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Critiques de Vincent Delecroix (129)
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Naufrage

L'auteur c'est basé sur un fait divers, qu'il nous dépeint comme une fiction, le mot "Fiction" , me fait froid dans le dos, nous sommes face à une tragédie, à une triste réalité que celle de la traversée des migrants dans des conditions inhumaines . En novembre 2021, des migrants, femmes, enfants et hommes se lancent dans ce périlleux voyage dans un bateau pneumatique, surchargée, pensant trouver une vie digne , de rêves que plusieurs personnes leurs faits miroiter. Malgré les 18 appels au secours, personne n'est venue à leur aide, une petite guerre en la France et l'Angleterre, pour savoir dans quel position se trouve se bateau .18 appels passés, une promesse que les sauveteurs viendront les secourir, une attente qui n'arrivera pas, causant la mort de 27 personnes. L'opératrice du Cross, a été enregistrée à son insu, elle se voit convoquer par les gendarmes, qui lui demandent des explications, pourquoi , comment à t-elle pu passer outre cette détresse. Une femme terrifiante, glaçante , qui ose dire qu'elle n'a suivi que les ordres , chacun se rejette la pierre, personne ne veut assumer cette négligence,. Il est bien facile de trouver une coupable, l'opératrice la véritable proie.

Comment pourra t-elle avancer dans la vie, se remettra t'elle en questions , un cauchemar ancré à jamais en elle. Comment une femme a t-elle pu laisser 27 personnes, cette femme qui a sainte une horreur de la mer. Un roman qui nous laisse face à nous même, qui nous met dans le questionnement. Il nous met en pleine face la réalité du quotidien de la vie des ces migrants, L'auteur, leur rend un hommage puissant, à ces gens laissés pour contre,. Je ne suis pas indemne de ce récit , bien au contraire.
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Naufrage

Alléchée par le retour de deux de mes babelamies, j'ai lu Naufrage.

Je ressors de ma lecture un peu mitigée.

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L'auteur annonce la couleur en préambule. "Ce roman est inspiré d'une histoire réelle dont la presse s'est fait l'écho. À l'exception des éléments connus et publics de ce fait divers, le texte qui suit est une oeuvre de pure fiction."

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Le fait divers en question, c'est le naufrage d'un bateau de migrants dans la Manche, lequel a causé la mort de vingt-sept personnes en novembre 2021.

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Alors vous je ne sais pas, mais hormis le naufrage par lui-même dont j'étais informée, depuis quasiment deux ans, je ne savais rien de plus.

En même temps, je n'avais pas cherché.

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Depuis que j'ai commencé le roman, bien évidemment, j'ai regardé la presse.

On parle d'enquête interne et de sanctions éventuelles, aujourd'hui on parle aussi d'investigation pour violation de l'instruction qui a été ouverte pour de potentielles fuites venant de la hiérarchie militaire.

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Bref, tout le monde ici a Internet, nul besoin de faire une revue de presse. En tout cas, l'affaire est encore en cours.

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L'auteur nous harponne bien dès le départ avec un interrogatoire fictif de l'opératrice dans les locaux de la gendarmerie maritime, interrogatoire mené par une femme à laquelle elle s'identifie, du moins physiquement.

Les deux femmes écoutent l'enregistrement des 14 appels du jeune Kurde qui demande de l'aide car le canot pneumatique coule, pimentés par les réponses de l'opératrice.

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Quelle est la part de fiction et quelle est la part de réalité ?

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En tout cas, elle prend cher la petite dame fictive qui a promis des secours qu'elle n'a jamais envoyés. Je vous laisse découvrir le reste, personnellement j'étais atterrée.

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La seconde partie concerne les hommes présents sur l'embarcation (fictifs aussi, mais qui sont morts quand même pour de vrai), jusqu'au naufrage.

Ça sonnait bien réel pour moi, cette partie fictive.

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Dans la dernière partie, on est dans la tête de l'opératrice. J'ai eu du mal à situer l'époque exacte, mais vous verrez bien.

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Pourquoi suis-je mitigée ?

Ceux qui me connaissent savent que je déteste quand L Histoire est romancée, parce que j'ai beaucoup de mal à faire la part des choses, surtout quand j'en ignore quasiment tout.

Ensuite, il faut que je creuse.

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Mais en attendant, on peut difficilement adhérer au comportement fictif de l'opératrice fictive, tout comme à celui de son collègue fictif, qui bouquinait en sortant des blagues d'un goût douteux.

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Maintenant je sais aussi que si je suis sur un bateau et que je vois quelqu'un se noyer dans des eaux étrangères, il vaut mieux que je m'abstienne de le secourir.

Là j'ai pas compris mais bon que vaut la vie d'un homme à côté des lois territoriales.

De toute façon je me connais, je ne verrai probablement pas la pancarte en pleine mer me disant qu'il y a une frontière à tel ou tel endroit.

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Mais je digresse, l'essentiel c'est que les sauveteurs et garde-côtes etc., eux, sachent bien qui a le droit de faire quoi.

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Bon, je n'aurais jamais cru que je réussirais à sortir quelque chose de mon demi-neurone pour vous parler de ce roman.

Des copines m'ont dit d'écrire ce qui me passait par la tête, voilà qui est fait.

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S'il n'y avait pas ce côté réalité / fiction qui me chiffonne à cause de mon manque d'informations, j'aurais vraiment beaucoup aimé ce livre.

En étant honnête, je dois même avouer que je l'ai beaucoup aimé, en fait. Je me suis posé des questions, j'ai tremblé avec les pauvres naufragés, mon coeur s'est serré avec eux et pour eux.

Ceux-là et tous les autres...

À part ça, je me sens impuissante.. comme tout le monde.

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C'est un très bon roman, n'hésitez pas à le lire.

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Je finirai mon billet sur un extrait des paroles de la chanson de Zazie, J'étais là...



"Et j'ai levé mon verre à ceux qui n'ont plus rien

Encore un verre, on n'y peut rien



J'étais là devant ma télé à 20 heures

J'ai vu un monde s'agiter

S'agiter

J'étais là juste au retour de la Somalie, du Bangladesh et du Rwanda

J'étais là

J'ai bien vu le sort que le Nord réserve au Sud, bien compris le mépris

.

J'étais là pour compter les morts

J'étais là et je n'ai rien fait

Et je n'ai rien fait

.

