Ces raisonnements ne sont pas concluants : "Je suis plus riche que toi, donc, je te suis supérieur" ; " Je suis plus éloquent que toi, donc je te suis supérieur." Mais ceux-ci sont plus concluants : "Je suis plus riche que toi, donc ma fortune es supérieure à la tienne" ; "Je suis plus éloquent que toi, donc ma parole est supérieure à la tienne". Mais toi, tu n'es ni fortune ni parole.
Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu'ils portent sur les choses. Ainsi la mort n'a rien de redoutable, autrement elle aurait paru telle à Socrate ; mais le jugement que la mort est redoutable, c'est là ce qui est redoutable. Ainsi donc quand nous sommes contrariés, troublés ou peinés, n'en accusons jamais d'autres que nous-même, c'est-à-dire nos propres jugements. Il est d'un ignorant de s'en prendre à d'autres de ses malheurs ; il est d'un homme qui commence à s'instruire de s'en prendre à lui-même ; il est d'un homme complètement instruit de ne s'en prendre ni à un autre ni à lui-même.
Si on confiait ton corps au premier venu, tu serais indigné ; et toi, quand tu confies ton âme au premier venu, pour qu'il la trouble et la bouleverse par ses injures, tu n'en as pas de honte ?