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4.12/5 (sur 5803 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) le : 07/07/1987
Biographie :

Victoria Elizabeth "V.E." Schwab est une autrice américaine de fantasy.

Elle s’est imposée dès son tout premier roman, The Near Witch (2011), comme une voix incontournable de la romance Young Adult - un succès confirmé dès la parution de Vicious (2013) qui s’est immédiatement hissé en tête de tous les palmarès de vente. Elle est également autrice de livres pour la jeunesse et a écrit plusieurs romans de fantasy pour les adolescentes. Elle a signé le deuxième tome de la saison 2 d'Animal Tatoo (2017).

Traduite dans une quinzaine de langues, elle écrit sous le nom de V. E. Schwab et de Victoria Schwab.

Victoria Elizabeth vit à Nashville, en Tennessee. Elle passe en moyenne deux à trois mois par an en France où ses parents habitent dans la région des Pays de la Loire.

son site : http://www.veschwab.com/
page Facebook : https://www.facebook.com/Victoria-VE-Schwab-348539958600479
Twitter : https://twitter.com/veschwab
chaîne YouTube : https://www.youtube.com/channel/UC_Y6xAtwXaiQhmyKu5kdmAw
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Entretien avec Victoria Schwab  


06/01/2020

Comment avez-vous découvert la fantasy et pourquoi avez-vous commencé à écrire ?

Petite, je n’étais pas une grande lectrice. Je lisais mais je n’avais pas encore trouvé une histoire qui me ferait oublier que j’étais en train de lire. Puis quand j’ai eu 11 ans, un ami de la famille a appelé ma mère en lui demandant : “Hey, il y a une dame ici qui dédicace des livres pour enfant, est-ce que tu veux que je te ramène une copie pour Victoria ?”. Ce à quoi ma mère a répondu : “Elle n’est pas une grande lectrice mais je veux qu’elle le devienne, peut-être que si elle avait un livre dédicacé elle le lirait, alors vas-y”. La semaine suivante, dans ma boîte aux lettres, il y avait un exemplaire dédicacé d’ Harry Potter, tome 1 : Harry Potter à l`Ecole des Sorciers. J’avais 11 ans quand le premier livre est sorti et j’ai eu le privilège incroyable de grandir avec Harry Potter, c’est vraiment surréaliste n’est-ce pas ? C’est un peu difficile à décrire parce que la décennie suivante de ma vie fut consacrée aux livres et aux films. C’est très pertinent de faire cette interview ici dans un café sur le thème d’Harry Potter mais je suis une Serpentard. Ma toute première réaction après avoir vécu cette expérience de lecture a été de penser à quel point c’était merveilleux mais ma deuxième réaction était de me dire : ça, c’est le pouvoir ! La capacité à faire oublier à quelqu’un qui il est, et où il est, cette capacité à le transporter était pour moi la définition même du pouvoir. J’ai donc immédiatement été captivée par la fantasy, mais surtout par la fantasy qui part de notre monde ; je n’ai jamais pu vraiment rentrer dans le style de fantasy du style J.R.R. Tolkien où la seule manière d’accéder à ce monde était à travers le livre. J’adore l’idée d’une histoire où je n’ai qu’à trouver la bonne plateforme, à trouver l’armoire, le point de départ. J’ai toujours été très attirée par la fantasy qui existe en parallèle de notre réalité. On retrouve aussi cela dans la plupart de mes livres, l’idée qu’il y a une porte que tu n’as pas encore trouvée ou dont tu n’as pas la clé, mais cette porte est là quelque part.

Justement, pensez-vous que la fantasy ou la science-fiction permet de présenter la réalité sous une lumière différente ?