J'étais là pourtant, j'étais là

Et je n'ai rien fait

Je n'ai rien fait"

.
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Naufrage

Dans la nuit du 24 novembre 2021, une embarcation sombre à mi-parcours de sa traversée de la Manche, entraînant dans la mort 27 des 29 migrants à son bord. Ils ont pourtant appelé à l’aide durant plusieurs heures, donnant chaque fois leur position. Mais l’opératrice du CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) du Pas-de-Calais n’a jamais envoyé de secours. Sur les enregistrements de ses échanges avec l'un des naufragés, on peut l’entendre le renvoyer vers les autorités britanniques, avant de finir par lui asséner, agacée par l’insistance de ses appels désespérés : « Bah t’entends pas, tu ne seras pas sauvé. »





Ce fait réel a inspiré à Vincent Delecroix un récit purement fictionnel, construit autour de cette femme telle qu’il l’a imaginée à partir de ce que la presse en a dit. Interrogée par une capitaine de gendarmerie, curieusement si semblable à elle-même qu’elle lui paraît comme une sorte de double de l’autre côté du miroir, l’opératrice devenue narratrice reste sûre d’elle, expliquant sa froideur et son absence d’empathie sans doute ni remords apparents. Dans son métier, explique-t-elle, « les états d’âme ça empêche d’agir, de prendre des décisions, d’être efficace ». Et tandis que le regard et le jugement de son interlocutrice lui renvoient l’image de plus en plus accusatrice d’un monstre d’inhumanité, elle se défend en refusant de faire figure de bouc émissaire, tout au bout de la longue chaîne de notre indifférence : « Alors donc il fallait en revenir à moi, en disant que la cause de leur mort, c’était moi. Autrement dit pas la mer, pas la politique migratoire, pas la mafia des passeurs, pas la guerre en Syrie ou la famine au Soudan – moi. »





« Ça arrangerait bien tout le monde, mais il ne faut pas croire : non, je ne suis pas seule, sur le rivage, je ne suis pas la seule à regarder de loin et à l’abri le spectacle interminable, nuit après nuit, des naufrages. (…) Pendant que je me tiens là, sur la terre ferme, il y a tous les autres aussi, derrière moi, et ça fait du monde, des milliers, des millions de personnes. Tout le monde est là, le monde entier en vérité : le monde entier derrière moi, sur le rivage. (…) Vous êtes tous là. »





Implacable et dérangeant, appelant autant à l'émotion qu'à la réflexion, le roman procède à la manière d’une onde de choc. Choc lorsque le récit nous place à bord du canot, dans l’épouvante d’une nuit de mort, alors qu’agrippé à un mince et indifférent filet de voix, l’espoir s’amenuise désespérément. Choc lorsque l’indifférence lointaine de l’opératrice scelle le drame. Choc enfin de nous voir rappelés à nos responsabilités par cette femme en vérité ni pire ni meilleure que la plupart d’entre nous : « Le type qui dort dans un carton au pied de ton immeuble, connard, tu ne le vois pas non plus ? Pourtant il rame pareil sur le bitume et coule pareil. Il n’est pas à des dizaines de kilomètres en pleine mer, pourtant, et en pleine nuit, celui-là. Et il est assez facile à géolocaliser : il est au bout de ta chaussure. Alors tu lui envoies les secours ou c’est encore à moi de le faire ? »





Miroir de nos indifférences face aux naufragés de la société, un livre qui, pour le coup, ne devrait laisser personne de marbre.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Naufrage

* Critique chiante et larmoyante *



--> Comme ça vous êtes prévenus tout de suite, ca ne va pas rigoler sur la critique à Zeitnot.



le Naufrage, c'est le naufrage d'un bateau de migrants le 24 novembre 2021 au large de Calais. 27 morts 2 rescapés. Ce n'est pas de la fiction, c'est la réalité. C'est un fait divers, comme on en lit souvent, d'ailleurs plus en Méditerranée du côté de Lampedusa que du côté de Wimereux.

Ces migrants ont appelé à l'aide plusieurs fois. Les secours français ont attendu qu'ils passent dans les eaux anglaises et n'ont envoyé aucun bateau. Sont morts 20 hommes, 6 femmes, une fillette.



Vincent Delecroix dans Naufrage nous met d'abord dans la peau du monstre ordinaire. Dans la peau de cette femme qui a dit "Tu ne seras pas sauvé", lors de son interrogatoire par la gendarmerie, avec un récit en "je" qui fait froid dans le dos.

" Je ne t'ai pas demandé de partir. C'est toi qui l'a voulu. Si tu ne veux pas te mouiller, il ne fallait pas embarquer mon coco".

Elle, c'est l'opératrice du CROSS à Calais, celle qui aurait pu envoyer les secours et qui n'a rien fait. Est-elle responsable de ce désastre ?

Ce canot de migrants, ce n'est pas un canot d'aventuriers qui un jour décident de partir à l'aventure selon un moyen de fortune. Ce sont des dizaines de canots qui partent comme ça pratiquement tous les jours pour emmener hommes, femmes, enfants vers un avenir qu'ils croient meilleur.

Notre opératrice du CROSS, celle qui n'a pas sauvé, combien en a-t-elle sauvé avant ?

L'habitude, la répétition fait baisser l'urgence. Là où l'on voit des humains lors des premiers sauvetages, à la fin il ne reste que des numéros... Encore eux, sur leurs bateaux à la con. A peine sauvés, déjà rembarqués sur d'autres bateaux de la mort.

Avez-vous vu, il y a quelques semaines, en Méditerranée. Plus de 5000 migrants sont arrivés sur l'ile de Lampedusa en 1 jour. Ils n'y sont pas arrivés via Costa Croisière ! 5000 arrivés, et combien de perdus ?

Est-ce vraiment la faute d'une opératrice du CROSS si les 27 sont morts, ou aurait-il été possible d'arrêter ce massacre à la base ?

Que font nos gouvernements ? Pas grand chose. Chez moi en Belgique, La secrétaire d'Etat à la Migration a décidé que les hommes de plus de 18 ans dormiraient dehors en hiver pour laisser la place dans les centres d'asile aux femmes et aux enfants. J'ai un gamin de 20 ans et un de 17, je ne peux pas les imaginer dormir dehors dans les rues de Bruxelles par -10. Les autres politiciens ont eu à coeur de montrer du doigt la secrétaire d'Etat... nous sommes bientôt en période électorale. Mais sinon, rien. Pourtant entre les bureaux inoccupés, les logements inoccupés et les hôtels pas remplis, il y a de quoi faire. Comme d'habitude, on va attendre qu'il y ait des morts de froid avant d'agir.



