Cette semaine, la librairie Point Virgule vous invite à explorer différents futurs avec une même idée en tête : la place de la solidarité. En effet, Nos futurs solidaires est un recueil de nouvelles de science-fiction qui explorent toutes à leur manière cette thématique. L'ouvrage a été réalisé sous la direction d'Ariel Kyrou dans le cadre du Laboratoire des solidarités, lui même placé sous l'égide de la Fondation Cognacq-Jay. Quatorze auteurs s'y succèdent pour présenter chacun une vision, mais aussi une histoire et une ambiance différentes : Vincent Borel, Sabrina Calvo, Chloé Chevalier, Philippe Curval, Catherine Dufour, Régis A. Jaulin, Sylvie Lainé, Li-Cam, Norbert Merjagnan, Ketty Steward, Anne Sophie Devriese, Audrey Pleynet, Leo Henry et Michael Roch.
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...à Marseille et Avignon vers 1760......on y trouve les quatre premières loges de côté
occupées par des femmes seules qu’”il est loisible d’aller prier à souper après la représentation” (Casanova). C’est le balcon de la prostitution mondaine, l’une des fonctions de l’opéra sous l’Ancien Régime.
p.23
Faire du bruit, c’est rendre hommage; applaudir, c’est donc le démontrer....C’est sous Auguste qu’aurait été instaurée cette habitude afin de réguler les cris, d’abord confus, qui saluaient la performance de l’acteur. Le dernier à occuper la scène donnait alors le signal des acclamations en jetant ces mots « Viadete et applaudite ».
p.12
Le créateur a cette chance rare de porter en lui son univers. Certes, il doit sans cesse lutter pour l'étayer et le faire croître, le consolider et lui donner forme. Mais, si l'invention coule rarement de source, sa venue est une salvation de l'être. Pour qui se connaît, la douleur, l'angoisse, le remords, la peur, tous ces démons peuvent être projetés hors de soi-même sur la scène de l'oeuvre.
Larache, Maroc - 1928
B.semblait aussi avoir apporté aux portes du désert de quoi étancher une intense soif d'interdits.Outre les Francais et les Russes traduits en espagnol, il y a des auteurs plus sulfureux. Niezstche, Bakounine,Marx, Barbusse.Tous ces noms, dont les idées agitent les colonnes des journaux, bénéficient de pauses bienvenues.Car Antonio se fait écrivain public pour ses camarades, de pauvres gars illettrés, arrachés à leur terre par l'injuste conscription. Ils viennent le voir pour se faire lire les lettres et pour qu'Antonio écrive leurs réponses.
( p.171)
Larache, Maroc-1928
Les mots travaillent le sommeil, les phrases dessinent les rêves, de sorte qu'à son réveil, un lecteur épris n'est plus celui qu'il était la veille : il a mûri à son insu.(p.173)
Garrucha, Andalousie- Août 1974
Rejoindre le village natal de ma grand-mère à longtemps été une translation dans l'espace et le temps.Lorsque le général Franco leva la peine de mort pesant sur les exilés républicains,mes grands-parents n'eurent de cesse de revenir dans le pays dont ils avaient été chassés. (p.27)
New York- Octobre 1929
Les gratte-ciel dessinent des canyons de lumière sous un flot de nuages bas.La ville paraît avoir volé l'horizon. Les mille feux de la cité surgissent d'un océan de bitume et de souffre.C'est magnifique et oppressant. (p.194)

En cette nuit du juin, 18 embaumée de tilleuls, François- Joseph de La Fistinière s’apprête à pisser, d’un jet dru, sur la flamme éternelle de la Résistance. L’esplanade du mont Valérien, encore toute bruissante ce matin des solennités républicaines, est désormais vide. Seules quelques phalènes vrombissent autour des lampadaires.
François-Joseph, prénommé de la sorte pour complaire à un oncle épris de la Première Guerre mondiale et surtout particulièrement fortuné ¢, vise en titubant la flamme bleuâtre. Ce rebelle s’est toujours fait un point d’honneur d’atteindre le centre des gogues sans provoquer d’éclabous- sures. Mais le gros joint de ganja qu’il a planté entre les lèvres rend ses gestes incertains. François-Joseph tripote sa robinetterie de la main droite tout en serrant une cannette de bière de la gauche. Il est venu avec des munitions supplé- mentaires. Son short à poches Kulte contient une seconde cannette de bière 8.6 et un autre joint
Barcelone- Automne 1933
Après des funérailles grandioses comme on n'en avait pas vu depuis la mort de Gaudi, la Barcelone d'en-bas était entrée dans la nouvelle année commencée comme on retourne en prison.Le sifflet des usines, le piétinement des hommes en bleu de travail pesaient terriblement. Tout retrouvait son rang ancien, la hâte menaçante du contremaître, l'amertume et la frustration. Ceux de 1931 avaient eu l'espoir du grand soir. Leur printemps est froid et ressemble à la nuit.(p.278)
Dans ce vieil hôpital de Laennec jadis nommé Hôpital des Incurables les bâtis gothiques ont des réveils dignes des Flandres de Van Eyck. Il est notamment un cloître veillé par un antique beffroi, un vieux puits, des arcades moussues et des mosaïques de fleurs. A huit heures un matin, ta perf à la main et un masque blanc sur la bouche, tu salues le lever du soleil, le flamboiement d'avril et les restes de la nuit mauve qui fuient par-dessus les toits.