Tout à fait. La plupart des récits de fantasy et de science-fiction, si ce n’est tous les récits de fantasy et de science-fiction, sont des métaphores, n’est-ce pas ? Il s’agit d’une auscultation de la réalité car quand on écrit quelque chose, que ce soit de la science-fiction ou de la fantasy, on débute par la question “et si ?”. Et quand on regarde cette question “et si ?”, ce que l’on se demande vraiment c’est : “et si mon monde était différent ?”. Donc tout part de la réalité, et tout est un écart avec cette réalité. Shades of magic, tome 1  : et si on avait eu la magie et qu’on l’avait oublié. This savage song  : et si la violence commençait à engendrer des monstres ? Tout se résume par “et si ?”. Chaque auteur de fantasy débute dans la réalité puis s’en écarte pour faire face à sa propre réalité. Nous utilisons la fantasy pour examiner le monde autour de nous, absolument.

Pensez-vous que cela peut aller dans les deux sens, que la fiction que l’on crée peut avoir un effet sur notre réalité ?

Je pense que les histoires ont des messages. J’y pense beaucoup. Je pense que c’est parce que le film Joker vient tout juste de sortir que je pensais à la responsabilité qu’a l’histoire. Si cela semble bon que des histoires aient du pouvoir, nous disons qu’elles en ont et s’il semble mauvais qu’elles en aient, nous disons que ce ne sont que des histoires. Le fait est que toutes les histoires créent des messages et les messages ont du pouvoir, cela ne veut pas dire que chaque histoire changera la forme d’une société. Mais les histoires que l’on invente créent des messages qui se répandent ensuite dans cette société et parfois elles deviennent quelque chose comme Harry Potter : une révolution culturelle qui a revitalisé un aspect du lectorat. Parfois ces histoires ont des impacts plus sombres car elles ont tendance à s’adresser à un sous-ensemble différent de la société. Le fait est que les histoires fournissent des miroirs et lorsque l’on tient des miroirs devant les gens, certaines personnes se reconnaissent. C’est ce que ces gens font lorsqu’ils se projettent ou ne se projettent pas dans une histoire. Je pense donc que la fantasy et la fiction sont inextricablement liées à la réalité mais je ne pense pas qu’il y ait une causalité évidente.

Nous avons constaté que vous avez publié des livres sous différents noms, y a-t-il une explication ?

Non, si je pouvais revenir en arrière, je publierai probablement tout en tant que V.E. Schwab et non en tant que Victoria Schwab. Il y a en réalité deux réponses. La première est que j’écris à la fois pour les enfants et pour les adultes et je ne voulais pas nécessairement que mes lecteurs de 9 ans lisent mes livres destinés aux adultes. La première série pour enfant que j’ai écrite était destinée à des enfants beaucoup plus jeunes. C’est une série qui ressort l’année prochaine à l’école, cela s’appelle Everyday Angel et il s’agissait d’une oeuvre de commande, on m’a engagée pour l’écrire. Ce livre avait une couverture animée comme une couverture illustrée. Or l’édition originale de mon livre Evil, tome 1 : Vicious avait également une couverture illustré et je ne voulais pas qu’un enfant de 9 ans passe de Everyday Angel à Vicious. Ca, c’est la réponse officielle... L’autre réponse est que la fantasy est une industrie extraordinairement sexiste et le nombre de personnes, y compris des fans, qui m’ont dit “Oh mon dieu, je suis tellement content que je ne savais pas que tu étais une femme sinon je n’aurais jamais choisi ton livre” est ahurissant. Il y a deux philosophies par rapport à cela. Il y a la philosophie du “je m’en fous” dans laquelle tu inscris ton propre nom sur la couverture, mais étant une Serpentard, je ne veux pas que quelqu`un n’achète pas mon livre à cause de mon nom, je préférerais qu`il vienne chercher mon livre, en espérant qu`il l`aimera et le laisser gérer ses propres sentiments quand il découvrira que je suis une femme.