Deuxième partie de l'histoire, nous sommes dans la peau des migrants. Dans la peau de celui qui appelle l'opératrice, de celui qui voit le désastre et la mort de ses compagnons d'infortune. De ces 29 personnes montées à bord d'un bateau donné par un passeur. Passeur qui empoche le peu d'argent qu'ont ces malheureux pour les faire monter à bord d'embarcations en sachant très bien qu'un seul sur 5 atteindra les côtes. Là où il y a de la demande, il y a l'offre. L'Angleterre, l'El Dorado, si proche et si loin à la fois.



Naufrage, c'est se poser sur les dysfonctionnements de notre monde. C'est s'interroger sur la responsabilité collective qui sous-tend derrière la responsabilité individuelle.

Naufrage, c'est une bouteille à la mer pour décider ceux qui peuvent agir. Pour rendre leur humanité aux invisibles.





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Naufrage

Pour moi premier livre ouvert de la rentrée littéraire 2023, "Naufrage" est un roman de Vincent Delecroix, une oeuvre de fiction qui pourtant est inspirée d'un fait réel tragique.

Paru à la mythique collection "Nrf" de chez Gallimard, ce récit est un huis clos.

A la gendarmerie maritime de Cherbourg, deux femmes se font face.

L'une est capitaine de gendarmerie.

Elle enquête sur le naufrage d'un bateau de migrants qui a sombré dans la Manche, noyant vingt-sept personnes malgré de nombreux appels à l'aide envoyés au centre de surveillance du Cross.

L'autre est l'opératrice qui était de quart au sémaphore cette nuit-là, une jeune officier-marinière de la Marine.

Elle est venue de Boulogne, de son plein gré, afin de répondre aux questions que n'a pas manqué de susciter l'enregistrement des appels téléphoniques de cette nuit-là.

Mais est-ce vraiment une défaillance qui a englouti vingt-sept personnes dans les eaux sombres de la Manche ?

Défaillance ou plutôt erreur d'appréciation, incompétence ou mauvaise volonté ?

Ce récit est composé de trois parties.

A mon sens, il aurait dû n'en comporter que deux.

La lecture de la troisième n'ayant fait que gâcher un peu le ressenti que m'a laissé derrière elle la dernière page tournée.

Ce récit est tendu comme un index pointé vers une coupable présumée.

Mais coupable de quoi ?

De mensonges, d'inertie, d'inhumanité ou de mauvaise appréciation de la situation ...

La gendarme accuse.

La sémaphoriste se défend.

L'écrivain raconte et philosophe.

Il est ici question de culpabilité, personnelle ou collective, de drames humains sans cesse répétés.

Le récit ne s'embarrasse d'aucun préambule long et ennuyeux.

Tout de suite, il s'empare de la lecture pour la mener sur un long et sinueux chemin pavé de questions, de justifications et de réflexions.

Le livre repose sur de vrais ambiguïtés à l'image de cette jeune femme qui hait la mer, et qui pourtant s'est engagée dans la Marine Nationale.

Le livre, à certains courts moments se saoule de paroles et d'expressions, en rajoute un peu dans les imaginations.

La troisième partie, la plus courte heureusement, étant le point d'orgue de ces vaines exagérations, de ces enthousiasmes d'écrivains sans souffle aucun.

Il n'en reste pas moins que ce livre traîne derrière lui les relents du malaise, les points d'interrogation du questionnement et la stupeur provoqués par l'envers du décor de la tragédie.

Le drame devient ici presque tangible, étant pourtant repoussé vers l'ordinaire et l'habituel de ce métier qui engage ceux qui le pratiquent.

Au final, c'est un bon livre avec pourtant une impression de lecture mitigée qui ouvre pour moi la rentrée littéraire 2023 au sortir de vacances pleines de soleil, de mer et de bons vieux bouquins sortis de sous la serviette de plage ... privilège embarrassé et peut-être coupable de la géographie ...







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Naufrage

« Naufrage » est le récit d’un effondrement généralisé de notre société où les sentiments d’empathie et de compassion s’effacent petit à petit quant aux flots de l’immigration.



Basé sur un « fait divers » réel, Vincent Delecroix en tire un roman très actuel et très juste. La nuit du 23 au 24 novembre 2021, 33 migrants de différentes nationalités (essentiellement des Kurdes irakiens) prennent place sur un bateau pneumatique (« small-boat ») depuis Loon-Plage en vue de rejoindre le Royaume-Uni. L’embarcation surchargée tombe en panne, se dégonfle et prend l’eau. Alors que plusieurs appels de détresse sont adressés aux secours français, les personnes sont abandonnées en pleine mer dans l’attente qu’elles rejoignent les eaux anglaises…



De ces 33 personnes, seulement deux ont survécus. Âgés de 7 à 46 ans, dont 6 femmes et 1 fillettes, c’est 27 corps (et 4 disparus) qui sont repêchés le lendemain. Ils n’espéraient pourtant que vivre en paix et se construire un avenir décent. Cela a été la plus dramatique tragédie connue sur les côtes de la Manche.



Dès 1h30 du matin, 18 appels furent passés aux secours et 6 fois leur géolocalisation envoyée. Les échanges téléphoniques entre les naufragés et le CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) de Gris-Nez ont été enregistrés et la froideur de l’opératrice est stupéfiante et glaçante!



L’auteur part de ces événements et en tire un huit-clos oppression sur la base d’un monologue : celui de l’audition de l’opératrice face à la gendarmerie (ou finalement, face à sa conscience aussi).



Écrit d’une plume acérée, ce récit ne peut laisser personne indifférent. A la fois nécessaire mais aussi dérangeant, il ébranlera la conscience de ses lecteurs. Indéniablement, ce livre pousse à la réflexion quant à la responsabilité collective qui sous-entend la responsabilité individuelle.



La seconde partie est particulièrement poignante, où l’auteur décrit le naufrage en lui-même, en compagnie de ces migrants, sans pathos mais de façon distancée où le lecteur restera en apnée durant ces quelques pages.



Par ces quelques morts, Vincent Delecroix rend hommage à ces oubliés de la mer, à ces invisibles.



Merci!
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Naufrage

Vincent Delecroix s’inspire d’une histoire vraie pour écrire ce roman : il le précise en préambule. En novembre 2021, un canot pneumatique rempli de migrants fait naufrage dans la Manche après avoir tenté en vain d’obtenir du secours après des autorités maritimes françaises. Le bateau coulera sans que personne n’intervienne. Bilan : 27 morts.

