... les accès psychotiques surviennent préférentiellement au printemps et en automne. C'est aussi lors de ces deux saisons (avec un pic en fin de printemps) que semblent survenir plus volontiers les suicides.
Il n'est pas rare que de petits signes d'appel aient "été négligés par le patient ou l'entourage dans les jours qui précèdent. Ce peut être un "signal symptôme" dont les exemples foisonnent dans les descriptions classiques. Tel malade se revêt d'un peignoir rouge avant chaque accès. Tel autre va chez son dentiste commander une nouvelle prothèse. Telle patiente, née dans le Midi, accentue son accent méditerranéen pendant la semaine précédant l'accès. Certains sujets connaissent une véritable aura obsessionnelle : recherche obsédante de couleurs complémentaires, "crises" de nettoyage ou de rangement. Le début par une phase de "dysmétrie pragmatique" n'est pas exceptionnel ; troubles du jugement, quérulence, besoin d'action. L'un de nos patients signalait l'incubation d'un nouvel accès par un regain inhabituel de prosélytisme syndical, parfaitement adapté par ailleurs, mais rapidement oublié lors du déclenchement de la crise.
On a assez justement comparé la perturbation de l'association des idées chez le maniaque aux phénomènes rapportés lors de certains types d'altération de l'état de conscience (fatigue, surmenage intellectuel, dénutrition ou jeûne prolongé, intoxication alcoolique).
La manie improductive ne conserve de la manie que l 'euphorie et une excitabilité exagérée. Le tempo de base n'est pas accéléré, il n'y a pas de fuite des idées. Ces patients donnent l'impression d'une euphorie passive et pauvre, entrecoupée d'impulsions à agir limitées et peu durables.La stupeur maniaque, assez proche de la forme précédente , constitue un état de mutisme euphorique et béat, peu mobile, inaccessible. Ces sujets restent cependant conscients et orientés, capables par intermittence de remarques amusantes, traversés par des idées délirantes de contenu variable.
Du fait du trouble fondamental de l'humeur, il est rare que le maniaque soit à même d'exprimer une souffrance, une demande, ou même d'accepter une hospitalisation. Dans le tourbillon frénétique de sa jubilation, il ne s'est jamais senti aussi bien, aussi puissant, et est hors d'état de percevoir autrement que confusément le caractère anormal de sa conduite. Les circonstances font donc que l'hospitalisation se réalise généralement d'une façon autoritaire, sans qu'un consentement éclairé ou durable puisse être obtenu du principal intéressé.
... le mouvement maniaque n'est pas un mouvement orienté vers un but, mais un mouvement dans le présent. Le type même du mouvement maniaque, dans un espace sans dimensions, est représenté par la danse, mouvement d'enroulement qui se satisfait de lui-même. L'existence maniaque, dan une succession de "présents" sans liens les uns avec les autres, animé d'un perpétuel tourbillon, tend à une fusion constante et quasi extatique entre le sujet et l'objet, ou plutôt les multiples objets sur lesquels il se projette dans l'instant.
Une des principales difficultés reste l'élucidation du pourquoi, chez les maniaco-dépressifs, ce choix de la défense maniaque pour sortir de l'angoisse. Si le deuil maniaque existe, et si, comme le souligne Racamier, "la mélancolie est le seul produit primaire de la psychose maniaco-dépressive et la manie lui est toujours secondaire", cette dernière ne peut être considérée de façon linéaire comme l'aboutissement logique d'une stratégie défensive ou comme un simple balancement pendulaire entre deux états opposés.
Si l'on continue de parler d'accès maniaque, il s'agit actuellement et dans bien des cas d'un abus de langage, l'aspect le plus fréquemment rencontré chez les patients ayant déjà établi une relation thérapeutique étant celui de l'hypomanie. Une des raisons expliquant cette évolution est l'extension des chimiothérapies dans la pratique courante, qu'il s'agisse de la prescription de la neuroleptiques ou de la mise en œuvre d'un traitement au long cours par le lithium.
Certaines intoxications, volontaires ou accidentelles, peuvent donner lieu à l 'éclosion d'états d'allure maniaque, le plus souvent spontanément et rapidement résolutifs, il est vrai. La plus fréquente est d'ailleurs l'ivresse éthylique, dans sa forme excito-motrice. D'autres drogues peuvent être en cause comme les dérivés du cannabis, les amphétamines, la cocaïne, les atropiniques. parmi les intoxications accidentelles, cotons surtout celle par l'oxyde de carbone.
Définition
La manie est un syndrome psychotique aigu associant une exaltation expansive du tonus affectif de base, une accélération des processus idéiques et mnésiques, et une hyperactivité psychomotrice et instinctive débridée. Cet état de surexcitation globale des fonctions de la vie psychique et relationnelle réalise un tableau d'agitation bruyante qui constitue sans doute l'image la plus caractéristique de la "folie" illustrée par l'imagerie populaire.