Il s’agit un peu d’un subterfuge mais je voulais supprimer ce problème. J’ai donc choisi une version ambiguë de mon nom qui soit toujours mon nom, comme mon nom est Victoria Elizabeth et que je me fais appeler V.E. Je souhaitais que la conversation intervienne après qu’ils aient lu le livre et que ce ne soit pas une conversation qu’ils n’auraient jamais eue n’ayant jamais lu le livre. C’est assez énervant, et si je pouvais revenir en arrière, je choisirais de signer V.E. pour tous mes livres simplement parce que c’est ce qui me ressemble et me plaît le plus. Mais au départ, c’était le constat que des personnes n’achèteraient pas Vicious s’ils savaient que j’étais une femme. C’est une déception surtout parce que cinq ans plus tard, je ne peux pas vous dire que quelque chose a changé, je ne peux pas vraiment dire que l’industrie a penché du côté des femmes. Il y a une idée préconçue de “ce que les femmes écrivent” et “ce que les hommes écrivent” et certaines personnes semblent penser que les femmes n’écrivent pas des choses sombres. Je trouve ça vraiment drôle parce que Gillian Flynn et la plupart des auteurs d’horreur et de thrillers et une bonne partie des auteurs de science-fiction et de fantasy sont des femmes. Mais il semblerait que pour une raison ou une autre, les femmes se préoccupent davantage des personnes et des émotions. Je trouve ça assez drôle et incroyablement dérangeant. Jusqu’à ce que je voie un changement significatif, je vais continuer à vouloir que tu lises le livre et que tu gères tes sentiments après. Je veux qu’ils aiment mon travail et que cela les force à se dire : “Hey, peut-être que je fais une généralisation trop radicale.”

Pour poursuivre avec une sujet récurrent dans vos livres : la nature et sa perte. Quelle est votre propre relation avec la nature ?

Je suis païenne, j’ai une idéologie assez ancrée dans la nature. J’écris ma série Shades of magic, tome 1 en partant d’un environnement naturel car pour moi la magie et la nature sont connectées. En tant que créatrice d’histoire, quand je construis des systèmes magiques, je veux les construire à partir de systèmes naturels. Il y a le préjugé que la fantasy n’a pas de règles ou pire que ses règles sont arbitraires, ni l’un ni l’autre n’est correct. Tous les systèmes, que ce soit la fantasy, la science-fiction ou la réalité, utilisent des règles. Je veux juste que mes règles soient très intuitives parce que pour moi le monde est rempli de règles et elles sont tout simplement belles, innées. Cela vient du fait que j’ai grandi avec des animés comme Fullmetal Alchemist et Avatar, le dernier maître de l’air et des histoires de causes et d’effets. Les choses qui sont vraiment au cœur de beaucoup de croyances païennes sont également visibles pour nous dans le monde quotidien et je trouve que lorsque l’on écrit de la fantasy, moins on demande aux lecteurs de s’éloigner de la réalité, moins on en perd en cours de route.

Dans toutes vos histoires, il y a un conflit ou une tension entre la vie et la mort. Est-ce que c’est quelque chose que vous faites consciemment pour former vos récits ?

Au total, j’ai écrit 16 romans, et il y a quelques mois, je me suis posée pour tenter de déterminer ce qu’ils avaient en commun, s’ils avaient quoi que ce soit en commun, et j’ai réalisé que chacune de mes histoires portait sur la mort. J’y ai réfléchi et je pense que c’est parce que j’ai grandi en étant terrifiée par la la mort, non pas de ma propre mort mais de la mort des autres personnes dans ma vie. Ce que j’ai vu pour me conforter en tant que jeune conteuse, c’était l’idée de reconcevoir la mort d’une façon qui ne m’effraierait pas, donc mes histoires sont vraiment un examen de cette idée que la mort n’est pas permanente. The Archived, qui est un des premiers livres que j’ai écrit, traitait d’une bibliothèque des morts, ce livre traitait de ce qui m’effraie le plus dans la mort, cette idée que vous passez votre vie entière à vivre et tout ce que vous avez expérimenté, tout ce que vous avez vécu et tout ce que vous avez appris pourrait être complètement effacé. Donc avec The Archived, j’ai créé cette bibliothèque des morts qui essentiellement n’est qu’un registre de votre identité entière car à mon sens, c’était une idée rassurante. Ensuite quand je me suis mise à écrire Evil, tome 1 : Vicious et Shades of magic, tome 1, j’ai continué à explorer la vacuité de la vie et la mort et l’idée qu’il ne s’agit pas d’une rue à sens unique mais que l’on peut avancer et reculer. Cela a continué à être un concept que j’explore dans beaucoup de mes histoires.