***

Naufrage est divisé en trois parties. Dans la première et dans la dernière partie, nous suivons l'opératrice du CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage), alors que dans la deuxième partie, nous sommes avec les migrants, sur le canot qui prend l’eau. Dans la première partie, nous voyons l’opératrice se débattre maladroitement pendant un interrogatoire mené par une capitaine de gendarmerie qui, pense-t-elle, lui ressemble physiquement : un double, mais inverse, pleine d’empathie et scandalisée par l’attitude de l’opératrice. Enfin, pourquoi n’a-t-elle pas donné suite aux 14 appels du jeune Kurde qui tentait d’obtenir du secours, appels qui ont tous été enregistrés ? Pourquoi traite-t-elle ces appels à l’aide avec une telle désinvolture, ces gens en détresse avec une telle indifférence ? L’opératrice va tenter de l’expliquer, mais ses explications l’enfoncent, font ressortir son désintérêt, son insensibilité, son habitude de telles situations, sa fatigue et le cynisme qui a fini par l’envahir. Dans la deuxième partie, on partage les espoirs des migrants, on comprend leur désillusion, on vit leur joie quand un bateau approche et leur accablement quand il disparaît sans avoir même tenté de leur apporter un peu d’aide. On retrouve l’opératrice dans une dernière partie plus personnelle, ou elle parle de sa vie et nous fait partager ses réflexions et ses interrogations.

***

J’ai trouvé ce Naufrage particulièrement bien mené. Le roman pose évidemment la question de la responsabilité, de toutes les responsabilités, collectives et individuelles. Il nous met le nez dans notre indifférence, dans nos indignations lointaines et inefficaces, dans notre propension à chercher et trouver des coupables. Vincent Delecroix nous avait prévenus avec sa très brève citation de Pascal en exergue : « Vous êtes embarqué ».

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Naufrage

Un livre qui dérange

Je comprends qu’il soit noté moyennement car il prend le contrepied du « bon sens » commun

Vincent Delecroix est un philosophe qui écrit une fiction ( il insiste sur ce point) à partir d’un vrai fait divers :le naufrage dans la Manche d’un bateau de migrants: 27 morts

Une instruction est en cours parce que les naufragés auraient appelé de nombreuses fois sans être secourus

Un bouc émissaire tout trouvé : l’ opératrice du Cross ( sauvetage en mer, militaire)

Elle est interrogée pour l’ enquête

Se sent-elle coupable ? Pas du tout. J’ ai fait mon travail, point final

Avez-vous de l’empathie pour les migrants ? Aucune , ce n’ est pas mon rôle

Avez-vous un avis sur la politique d’immigration ? Même réponse.Je n’ai aucun avis

Tout le monde voudrait qu’elle craque , qu’elle présente ses excuses , verse quelques larmes. Tout le monde voudrait de l’ émotion et aussi un peu de culpabilité.

Bref, la réaction «  normale » qu’on présente en 3 minutes au journal télévisé avant de passé «  sans transition «  à un sujet plus futile

Elle reste stoïque et contre attaque. Savez vous combien de bateaux de migrants traversent chaque nuit par temps calme?

Pourquoi en choisir un plutôt qu’un autre?

Je n’ai pas à savoir si je sauve un salaud ou un vrai réfugié politique ou un brillant intellectuel

Ce livre implacable pose la question de la responsabilité individuelle ou collective

Ce n’est pas l’ opératrice qui fixe les règles ou délimite les périmètres d’ intervention

J’entends d’ici les remarques habituelles : elle n’a pas de cœur ou, plus, violent, c’est un monstre

Vincent Delecroix voit tout cela en philosophe et ne prend pas parti

Il soulève simplement les bonnes questions

Ce livre m’a semblé très juste

Quand vous êtes dans l’action ( pour moi, il y a quelques années ,l’humanitaire , les guerres, la famine, les camps de réfugiés), on vous demande d’ être efficace

Quand vous voyez chaque matin arriver mille personnes au bout du rouleau, pour certaines mourantes, vous n’avez pas à avoir de l’empathie, pas le temps de savoir pourquoi elle sont là, qui elles sont , d’ où elles viennent

Votre rôle , à ce moment précis, est d’en sauver le plus possible tout en sachant qu’il aura des morts

À posteriori, il est facile de refaire l’histoire et surtout d’accuser

Notre époque veut des coupables , ici une opératrice militaire, ailleurs un policier ou un gendarme, pourquoi pas un pompier ou un médecin du

Samu

Vincent Delecroix dérange beaucoup de monde parce qu’il nous montre la vérité crue, pas celle qu’ on veut nous faire ingurgiter à longueur de journée à travers tous nos écrans

Un livre salutaire et intelligent

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Naufrage

Naufrage de Vincent Delecroix est un texte nécessaire et dérangeant. Texte court de136 pages en trois parties.

S'appuyant sur un fait réel , le naufrage d' un bateau de migrants dans la Manche en Novembre 2021. Le naufrage provoquera la mort de 27 migrants. Malgré de nombreux appels au secours, aucune aide sera apportée aux migrants.

C'est à partir de cette actualité que Vincent Delecroix a écrit son texte , imaginant une opératrice ayant reçu au CROSS, les appels au secours des migrants.

Les parties 1 et 3 du roman nous parlent de cette opératrice.

La partie centrale est consacrée au naufrage du bateau des migrants.

Le texte est dérangeant car les secours n'ont pas été envoyé aux migrants pour des tas de raisons : lieu du naufrage , eaux territoriales, secours français ou anglais, l'implication de l'opératrice, la lâcheté collective, les passeurs. A qui la responsabilité ?

Il est facile de faire d'une opératrice un bouc émissaire.

"Moi j'ai dit : Tu ne sauras pas sauvé "

Le moi peut être aussi un nous . Nous avons dit : Tu ne seras pas sauvé. Cela nous parle de notre lâcheté et de notre facilité à regarder ailleurs.

Ces questionnements et lâcheté sont très bien décrites dans les parties 1 et 3. Bien décrites veut dire confus dans l'esprit de l'opératrice. Des réflexions que Vincent Delecroix nous restitue dans des phrases au long cours parsemées de longues parenthèses .

La partie 2, dans sa glaçante réalité est plus littéraire et tranche avec la distance apparente de l'opératrice.

Il est alors plus simple de mettre en miroir ce que bien des gens pensent et de voir poindre l'indifférence générale.

Et comme le dit l'opératrice : " Je ne suis pas la seule à regarder de loin et à l'abri le spectacle interminable, nuit après nuit des naufrages "



Ce texte , dérangeant, violent m'a rappelé d'autres naufrages en Méditerranée que Laurent Gaudé à mis en écriture : Eldorado. La même mise en abime de la conscience collective.

Reste une question : Qui a dit : "Mais moi j'ai dit : Tu ne sauras pas sauvé "

Nous ? Moi ? les Migrants ?

