Je me cherche partout
Je me cherche partout, dans l’amour, l’amitié
Dans le frémissement vaste de la nature.
Suis-je frère de l’aigle ou de la taupe obscure ?
Où est ma différence ? Où, mon identité ?
Je t’ai quittée, ô Connaissance, source pure,
Et me suis en aveugle aux passions jeté.
Ah, rompre à tout jamais, suprême liberté,
Leur chaîne, Amour et Haine, et leur vaine torture !
Je vais de porte en porte aux énigmes frapper,
Et l’éternelle angoisse est seule à me guider,
Et toujours plus obscur est le nouveau problème.
Réflexions, pensées, souvenirs et images :
J’ai noirci des milliers et des milliers de pages,
Mais en aucune hélas ne me trouve moi-même !
(adaptation Jean Rousselot)
Le printemps venait doucement, le ciel s'était éclairci mais la neige persistait encore à recouvrir la terre. Par endroits seulement du sol noirâtre de légères fumées montaient vers le soleil et, sous les blanches aubépines, quelques rares brins d'herbes osaient à peine se montrer.
(p. 101, début du conte « La Biche »)
– Puisque vous refusez d'accepter mon argent, seigneur Kostaki, dit le boyard Gligoré, je vous donnerai des serfs tziganes. Je ne veux pas abuser de votre générosité : vous choisirez vous-même deux jeunes gens souples et robustes qui seront d'excellents domestiques et trois jeunes femmes qui se mettront aux ordres de Kiriakitza, votre épouse, rôderont autour d’elle et sauront vous faire, je vous l'affirme, une cuisine succulente.
[...]
À cette époque les Tziganes n'avaient pas encore été émancipés et ils vivaient en esclaves à la cour des boyards valaques.
(p. 3-4)
La forêt
Rentré chez moi, après des ans, des ans d’errance,
J’ai cherché ma forêt, celle de mon enfance…
Mais on en avait fait des poutres, des rigoles
Des croix et des cercueils, de la cendre qui vole.
Le chêne où se postait grand-père pour chasser
Pigeons et loriots, et m’apprit à tirer,
L’habille maintenant, sous terre. Je sanglote
Et voudrais qu’on m’ensevelisse côte à côte.
Quand grincent les charrues, le balancier des puits,
Les portes dans le vent, c’est ma forêt qui crie.
Oh, je veux la pleurer, la forêt des ancêtres ;
Nul ne la fait, bien qu’on l’ait mise en terre.
Comme elle frémissait, jadis, sur les coteaux !
Dire qu’avec les morts elle dort ! Je m’effraie...
Amis qu’avez-vous fait de ma haute forêt ?
– Elle est sous terre elle recouvre les tombeaux.
(adaptation Jean Rousselot)
Nous mourons aussi
Victor Eftimiu
(trad.Nicolae Muşa)
Avec chacun d'entre tous ceux
De qui la mort nous sépare,
Nous-mêmes mourons aussi un peu,
Laissant une part dans chaque départ.
Images, pensées, envies, sourires
Ils dorment dans les regards éteints
Et un ciel de souvenirs
Il dort aussi sous paupières.