A propos du processus d’écriture, on sait que l’écriture de roman prend beaucoup de temps …

Épuisant. J’ai écrit 17 livres en 10 ans et je suis vraiment fatiguée, mais en même temps, ils ont tous quelques chose de différent, ils requièrent tous quelque chose de différent donc par exemple le livre que je suis en train de finir en ce moment, celui que je suis en train de corriger, j’ai travaillé dessus pendant 8 ans. J’utilise souvent la métaphore que mon cerveau est comme une cuisinière à 6 brûleurs et qu’un seul d’entre eux est à très haute température. Cela correspond au projet sur lequel je travaille actuellement et les 5 autres brûleurs ont des marmites qui mijotent juste à feu très doux. J’ai donc un changement continu de plats si vous voulez mais il y a toujours quelque chose qui se construit et quelque chose qui se prépare. Je dirais que ma tête devient vraiment bondée. Je ne peux pas écrire plus d’un livre à la fois parce que je ne veux pas que la voix s’embrouille, je ne veux pas que la construction du monde soit confuse, je veux que tout soit net mais je planifie d’autres livres en même temps.

Vous ne les mélangez pas ?

Non. J’ai des amis qui écrivent une chose le matin et une autre l’après midi. C’est une idée infernale pour moi car ce serait comme traîner sa cuillère dans tous les pots. Je ne veux pas tout mélanger, je veux que tout reste propre et net. Il peut arriver que je dispose de 12 mois pour faire 3 projets mais au lieu d’avoir 12 mois pour faire 3 projets cela signifie que j’ai 4 mois pour faire chaque projet donc je dois être très bonne en gestion du temps.

Et quand vous avez une nouvelle idée ?

Les nouvelles idées sont vraiment intéressantes parce qu’elles sont la mort de la plupart des auteurs : la plupart ne finiront jamais l’écriture d’un livre car à mi-chemin, ils trouveront une nouvelle idée brillante et ils quitteront le navire. Il ne s’agit pas de ne pas avoir de nouvelles idées géniales, ni de ne pas les suivre, il s’agit d’apprendre quoi faire avec elles. Quand j’ai des nouvelles idées de ce genre, je les mets dans leur propre pot à côté, je ne les mets même pas sur le feu, je les laisse juste reposer en ayant conscience qu’elles existent. Je regroupe toutes mes notes à leur propos dans un même endroit mais je ne les suis pas. C’est comme si elles avaient à attendre jusqu’à ce que j’aie fini ce sur quoi je suis en train de travailler.

Ce que l’on commence à réaliser, c’est que les nouvelles idées brillantes sont symptomatiques de notre propre peur ; on trouve une nouvelle idée au moment où l’histoire que l’on écrit devient familière. Ainsi, au fur et à mesure que vous apprenez à connaître l’histoire que vous êtes en train d’écrire, l’éclat s’estompe car vous devez apprendre à la connaître, ce qui est une partie essentielle de son écriture. C’est ce qui arrive quand on trouve une nouvelle idée géniale. C’est votre cerveau qui tente de vous donner une porte de sortie et si vous suivez tout le temps la nouvelle idée, vous ne finirez jamais rien car vous commencerez à écrire 50 à 100 pages sur cette nouvelles idée et cela recommencera encore avec une autre idée. Donc il s’agit d’apprendre à mettre de côté la nouvelle idée fulgurante et de voir si elle grandit et si elle vaut la peine d’être explorée. Je n’ai pas beaucoup de romans inaboutis parce que je ne commence pas réellement à écrire un livre avant de savoir que j’ai tous les morceaux.

Donc quand vous commencez à écrire un livre vous en savez déjà presque tout ?