Vaste question .











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La chaussure sur le toit

Et bien voilà une très sympathique découverte, trouvée au hasard d’un vide grenier.

C’est un roman où chaque chapitre serait une nouvelle. Le point commun étant que ça se passe dans le même immeuble, et qu’à chaque fois, il y a une histoire de chaussure qui atterrit sur le toit du dit immeuble.

Chaque histoire est originale et agréable à lire. Les personnages, tous très différents, il y a même un chien parmi eux, sont traités avec intelligence et sensibilité. Il y a aussi de l’humour, ce qui ne gâche rien.

Une bonne petite parenthèse passée avec ces habitants près de la gare du nord.

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Naufrage

Je ne m'attarderai pas sur l'aspect littéraire de ce Naufrage qui, bien qu'écrit brillamment, use d'une prose qui ne me touche pas vraiment, trop emphatique, trop ambitieuse, usant de trop de didascalies, de trop de digressions, parenthèses, et d'une ponctuation qui m'a semblée hasardeuse.

Reste le propos, posé là sur ma table, comme un monstre avide, un gouffre abyssal par les questions qu'il me pose, claquant comme une gifle bien envoyée, rougeoyant comme une braise gourmande de brasier.

Au départ, un fait réel. Une nuit d'hiver sur la Manche, un canot de migrants a noyé ses 27 passagers après 14 appels au CROSS, centre militaire de secours en mer français. L'opératrice n'a rien fait, si ce n'est s'agacer au fil des appels en leur rappelant que les secours arrivaient. Secours qu'elle n'avait pas prévenus.

Trois parties distinctes découpent le roman. La première est un huis-clos entre une capitaine de gendarmerie et l'officier marinière soupçonnée de non-assistance à personnes en danger. Ce dialogue est ubuesque et glaçant, déroutant et mériterait plusieurs lectures. A l'incrédulité de la gendarme, la jeune militaire ne renvoie qu'un néant d'empathie. Non, elle n'a pas d'états d'âme ni d'avis sur ce que recouvre le Drame des migrants, cette Tragédie de l'exil qui nourrit inlassablement les grilles de nos médias. Elle n'est pas payée pour ça.

La première intention est de s'offusquer, de saborder cette nana insensible qui traite son job comme on vendrait des petits pois.

C'est vrai, c'est la première sensation qui m'est venue. En voix off, Vincent Delecroix nous fait écouter tout ce que pense cette jeune femme. Que si "Dieu s'amuse à créer des migrants a la chaîne poursuite les noyer comme des chatons", elle n'est pas responsable. Que des rafiots comme celui là, c'est quarante par nuit qui prennent la mer avec à leur bord toute la misère du monde et l'espoir d'un ailleurs plus miséricordieux, et que tout ça, c'est beaucoup trop lourd pour flotter.

Insensiblement, on commence à se sentir mal, à reconnaître que ce Drame, cette Tragédie, nous aussi, nous la visionnons avec une certaine insouciance depuis nos canapés ou entre potage et fromage. On commence à réaliser que ces morts par milliers tout le temps et partout sont peut-être bien le tribut à payer pour que tourne la grande roue du monde sans trop de grippages.

Oui, de moins en moins insensiblement, on réalise qu'on fait partie de la grande farce, de cette humanité déguisée, toute occupée à faire en sorte que le décor ne change pas trop.

Le second acte du roman relate le naufrage. La peur, le froid, les cris, l'eau glacée qui s'immisce, les suppliques, l'abandon, et puis les abysses...

En dernière partie, un monologue de l'officier marinière, comme une excuse de trop. La vie difficile, le père de sa fille partie, cette mer qu'elle hait de toute son âme et qui lui renvoie sans fin les gémissements de ces hordes de noyés sans bonne conscience ni saine compassion.

Alors, on se sent minable d'entretenir peu ou prou le système. Et tiens, pour un peu, on adopterait bien un chaton...

Une lecture âpre et violente qui convie le lecteur à la barre d'un tribunal peu ordinaire où l'accusé n'est autre que ce que nous appelons avec familiarité notre Humanité.
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Ascension



Après avoir lu et apprécié le farfelu" La chaussure sur le toit", j'étais impatiente de recevoir ce nouveau roman, et je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour cet envoi.



Gonflé, le livre, dans tous les sens du terme: 625 pages et l'auteur y ose tout!



Je vous présente d'abord le narrateur: Chaïm mais il est juif, romancier peu connu, écrivant sous un pseudo ( tiens! Grégoire Delecroix...), je cite:" sous un pseudonyme pas juif du tout, plutôt même catho". On reconnaît bien là le philosophe spécialiste des religions, qui s'amuse beaucoup et verse dans l'auto-dérision.



Le titre ensuite est polysémique. L'ascension , c'est d'abord celle de la navette spatiale. Oui, je ne vous l'avais pas encore dit, le thème ( entre autres) du livre est la participation ( plutôt déconcertante ) du narrateur à une mission dans l'espace, avec tout un groupe de cosmonautes ( cachant bien leur jeu, d'ailleurs) . Et ascension est aussi à prendre dans un sens religieux.



Ajoutez à cela un passager clandestin qui sera découvert. J'ai bien ri quand le commandant de la navette interprète mal , au départ, qui il est.



Bon, quel ressenti face à cette-très longue- lecture? J'ai eu souvent le vertige car on atteint des sommets: le narrateur s'improvise conteur, et on se croirait dans les contes des mille et une nuits, les autres membres de l'équipage aussi s'expriment, le livre est tout en digressions, histoires, notamment de son ancêtre juif, clins d'oeil littéraires et cinématographiques, réflexions intenses à toutes les pages...



J'ai frôlé l'indigestion, car trop, c'était trop, j'avoue avoir survolé certains passages, car je n'en pouvais plus, je changeais parfois d'orbite, mon esprit était en ébullition permanente!



Donc j'ai aimé l'aspect loufoque, inattendu et très drôle du livre, les pensées philosophiques qui se glissaient sous les remarques acerbes, ironiques mais j'ai dû souvent m'accrocher à la navette pour ne pas tomber dans une vide sidéral ...

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Le deuil: Entre le chagrin et le néant

Entretiens de 2015, entre Vincent Delecroix, philosophe, spécialiste de philosophie des religions et Philippe Forest, essayiste, biographe, professeur de littérature contemporaine, et surtout écrivain depuis la mort de sa fille, de maladie, à l’âge de quatre ans.



