d'ailleurs proche de gens comme Maïakovski, Gorki. ses essais sur Tolstoy,

Dostoiev$ki, Sterne .. en attestent.



Il faut dire que c'était un homme brillant, à l'avant-pointe de divers mouvements intellectuels ; il a survolé son siècle comme un théoricien de la littérature, et c'est à ce titre que j'en parle ici.

Une histoire exceptionnelle malheureusement je l'ai trouvée mal écrite et je n'ai même pas fini ce livre! Je cherche depuis une bio de Marco polo qui soit plus digeste... à bon entendeur...

Contraint à l'exil en 1922, Victor Chklovski se retrouve à Berlin où il va rédiger Voyage sentimental, son premier roman après plusieurs essais et biographies dans les années 10.

L'échange de lettres avec Elsa Triolet dont il est amoureux (sans réciproque) donnera Zoo, un "roman épistolaire" un peu à sens unique tant Elsa Triolet, ici rebaptisée Alia, participe peu à l'échange sinon pour lui demander de ne surtout pas lui parler d'amour (d'où le sous-titre « Lettres qui ne parlent pas d’amour » présent sur la couverture de l’édition originale de 1963 et bêtement retiré dans celle de 1999).

De réflexions sur l’exil en tentatives désespérées de ne pas glisser dans une lettre d’amour, Chklovski vit sa double frustration en nous livrant des fulgurances philosophiques et littéraires qui en font un auteur d’une modernité éclatante. Il parle de Biely, il parle de Remizov, de Khlebnikov, d’Ilya Erhenbourg (« des œuvres médiocres », entièrement d’accord), l’Ordre des Singes,… Où qu’il aille dans ses digressions intellectuelles, on le suit avec bonheur, sans rien en attendre de particulier, en prenant avec régal tout ce qui nous est donné.

Un roman épistolaire réclame une motivation : qu'est-ce qui oblige les gens à correspondre ? L'explication habituelle, c'est l'amour et la séparation. Je l'adoptai dans un de ses aspects particuliers : les lettres sont écrites par un homme amoureux d'une femme qui n'a pas de temps à lui consacrer.

La littérature, c'est un peu comme la cuisine.



Grande gastronomie, plats roboratifs et familiaux, petit en-cas sans prétention mais réconfortants... il y en a pour tous les goûts.



Et à quoi tient la réussite d'un roman ? Comme celle d'un mets, on pourrait prétendre que c'est une question d'ingrédients, de dosage, de temps de cuisson, mais ce qui, au final, fera la différence, c'est l'art du chef, sa capacité à lier l'ensemble, à la marquer de son empreinte, à se montrer à la fois inventif et cohérent...



"Gaz moutarde" est le résultat d'un travail à quatre mains. Ecrit en 1929, ce roman russe sous-titré "d'aventures" et d'abord inédit en France est récemment paru aux Editions Le Temps des cerises.



Viktor Chklovski et Vsevolod Ivanov ont su réunir des ingrédients goûteux, propres à émoustiller les papilles, soit...



... une galerie de personnages improbables et hauts en couleurs : un noir qui ne dort jamais, cumulant ainsi les emplois de majordome, barman et danseur de claquettes, un matelot russe désinvolte et rebelle reconverti dans l'espionnage, inséparable d'un ours prénommé Rocambole, un représentant en peigne allemand dont la ressemblance avec son cousin va lui causer d'épiques mésaventures, le dit cousin ayant été reconverti en dieu médiatique par un lobby américain...

... une bonne dose d'humour décalé, porté par une intrigue parodique oscillant entre farce et roman d'anticipation...

... une succession d'aventures cocasses sur fond de révolution et de guerre chimique, d'endoctrinement des masses...



Malheureusement, l'impression que je retire de l'ensemble est celle d'un cruel manque de liant... comme si Viktor Chklovski et Vsevolod Ivanov avaient éprouvé des difficultés à se répartir intelligemment les étapes de la recette, le résultat manquant d'homogénéité.



L'entrée dans le récit est d'ailleurs assez déstabilisante : l'intrigue passe du coq à l’âne, est émaillée de digressions dont on ne comprend pas toujours l'utilité. Du coup, toutes les qualités dont pourrait se prévaloir "Gaz moutarde" se noient dans l'opaque bouillon de son synopsis. J'ai eu le sentiment de passer davantage de temps à essayer de maintenir un semblant d'intérêt qu'à profiter de son ton burlesque et des péripéties de ses héros.



Et puis, je ne sais si cela est dû à traduction, mais certaines maladresses d'expression m'ont parfois fait tiquer...



Dommage...
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..

Ballades sur les lignes de la ville de "Pierre".

Découvertes d'une société aux regards multiples.

Rencontres diverses et variées entre musiciens, peintres et militaires d'un temps où ballets et revues résonnaient aux sons des orchestres de son excellence.

A découvrir sans hésitation et sans modération.

Grande farce à la gloire déjantée de la Révolution et de la chimie, chef d’œuvre trop méconnu.



Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/06/18/note-de-lecture-gaz-moutarde-roman-daventures-viktor-chklovski-vsevolod-ivanov/

Des destins qui se croisent ...

un roman bourré d'humour pour dénoncer les dérives capitalistes et manipulation des masses ...

un roman visionnaire écrit en 1929 ... un ovni littéraire qu'on est heureux de rencontrer (ou pas)

c'est un genre particulier ... qui laisse essoufflé.e par son tumulte incessant ... ça tourne, ça détourne de la vision moderniste si absurde dans le fond ...

Roman d'anticipation soviétique trépidant débordant d'imagination et de fantaisie. Mais on est plus proche de la littérature de l'absurde que du matérialisme dialectique ! On ne doit pas s'étonner de voir l'ours (soviétique) Rocambole au tribunal poursuivi par la justice britannique pour propagande.

Dans cette histoire géopolitique, au quatre coins du globe, des personnages sont les jouets d'une lutte de classe sans pitié. La science capitaliste développe un gaz pour priver de sommeil les prolétaires et les coloniaux.

Gros délire où foisonnent les actions qui s'enchaînent à une vitesse supersonique, si bien que l'on a un peu du mal à suivre cette histoire qui semble bien mal traduite.

Rendez-vous manqué avec Chklovski...