Je sais tout. La fin est la partie la plus importante, je ne peux pas commencer un livre sans connaître la fin car c’est la chose vers laquelle je travaille. Je dirais que je connais le début, la fin, les personnages et environ 5 à 10 intrigues essentielles. Jusqu’à présent, j’ai écrit 17 livres et je n’ai jamais changé aucune fin. J’ai dû en réécrire des tonnes bien sûr, mais j’ai un système qui fonctionne. Je suis une auteure qui veut toujours s’échapper, et qui cherche tous les jours une porte de secours. Si vous tapez sur Twitter les mots “Islande”, “élever des chèvres” et mon nom, vous verrez que je tweete cela tous les trois mois. Mais désormais je ne veux plus chercher d`excuse pour arrêter.

Avez-vous des loisirs ou d’autres activités pour quand vous en avez marre d’écrire ?

J’ai besoin de plus de loisirs. J’adore faire de l’exercice, j’habite juste à côté de la mer donc je vais souvent faire de longues promenades au bord de la mer. Je cuisine, je vois des amis, je vais voir des films, je dévore des séries télévisées. Il y a des personnes qui m’éloignent du travail ou qui me font faire des infidélités à mon travail avec un autre projet. Je ne suis pas les nouvelles idées brillantes mais il peut arriver que j’ai comme une liaison à côté. Quelque chose avec lequel je peux juste tuer le temps, c’est ce que j’appelle de la procrastination productive. Est-ce que je peux faire des infidélités au projet que je suis censée écrire avec quelque chose d’autre que je suis censée écrire ? Oui et c’est probablement la raison pour laquelle je n’ai pas de loisirs.

Dans tous vos livres, il y a beaucoup de sentiments humains comme la passion, les jeux de pouvoir, la trahison, la haine, l’amour, qui font bouger vos personnages. Pensez-vous que c’est important dans l’écriture de fantasy que les personnages aient cette humanité en eux ?

Je pense que c’est plus important en fantasy. Le fait est que si vous ne vous souciez pas d’une personne, vous ne vous souciez pas de l’intrigue qui lui arrive. Pour une certaine raison en fantasy, on peut se laisser emporter par la construction, l’intrigue et les pièges et oublier de se concentrer sur les personnages. J’essaie dans toutes mes histoires de faire attention à ce que l’un des conflits principaux soit très petit. Donc comme dans Evil, tome 1 : Vicious, il ne s’agit pas tant de la domination du monde mais de luttes interpersonnelles comme de vouloir prouver à votre ancien meilleur ami qu’il a tort. En effet, le problème est que la plupart des lecteurs n’ont jamais ressenti le désir de dominer le monde mais la plupart se sont sentis lésés par un meilleur ami ou se sont sentis négligés ou dénigrés.

Une des raisons pour lesquelles je souligne ces aspects humains extraordinaires (Cal et sa peur de l’inadéquation, Ryan et son besoin de se mettre en scène devant tout le monde, Victor et sa peur de l’intimité et de l’engagement) c’est parce que c’est ce à quoi, en tant que lecteur, on se connecte et qui nous fait nous sentir concerné. Si on oublie de rendre nos personnages humains, c’est vraiment difficile de s’attacher à eux d’une manière significative. D’autant plus que lorsque l’on se connecte aux personnages, on ne se connecte pas à leurs forces, on ne se voit jamais dans la force du personnage. On ne se dit pas : “ce personnage est un dur à cuire, il me ressemble”, mais on regarde dans un personnage et on se dit “ce personnage a vraiment des difficultés ou a beaucoup d’anxiété” comme le personnage d’August Flynn dans The Savage Song. C’est à cela que nous nous identifions, nous nous connectons à la faiblesse. C’est pourquoi je pense qu’il est si important de rendre les personnages humains.

Pensez-vous que la magie existe au-delà de la fiction ?