Echanges sur ce que le deuil peut, « sinon signifier, du moins dire à chacun de nous ». Mais aussi sur la place que la société lui réserve, ou lui refuse, sur le sens que les religions, en particulier la religion catholique, donnent à la mort, sur les rites du deuil qu’elles ont élaborés, sur la « sagesse » prônée à l’heure où les religions périclitent.



Après avoir rappelé que le deuil est à chaque fois, pour chacun, une expérience singulière et « incommensurable » alors qu’elle est pourtant la plus fatalement partagée, Ph. Forest et V. Delecroix soulignent l’injonction faite par la société actuelle à l’endeuillé, de se remettre le plus vite possible ; car le deuil serait un accroc au tissu social, une atteinte à la cohésion, au confort, aux performances de son milieu. On aimerait qu’il sache faire, rapidement, pour le bien-être de la collectivité, l’économie de comportements affectés. Alors on serine « travail de deuil », « résilience » etc…

« Le discours psychologisant, par la généralisation qu’il implique, est dans la négation de ce singulier à quoi tient l’endeuillé et qui fait sens pour lui. »

«… on nous invite de toutes parts non pas à entretenir un commerce juste avec les morts (…) mais, afin de conjurer le malheur, à nous débarrasser d’eux comme s’ils constituaient un fardeau ou une menace. »



Dans un chapitre intitulé « Deuil collectif et devoir de mémoire », les deux interlocuteurs s’interrogent sur la fonction des commémorations, panthéonisations, hommages officiels aux grands hommes ou aux victimes de tueries, de génocides. Un deuil peut-il être collectif ?

Mais ils s’accordent sur le fait qu’ils exècrent les prétentions de certains auteurs à s’approprier « des évènements du passé pour se donner à eux-mêmes et donner à leurs lecteurs l’illusion gratifiante qu’ils en ont été les témoins directs (…) spéculant sur l’horreur à laquelle d’autres qu’eux ont été livrés, contrefaisant une vérité dont ils ignorent tout ». Je ne suis pas mécontente de voir confirmer et expliquer mon impression scandalisée d’indécence à la lecture de certains romans actuels…



V. Delecroix et Ph. Forest évoquent ensuite la difficulté de notre comportement « auprès de l’endeuillé ». Même s’ils constatent notre « impuissance essentielle » à consoler, ils reconnaissent la nécessité de la pitié et de la compassion, en redonnant la définition de ces belles notions qu’ils préfèrent à l’empathie, qui par son sens étymologique : « souffrir depuis l’intérieur, autrement dit ressentir la souffrance de l’autre depuis sa place » se révèle impraticable…



Ils s’intéressent au sens donné à la mort par les religions, la chrétienne en particulier. Et ils en constatent le déclin, ainsi que de la spiritualité de façon générale, s’inquiétant de l’espace ainsi laissé à « la résurgence agressive d’un religieux hyperviolent : une soif spirituelle dévastatrice, des réponses pauvres, une haine de la raison ».



Quant à la « sagesse » - à la fois résignation et jouissance - qu’il est à la mode de vouloir nous inculquer, ils la liquident en quelques phrases : imposture qui ne sert qu’à faire vendre des livres !



En revanche, ils se penchent ensemble sur ce que la philosophie peut nous dire de sage sur le deuil, et plus généralement, sur la perte et le mal. Ils se réfèrent surtout à Hegel et Kierkegaard qui ont des visions très différentes. Mais comme je n’ai aucune connaissance en philo, ils m’ont perdue assez vite… Toutefois, du peu que j’ai compris, j’aurais une préférence, comme Ph. Forest, pour l’approche de Kierkegaard qui pense sa réflexion à partir du « je », pour qui « seul compte l’individu, tout le reste est pour lui abstraction ». Car comment parler du deuil en oubliant l’individu ?



Ces entretiens confortent les idées que j’avais sur ces notions dont on parle à tout va : « travail de deuil », « résilience », « devoir de mémoire », « sagesse », « empathie » etc… Elles voudraient édulcorer et faire rentrer dans un rang bien aligné, applicable à tous, respecté par tous, des sentiments et des comportements qui ne sont pourtant, en aucun cas, réductibles à des préceptes de « feel good ». Il faudrait vivre petitement, sans éclat, sans violence intime, peine maîtrisée.

Qu'on le veuille ou non, la mort continue de l’interdire.



L’ouvrage s’achève sur les commentaires, en accord, des deux interlocuteurs, sur cette phrase extraordinaire de Faulkner qui mériterait peut-être un livre à elle seule : « Entre le néant et le chagrin, je choisis le chagrin ».



Les échanges de V. Delecroix et Ph. Forest confirment des perspectives, en ouvrent d’autres, sur ce que le deuil recèle de significations et de nuances. Un livre qui méritera d’autres relectures !

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Ascension

Pourquoi la NASA envoie-t-elle un philosophe dans l’espace, se demande Vincent ? C’est lui l’écrivain cosmonaute, Vincent, écrivain gérant de pressing, juif par sa mère, doué ni pour la conquête spatiale, ni pour la conquête féminine. Mais comme Vincent est écrivain, il va essayer de comprendre et tout nous expliquer : la vie parmi les joyeux gagnants d’un aller (avec retour) dans une navette spatiale.



C’est comme une histoire drôle, un Français, un Américain, un Mexicain et une Femme se retrouvent dans une fusée. Bon début pour une bonne blague de cour de récréation, mais Vincent va mettre plus de six cents pages pour nous en livrer la chute, et quelle chute !



Entre temps nous parlera de son ancêtre qui erra de Damas à Paris du XVIIe au XXe siècle ( !!), du traumatisant départ de sa mère dont il fut témoin à l’âge de douze ans et de la saine émulation qu’il entretient avec son frère, l’un est un vrai philosophe, l’autre un rigolo, devinez lequel ? Sans compter qu’Harold, Antonio, Sergei, Beth et un célèbre voyageur clandestin, ses petits camarades de voyages ont été triés sur le volet question dinguerie. Prêt à vous plonger dans la plus longue histoire juive jamais contée ?



Attention c’est du lourd, imaginez une ambiance « Récrés du petit Nicolas » sur orbite, avec une vraie réflexion mélancolique sur le Monde qui va à sa perte. Imaginez un conte philosophique ironique expliqué à un pur et dur Républicain Américain. « Ascension » pourrait-être la lecture du récit d’Emmanuel Carrère « Le Royaume » mais revu et corrigé par le gérant d’un pressing de Belleville, lequel gérant serait tout de même un écrivain plein de talent.



