Avec Benoît Fontaine et Vincent Devictor, biologistes de la conservation, et Joëlle Zask, philosophe.
Changement climatique, menaces sur la biodiversité, mutation des systèmes agroalimentaires, transition énergétique autant de sujets abordés par un nouveau cycle de conférences qui fait dialoguer des spécialistes issus de différentes disciplines. La première saison du cycle est intitulée « Demain, la vie ? ».
En savoir plus sur le cycle Débats au coeur de la science : https://www.bnf.fr/fr/agenda/debats-au-coeur-de-la-science
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De plus, l'idée de prise de conscience s'accorde avec une vision bien troublante de la démocratie. Vision que le néolibéralisme a embrassée en considérant que la société représente essentiellement une masse à conduire dans un monde dont la complexité lui échappe.
Pourquoi ce gouffre entre, d'une part, le savoir scientifique qui alerte et quantifie depuis près d'un siècle les causes et les conséquences de la dégradation de l'état écologique de la planète et, d'autre part, l'action politique qui semble seulement capable de multiplier des sommets, de constater, de promettre, mais ne rien pouvoir infléchir? Quel modèle politique peut-il aujourd'hui prétendre enrayer la perte de la biodiversité? Pourquoi tant de rapports sur l'état dégradé de la biodiversité et tant de reports des politiques ambitieuses de sa protection? Pourquoi la transition écologique semble-t-elle être conçue pour durer éternellement?
Cette politique ne se soucie absolument pas de l'écologie des espèces et écarte le questionnement sur les causes de destruction. C'est une "écologie du minimum" qui oriente les questions de gestion de la biodiversité en fonction d'une règle de tri la moins coûteuse qui permet de poursuivre les activités humaines ayant un impact négatif. L'autre voie d'optimisation, c'est-à-dire celle de l'expression des dynamiques naturelles, de l'abondance des corps, non de leur survie dans un espace minimum n'est pas envisagée. Le modèle paradigmatique de cette conservation est celui de la gestion du stock de pêche, à la fois ressource et ensemble d'individus dont la bonne gestion s'évalue à l'aune de sa durabilité. La question est ici directement formulée en termes de destruction optimisée: combien peut-on prélever au maximum sans compromettre la viabilité de la ressource?
Le problème n'est pas, je pense, de nier les dangers de la nature mais de reconnaître l'extraordinaire rapidité et ampleur de sa destruction par certains groupes humains dans un but discutable. Et ce que cela pose comme problème sur le plan scientifique, éthique, politique , démocratique.
Il est devenu possible et nécessaire d’assumer certaines incompatibilités. Il est devenu nécessaire et urgent de jeter par-dessus bord les anesthésiants de la pensée, des valeurs et des émotions. On agit mal si on pense mal et on pense mal si on n’éprouve rien
conserver une espèce en oubliant les aspects écologiques et évolutifs n’a aucun sens
Il y a un lien physique, irréductible entre une proie et un prédateur, entre la lumière et les plantes, les arbres et les champignons. cette vision est pour moi assez profonde : en détruisant un individu, une population, un habitat, je détruis des liens. Cette destruction ne me laisse pas indifférent peut-être précisément parce que j'ignore la nature et le nombre des liens détruits. Ce qui me lie à cette biodiversité, c'est la reconnaissance que je ne suis pas le seul à être lié au monde biologique.
La biodiversité n’est pas une catégorie achevée. Le terme de biodiversité est lui-même vivant. Voilà le contexte stimulant dans lequel la notion de biodiversité doit s’étudier.
Si l'on est sur le point d'échouer à la résolution d'un problème, pourquoi ne pas s'efforcer d'échouer complétement ? N'est-ce pas la manière la plus sûre de se débarrasser du problème pour de bon ? L'ultra solution est la solution qui se débarrasse non seulement du problème mais aussi de tout le reste. S'en contenter c'est réussir à échouer.
La crise de la biodiversité ne se pose pas comme une grande énigme à résoudre. Faire preuve de réalisme ou de concret ne passe pas par la formulation d'énoncés aussi généraux qu'abstraits. C'est la première voie qu'il m'a semblé utile d'écarter, celle de de la recherche de solutions générales, qui me semble désincarnée.