Oui, je crois à la magie à 100 % et par cela je veux dire que je crois à la magie de la façon dont j’imagine que beaucoup de personnes croient en Dieu, c’est à dire que je crois qu’il y a plus dans le monde que ce que nous comprenons. C’est parce que j’ai été dans des endroits du monde où j’ai ressenti ce sens supplémentaire, où j’ai senti qu’il y avait beaucoup plus à cet endroit que ce que je pouvais en voir. Ce qui est étrange, c’est que la chose la plus proche des principes que je suis serait le shintoïsme japonais qui correspond à l’idée qu’il y a un Dieu dans tout ce qui inspire. Je me considère comme une personne très spirituelle et non pas comme une personne très religieuse. J’ai mes principes qui me guident dans le monde mais je considère définitivement que ce genre de choses est privé, c’est entre toi et ton Dieu, quel qu’il soit. C’est entre toi et une puissance supérieure ou ton absence de puissance supérieure donc ce n’est pas quelque chose d’organisé. Même si l’on est dans une religion organisée, j’ai été élevée dans une famille juive, mais je crois quand même que la religion ou la croyance est quelque chose d’individuel.

Vous êtes assez active sur les réseaux sociaux et vous avez une relation très proche avec vos lecteurs. Comment décririez-vous votre communauté ?

Chaleureuse. C’est vraiment très intéressant parce que je suis une Serpentard hardcore et je crois que mes lecteurs sont de si merveilleux Poufsouffles. Mon lectorat est extraordinairement attentionné. La meilleure façon dont je peux décrire cela est que j’ai perdu le compte du nombre d’événements que j’ai faits où un lecteur m’a dit en ligne “Je viens à votre événements mais je viens seule et cela me rend nerveux” et où d’autres lecteurs qui venaient également lui ont répondu : “Ne t’inquiète pas, trouve nous et tu peux t’asseoir avec nous ou nous rejoindre et nous nous assurerons que personne ne se retrouve seul à cet événement”. Il y a un vrai sens de communauté. Il y a aussi le fait que je ne pense pas attirer des sales types, je ne supporte pas les mauvaises attitudes, je préfère l’inclusion, la gentillesse et la générosité. Je voulais que l’on se sente comme une communauté, c’est pourquoi je n’ai jamais qualifié mes lecteurs de fans. Il existe des fanbases, pour Shades of Magic par exemple, mais mes lecteurs sont pour moi la raison pour laquelle je suis ici et je fais de mon mieux pour leur rappeler le pouvoir qu’ils ont en tant que lecteurs, pour leur rappeler qu’ils ont cru en moi avant tout le monde quand je n’avais qu’un public très restreint. Quel que soit le soutien des éditeurs que j’obtiens maintenant, je n’oublierais jamais qu’ils étaient ceux qui ont parié sur moi avant que des éditeurs ne le fassent. Je suis donc très sensible à la santé mentale et au bonheur de mes lecteurs.

Est-ce que leurs avis peuvent potentiellement influencer ce que vous écrivez ?

Non (rires), c’est notre pacte. Je ne me mets pas dans une situation où je lirais des avis en ligne des lecteurs souhaitant que tel livre se termine de telle façon. La chose que je demande à mes lecteurs en échange de ma transparence et de mon honnêteté et ouverture avec eux est qu’ils respectent ce que je fais, c’est à dire, qu’ils acceptent de ne pas toujours être d’accord avec la manière dont je traite un personnage. Ils doivent respecter le fait que si je prends la décision de raconter l’histoire, c’est parce que c’est mon histoire et pour l’instant ils ont été assez respectueux à ce propos, ils sont assez merveilleux. C’est ça le pacte, n’est-ce pas ? Je donne autant de mon temps, de mon énergie et de mon honnêteté que possible, mais en étant très humain on se rend très vulnérable et j’ai besoin qu’ils ne profitent pas de cette vulnérabilité.

Que ressentez-vous à l’idée d’avoir autant de lecteurs et de communauté dans différentes langues partout dans le monde ?