Roman énorme, roman gigogne, roman poupées Russes, roman roboratif, Vincent Delecroix embrasse le XXIe siècle, questionne ses valeurs, et se demande si dans l’espace quelqu’un a lu « La chaussure sur le toit » son roman le plus connu.



Delecroix : une vraie bête à Goncourt !



Merci à Masse critique de Babelio et aux éditions Gallimard pour cette belle découverte!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La chaussure sur le toit

Oeuvre profondément philosophique qui nous propose à trvers une dizaine de nouvelles une galerie de personnages qui réside dans un immeuble parisien plutot populaire...le point commun entre ces personnages? la chaussure sur le toit du titre... Des personnages contemporains, acessible pour une critique tendre et vacharde sur notre société actuelle qui mélange fantastique tragique et comique...une des bonne surprise littéraires de l'année 2009...
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Naufrage

Naufrage c'est un fait divers. Quelle triste nom pour des tragédies souvent. Ce naufrage c'est celui de migrants, celui de notre société et celui ( fictif) d'une femme, en première ligne de l'affaire. Bouc émissaire peut-être mais tout de même...

Court roman, découpé en 3 chapitres, il s'appuie sur un évènement qui avait fait beaucoup parlé. Ce bateau de migrants coulé dans les eaux anglaises donc non pris en charge par les français. La suite n'est que fiction mais le drame bien réel. Une accusée : la femme qui était de surveillance. Son collègue est à peine évoqué. Au fil des pages on entend son discours, sa vision des choses, ce que les autres disent. Elle n'a rien fait pour eux malgré les appels de détresse. C'est un peu long, légèrement redondant mais c'est une mise à nu de ce phénomène migratoire et du peu d'intérêt pour le sort de ces gens. La femme semble cynique, distante, étrangère à elle-même.

Quelques pages pour raconter le naufrage, dans ce canot qui ne pouvait que couler ( trop chargé, trop vieux avec un moteur défaillant ) C'est l'histoire innommable. Froide et cruelle.

Dans le dernier chapitre, nous sommes dans la tète de cette femme. Bouleversée mais qui nous pointe du doigt, nous lecteurs.

Un roman âpre et terrible qui nous entraîne vers ce que nous refusons de regarder.
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Apprendre à perdre

Un essai philosophique pour lecteur averti malgré un titre d’appel qui sonne comme un livre prescripteur. La question de la perte et du deuil à déjà interroge le philosophe et ici il explore pleinement sa réflexion. Apprendre à perdre ? C’est ne jamais rompre le lien, c’est « assigner place et consistance » aux disparus, en premier lieu ceux qui ont compté et comptent encore. C’est apprendre non pas à mourir, mais à vivre avec eux, si tant est que ce qui est perdu ne l’est « jamais tout à fait ». Et à partir de ce fil, toutes les typologies de deuil peuvent être déroulés.
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Chanter : Reprendre la parole

Connait-on jamais pourquoi les choses arrivent à tel moment plutôt qu’un autre ? Dans quelle mesure sommes-nous maîtres de nos vies ? Je ne suis pas philosophe, ou alors comme une Madame Jourdain qui philosopherait sans le savoir, mais nul doute que tout le monde à un moment ou un autre de sa vie, généralement important, et dont l’importance se révèle à l’occasion d’un « petit coup d’œil dans le rétroviseur », s’est un jour posé la question.

On se surprend à examiner les faits, le plus rationnellement possible, pour justifier un bouleversement bien plus grand que soi, qui nous dépasse.

Je chante depuis toujours, aussi longtemps que je me souvienne. J’ai toujours chanté comme je respirais. Facilement, naturellement, dans la joie et la spontanéité de la petite enfance, le plaisir solitaire de l’adolescence, puis la joie et la souffrance truffaldiennes jeune adulte lorsque j’ai décidé d’apprendre la technique vocale, tenter d’approcher les voluptés lyriques et classiques, tout en continuant de chanter la « vulgaire » variété ou tout autre musique. Peu importe quoi, il me fallait chanter. Pour une personne comme pour des centaines, l’être aimé ou un inconnu, je savais que tous mes déguisements tombaient avec mon souffle, la couleur de ma voix, sur la musique. Moi, qui me cachais, je me dénudais dans la mélodie. Je séduisais, j’étais admirée, je guérissais.

Je ne m’y attendais pas. J’ai perdu ma voix. Mon identité. La maladie a attaqué certains organes, que l’on peut dire vitaux, mais je m’en suis remise. Presque. Sauf que j’ai perdu ma voix. Le souffle, la parole. Je ne suis pas morte, j’ai cessé de vivre.

Il y a des combats que l’on ne peut mener que seul. Chanter, reprendre la parole, dit Vincent Delecroix. J’avais déposé les armes.

Amputée, flottante, j’ai continué. Accompagnée. Dans le renoncement progressif.

Avril 2011. Inscription à Babelio. Visites sporadiques. Lectures épisodiques. Demandes d’amis. Pourquoi pas ? A travers un écran, une voix malade ne s’entend pas. Des messages personnels. Des critiques de plus en plus longues, impliquées.

Avril 2011. Un frère providentiel. Philippe Latger. Auteur, poète. Alter ego. Vous pouvez voir sa page ici même.

Les pièces du puzzle se rassemblent. Le paysage se dessine.

Mai 2012. Madame Coquecigrue, membre de Babelio, avec qui je commence à tisser des liens précieux, m’envoie un lien après avoir lu un article sur le livre de Vincent Delecroix. Je lui avais fait quelques confidences, qu’elle avait entendues.

Je remercie, prend note. Enregistre le livre dans « Pense-bête », ou « A lire ». Je ne sais plus.

Durant l’été, un jour que j’écoute un Cd d’une chanteuse à succès, je me surprends… à fredonner, à presque chanter. J’en informe mon frère, et mon amie babeliesque. Incroyable. Inouï. Ils m’encouragent, plus émus que moi, qui ne peux y croire. J’écoute des cd de variétés, la radio, des chanteuses à tube (je ne peux plus écouter Maria Callas depuis longtemps), et j’essaie de chanter. Le souffle est court. La voix rauque, laide. Mais elle revient…

Passé l’étonnement et la joie de ce qui m’apparaît comme un miracle, je réalise que ce que je produis est affreux. Et me rends à l’évidence : je ne retrouverai jamais ma voix. Je dois renoncer à l’idée de reconquête. Jamais plus je ne serai ce que je fus. La douleur est terrible.

Juillet 2012. J’acquiers le livre de Vincent Delecroix, avec l’intuition qu’il est temps pour moi de le lire, que c’est le moment adéquat. Que peut-être, grâce à lui, le paysage du puzzle sera moins flou.