J’adore ça. Je pense que c’est un tel privilège et cadeau. La seule chose qui me rend triste c’est quand je ne peux pas communiquer avec tout le monde. La première fois que j’ai fait un événement dans une autre langue, j’étais tellement frustrée parce que j’aime tant les communications interpersonnelles quand je fais une dédicace. Et là je ne pouvais pas le faire, j’étais si énervée de ne pas avoir de traducteur avec moi. C’était la première fois que je faisais un événement au Brésil et j’étais très triste parce que j’ai manqué la partie la plus essentielle de l’interaction. Au moins sur internet, je peux traduire, je peux faire tout ça avec le monde entier et j’adore ça. J’aimerais pouvoir être dans 25 endroits en même temps parce qu`inévitablement quand je poste que je viens à Barcelone ou à Madrid, 16 autres pays me disent : “et nous ?”. Donc j’essaie de gérer cela. J’adore le fait d’avoir une audience mondiale et je suis très privilégiée que mes livres soient désormais traduits dans de plus en plus de langues. J’essaie de faire du mieux que je peux pour eux, en comprenant bien que je ne peux pas être à autant d’endroits à la fois.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Je suis en train de terminer ma série jeunesse City of Ghosts with Bridge of Souls qui paraîtra l’été prochain. J’ai Threats of Power qui est le prochain Dark Shades of Magic sur lequel je travaille. Et mon prochain livre s’intitule The Invisible Life of Addie LaRue, c’est un roman indépendant sur une jeune fille française et le diable pendant 300 ans, elle vend son âme pour vivre éternellement et le diable la maudit pour être oubliée par tous ceux qu’elle rencontre ; il traite de comment se faire une place dans le monde quand tu ne peux pas laisser de marque. Ce livre sortira à l’automne prochain pour les adultes.


Quelques questions à propos de vos lectures

 

Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire de la fiction ?

Harry Potter, tome 1 : Harry Potter à l`Ecole des Sorciers .

Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Ce serait probablement Neil Gaiman et L`étrange vie de Nobody Owens, ce n’était pas mon premier livre mais ça a changé ma façon de penser aux histoires.

Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Je ne relis jamais de livre, ce n’est pas que je ne veux pas. Je mets toujours mes livres sur mes étagères en pensant que je les relirais mais il y a tellement de nouveaux livres que je ne reviens jamais sur des anciens pour les relire à ma grande déception.

Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Je n’ai pas honte d’admettre que je n’ai pas lu tel ou tel livre. C’est devenu un peu gros sur internet la dessus, il y a quelques années j’ai donné une conférence sur J.R.R. Tolkien parce que quelqu’un a essayé de m’humilier pour ne pas avoir lu Tolkien et Le Seigneur des Anneaux, Tome 1 : La Communauté de l`Anneau. Il disait que je ne pouvais pas me considérer comme une auteur de fantasy ou une fan de fantasy si je n’avais pas lu Tolkien. Je lui ai répondu avec une conférence de 45 minutes à Oxford sur comment nous ne devrions pas prescrire quelles portes les lecteurs devraient être autorisés à franchir pour trouver la lecture. J’avais honte de cela auparavant mais maintenant je suis juste énervée donc à chaque fois que je le dis aux gens et qu’ils me demandent si j’ai enfin lu Tolkien, je leur répond que juste pour avoir posé cette question je reporte ma lecture à l’année suivante. Je vais finir par avoir 65 ans le jour où je commencerai cette série car je refuse d’être forcée à lire quelque chose.

Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

La plupart d’entre eux ! Je dirais que Huckleberry Finn, et la plupart des classiques de la fiction, je trouve qu’on est forcé de les lire à l’école, cela devrait être un choix de le lire pendant sa vingtaine, je trouve qu’on nous dit de lire les choses au mauvais moment.

Avez-vous une citation, connue ou non, que vous aimez beaucoup ?

Ce n’est pas une citation de fiction, c’est une citation de Vincent van Gogh et qui dit : “Je ne sais rien avec certitude mais la vue des étoiles me fait rêver.”

Quel est l’auteur que vous recommanderiez à notre communauté de lecteurs Babelio ?