Vous vous dites peut-être, enfin, elle parle du livre ! Mais j’en parle depuis le début. Car c’est cela que Vincent Delecroix nous expose. Le rapport à la voix, dès l’enfance. Le chant instinctif. Primal. La voix de la mère. Les berceuses pour calmer et apaiser. Puis sa propre voix, comme émancipation, affranchissement. Très vite, on est catalogué : ceux qui chantent juste, ceux qui chantent faux. Et c’est déjà la rencontre de l’injustice, quand personne ne chante faux, certains ont du mal à entendre et à reproduire. La voix s’éduque par l’oreille. L’auteur aborde l’éducation musicale, à l’école, autrement dit le formatage, pour ne pas dire le carnage. Le mot d’ordre est à l’uniformisation. Pourtant, certains essaient de faire entendre leur voix. De la cultiver, l’épanouir, et s’épanouir à travers elle. Il évoque ceux pour qui, comme moi, elle est une seconde peau. Il nous dit comment de l’enfant sauvage nous nous transformons en adulte policé. Comment nous oublions la joie, le plaisir, de nous écouter, d’écouter nos vrais désirs, pour rentrer dans le moule. Bien sûr, il y a le fracas de l’adolescence, mais qui n’est pour la plupart qu’une étape qui nous ramène au conformisme. Quelques apprentis rebelles sont « récupérés » par les conservatoires, où ils apprendront à chanter comme il faut, dans un cadre bien établi. Toi, tu es fait pour l’opéra, toi pour la musique ancienne, toi, tu chantes comme un chanteur de salle de bains…

Et moi je voulais tout chanter. Puisqu’au fond, c’était la même chose, même si l’art lyrique demande une vie d’abnégation pour en être digne. Je n’ai pas pu, trop occupée à suivre les chemins de traverse. A la communauté, au clan, j’ai toujours préféré l’éclectisme.

Après avoir exposé ses convictions et sa théorie pour une pédagogie vocale efficace, généreuse, basée sur un enseignement traditionnel qui n’a pas peur d’emprunter des méandres pour mieux coller à chaque individu, Vincent Delecroix aborde l’ « accident ». La perte de voix. Le cataclysme. De ce bouleversement qui nous dépersonnalise, nous fait perdre pied, il fait émerger un défi, une reconquête, et même une chance. Celle de se redécouvrir, de renaître, à condition d’accepter l’abandon de ces anciennes valeurs qui nous rassuraient. Vincent Delecroix nous fait l’apologie du risque, de l’inconnu, du désir retrouvé de l’inconnu que nous avions perdu, arc-boutés sur nos certitudes. Il ne dit pas la fin du chemin, mais il dit non à l’immobilisme. Reprendre la parole, c’est cesser de chanter, momentanément, pour se retrouver à l’écoute de sa voix intérieure, secrète, intime, que l’on avait étouffée avec nos canons de beauté conformistes.

Le chant n’essaie plus d’être joli, abolit la distance de l’enchanteur et de l’enchanté.

Le mystère est tissé de failles, de brisures, à l’image de nos vies. Le chant est enfin désacralisé, rendu à l’enfant qui nous attend au seuil de notre vieillesse, à moins que la mélodie ne s’interrompe prématurément. Que l’on soit bien portant ou malade, l’apprentissage du chant est pour Vincent Delecroix le voyage vers la vie avant la vie.

Tandis que je lisais ces lignes, qui mettaient en mots ce que je ne savais que chanter, les pièces du puzzle ont presque une à une trouvé leur place. Ce fut un appel téléphonique, et le premier chant d’après. Ce fut une cathédrale, tandis que le mois d’octobre commençait de s’éteindre, dans une ville méditerranéenne, Mozart et Fauré, convalescents, estropiés, mais vivants pour l’oreille fraternelle du poète.

Je suis encore dans l’inconnu, parfois désarçonnée, toujours malhabile. Mais je chante, souvent, légèrement, pour rien, pour faire vibrer la note sensible qui me relie depuis toujours à mon essence.

Je ne crains plus les accidents. J’ai mes garde-fous. Il m’a fallu du temps pour être prête, à entendre, à écouter, à lire, à chanter.

Merci, Madame Coquecigrue, auditrice privilégiée, de m’avoir indiqué l’existence de ce livre à point nommé, pour me montrer la voix à suivre désormais.


Lien : http://parures-de-petitebijo..
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La chaussure sur le toit

Le point de départ: une chaussure sur un toit. Banal et néanmoins surprenant. Comment a-t-elle atterrit là? L'auteur s'essaye à différentes hypothèses autour des habitants de l'immeuble. Ce roman est drôle, tendre parfois, et j'ai trouvé la démarche de l'auteur très intéressante. Comme quoi tout peut être prétexte à une histoire!
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Le deuil

Ce livre sur le deuil est le résultat d’un dialogue fécond et souvent provocant entre Philippe Forest, romancier endeuillé à jamais par la mort de son enfant, et Vincent Delecroix, spécialiste de Kierkegaard, dont l’écriture s’organise autour de la perte.



Le sous-titre : « Entre le chagrin et le néant » est emprunté à Faulkner qui affirme dans « Les palmiers sauvages » qu’entre le chagrin et le rien, il préfère encore le chagrin.



Les deux écrivains, qui se sont rencontrés dès l’automne 2014, se révoltent en effet contre les théories de la « résilience » chères à Boris Cyrulnik notamment, et les expressions horribles que sont « faire son deuil » ou « le travail du deuil. »



Ils y voient la marque de la « pensée consumériste d’une époque qui ne supporte plus de se confronter au réel, c’est-à-dire au tragique de la condition humaine, à la perte irremplaçable, à la singularité absolue d’un être, bref au deuil. »



On ne peut mieux dire.



Le deuil, le chagrin et les larmes font partie de notre existence. Les nier, les cacher, revient à s’amputer de nous-mêmes.



S’appuyant sur des représentations littéraires, philosophiques, artistiques et mythologiques, Philippe Forest et Vincent Delecroix montrent qu’il y a une signification à trouver dans le deuil.



Notre société a peur des gens blessés et tristes. Elle délègue des cellules psychologiques sur tous les lieux de tragédies, alors que la consolation est impossible. La mort d’un proche est la fin du monde à chaque fois et dire « ça va aller » est la pire des choses à faire.



Il faut donc affronter la réalité en reconnaissant le caractère absolu de la perte.

Le seul conseil que donne Kierkegaard, c’est « désespère » et paradoxalement ne pas se résigner devant la mort, rester inconsolables est la seule manière de vivre notre condition humaine.







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