Bien évidemment Neil Gaiman mais j’ai l’impression que votre communauté est probablement déjà bien informée du travail de Neil. Il y a une nouvelle auteure R.F. Kuang qui vient de sortir The Poppy War et c’est un livre merveilleux. Il s’agit d’un roman de fantasy d’inspiration chinoise et c’est très sombre. Je pense que si quelqu’un a des inclinations pour les animés comme moi, c’est un bel hommage aux animés à bien des égards. On a aussi The Tiger`s Daughter de K Arsenault Rivera   .

Et en ce moment que lisez-vous ?

Je suis actuellement à un stade de correction où je ne lis pas de fiction. Donc quand je corrige un livre de très près et que je me concentre sur l’écriture, je ne veux pas avoir la voix de quelqu’un d’autre dans ma tête donc je lis beaucoup de non-fiction en ce moment. Je viens juste d’écouter un mémoire, Know My Name de Chanel Miller qui est la personne aux Etats-Unis qui a été victime dans l’affaire de viol de Brock Turner et il s’agit d’un des mémoires les plus stupéfiants que je n’ai jamais lus.

Découvrez Shades of magic, tome 1 de Victoria Schwab aux éditions Lumen

Entretien réalisé par Lucía Moscoso Rivera et traduit par Maïlys Le Chêne


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Threads of Power, de V. E. Schwab, s'offre un booktrailer avant la sortie dans pile une semaine !


Citations et extraits (1114) Voir plus Ajouter une citation
La lecture, comme elle l’a découvert, permet de vivre un millier de vies - ou de trouver la force d’en vivre une seule, incroyablement longue. (Page 48)
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- Écoute, ce n’est pas compliqué. On vole tous pour obtenir quelque chose. Parfois, c’est pour de l’argent, mais parfois, c’est une affaire de… maîtrise de sa destinée. Violer les règles procure un sentiment de puissance. L’intérêt, c’est de défier l’autorité. Certains volent pour rester en vie, d’autres pour se sentir en vie, voilà ce que je crois. C’est aussi simple que ça.
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- Prêt ?
- Non, répondit Kell, tourné vers le château.
- Tant mieux, répliqua-t-elle avec un sourire acéré. Ceux qui se croient prêts finissent toujours par mourir.
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- Tu sais, si tu règnes ne serait-ce que moitié aussi bien que tu mens, tu feras un roi incroyable.
- Merci ! répondit le prince.
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Elle a éperdument besoin d’histoires. Elles sont un moyen de se préserver, de rester dans les mémoires, mais aussi d’oublier. Elles prennent de multiples formes : dessins, chansons, peintures, poèmes, films et, surtout, livres. La lecture, comme elle l’a découvert, permet de vivre un millier de vies – ou de trouver la force d’en vivre une seule, incroyablement longue.
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- Tu as toujours l’air d’un prince.
- Evidemment, répliqua Rhy. Ce n’est pas parce que je me suis déguisé que je ne veux pas être reconnu.
- C’est pourtant la fonction d’un déguisement, en général, soupira Kell.
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Une histoire est une idée, aussi tenace qu’une mauvaise herbe. Où qu’elle soit plantée, elle se met à pousser. (Page 694)
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- Je suis désolé, finit-il par dire.
Il paraissait si… sincère que Lila fut prise de soupçons sur-le-champ. Alucard avait beaucoup de qualités, mais la sincérité n’en faisait pas partie.
- D’avoir grimpé dans mon estime ? demanda-t-elle.
- Non, de ce qui t’est arrivé. On a dû te faire bien du mal pour que tu considères l’amitié et l’amour comme des armes plutôt que des boucliers.
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Tu sais ce qui te rend faible ? Tu n’as jamais été contraint de te montrer fort. De faire des efforts. De te battre. Et certainement pas pour survivre.
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Bien sûr, oublier, c’est triste. Mais être oublié, c’est être abandonné à soi-même. Et être la seule à se souvenir, c’est du pareil au même.
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