Citations de Vincent Munier (78)
L'homme déboula sur la Terre,
zigouilla les bêtes,
fissionna l'atome,
traficota le gène,
modifia les organismes,
acidifia les sols,
plastifia les mers
et barbouilla l'atmosphère.
Tout cela en si peu de temps : quel talent !
Puis il nomma "nuisibles" ceux qui ne participaient pas à l'entreprise.
Se tenir à l'affût, c'est accepter qu'il ne se passe rien.
Il fait froid, on respire mal, on se tait, on se camoufle, on s'annule,
on finira par oublier sa propre présence, vertu suprême.
LES FRUITS IMMOBILES
Se tenir à l'affût, c'est accepter qu'il ne se passe rien.
Il fait froid, on respire mal, on se tait, on se camoufle, on s'annule,
on finira par oublier sa propre présence, vertu suprême.
On attend l'animal et, contre le dogme du "tout, tout de suite",
il conviendra de préférer le "peut-être, jamais",
exercice douloureux pour un homme moderne!
En voyage, l'espace défile et les jours se succèdent avec leur lot d'imprévus.
A l'affût, c'est le temps qui imprime ses infimes nuances.
La lune se lève, un rapace trace sa boucle dans le ciel,
une colonne de poussière monte, un mammifère apparaîtra peut-être.
Rien n'est moins sûr.
Parfois, seul le silence s'offrira à notre patience.
La récompense se tiendra dans l'attente elle-même.
Quand on aime passionnément la vie, on n'exige pas qu'elle se montre.
Les bêtes sont "par delà le bien et le mal", elles vibrent dans la vérité du présent.
La morale a été inventée par l'homme qui avait quelque chose à se reprocher.
LE MONDE EST UN BUISSON PLEIN DE REGARDS CACHES
Les bêtes sont là, incorporées au paysage, accordées à son mystère.
Pendant des années, nous avons voyagé dans les immensités, ignorant leurs veilles.
Nous ne savions pas que des yeux nous voyaient.
Nous circulions scrutés, sans nous douter de rien.
Nous courions les montagnes sans connaître les bêtes.
Nos gestes étaient enregistrés par leurs patrouilles de vigies immémoriales.
Le sauvage, c'est ce qui vous regarde quand vous vous croyez seul.
Un jour nous nous calmâmes et dans les rochers restâmes à l'affût.
Par la contemplation, nous nous acquittions de notre indifférence.
L'Académie des sciences n'attribue pas aux bêtes l'art de méditer.
Pourtant, que savons-nous ?
Les animaux possèdent peut-être le sens du beau.
Et quand les gypaètes tiennent le surplace dans le ciel,
je ne peux m'empêcher de penser qu'ils sont au spectacle de l'or du soir qui tombe.
LE LOUP EST UN LOUP POUR L'OMBRE
Sa silhouette de mauvais garçon rode et court par-delà l'horizon.
Il a toujours l'air d'avoir fait un mauvais coup.
On ne le prend jamais sur le fait.
Rapide, il est libre. En mouvement, il est partout chez lui.
On croirait François Villon s'enfuyant sans le remords aux trousses.
Il court, il chasse, il tue, il chante : une belle vie, plein vent.
Sa nuit est une fête du sang et de la mort.
La cruauté est absente de ses chasses.
Le loup a lu Humain, trop humain de Friedrich Nietzsche :
"Et la vie au moins ce n'est pas la morale qui l'a inventée."
Les bêtes sont "par-delà le bien et le mal". Elles vibrent dans la vérité du présent.
La morale a été inventée par l'homme qui avait quelque chose à se reprocher.
Le yack est le totem de la vie avant l'homme.
À notre époque humaine, il n'offre rien d'utile.
Ce qu'il nous faut, à nous autres du XXI ° siècle,
ce ne sont pas des forteresses fulminantes
mais des pièces de viande pâturant en rangs et marchant à la file
vers les batteries de bouchers.
Que voulez-vous, l'humanité est devenue la clientèle de la nature.
Pensées écrites un jour d'affût
Où la panthère n'apparut pas
Car elle avait mieux à faire
Que de passer dans les regards
De quelques hommes impatients
D'apercevoir enfin son ombre :
- Comme elle semblait tomber du ciel et se fondre à La Terre, on l'appela "panthère des neiges".
- Au Tibet, la montagne a les yeux-léopards.
- Si Dieu a créé le monde, il a essuyé sa plume sur le buvard de la panthère.
- Il y a des ombres et des reflets. Sur la terre comme au ciel. Sur la panthère comme ailleurs.
- La patience est à l'affût ce que l'impatience est au voyage.
- Nous sommes à l'affût. Quelque chose se passe? Non! Mieux! Quelqu'un passe.
Il y a, d' un arbre à l'autre,
une distance
qui n'est pas celle qu'on voit,
qui est celle d'un arbre à un autre
- une distance d'arbre.
Dissimule ta vie recommanda Epicure
Aucun homme ne l'écouta
Quant aux bêtes, elles le savaient déjà.
UNE QUESTION DE SEMANTIQUE
L'homme déboula sur la Terre,
zigouilla les bêtes,
fissionna l'atome,
traficota le gène,
modifia les organismes,
acidifia les sols,
plastifia les mers
et barbouilla l'atmosphère.
Tout cela en si peu de temps : quel talent!
Puis il nomma "nuisibles" ceux qui ne participaient pas à l'entreprise.
Le monde ne mourra pas par manque de merveille mais uniquement par manque d'émerveillement.
Phrase de fin de l'émission Passe moi les jumelles - consacré au photographe : Vincent Munier , l'éternel émerveillé
Chat de Pallas : il dort et se réveille comme si son rêve l'avait électrocuté.
L'OEIL NE SAIT PAS CE QU'IL VOIT
Elle se tient là, couchée au pied de la falaise,
présente et invisible, discrètement dominatrice.
Sa robe est mouchetée d'voire et de poussière.
Taches de nacre, ombres d'obsidienne, larmes d'or.
Le ciel et la terre, le jour et la nuit sont fondus dans son pelage.
On braque la lunette sur son corps mais l'oeil met un moment à le discerner.
L'esprit tarde à accepter ce qu'il n'attendait pas.
Le regard peine à voir ce qu'il ne connaît pas.
Notre raison, soudain, comprend que la bête se tient là, postée de pleine face.
Le paysage, par une étrange illusion d'optique, semble se résorber tout entier dans son corps.
Ce n'est plus la panthère qui est camouflée dans le paysage,
mais le monde qui s'est incorporé à elle.
LE PRIX DU SANG
Le carnassier se livre à des fêtes sauvages.
Il connaît des festins de soleil et de sang.
Mais le prix à payer pour telles bacchanales,
C'est la vie solitaire et la course incessante.
« La nature est si cruelle », disent les humanistes (…). Ô certes, ils ont raison. Les panthères ont leurs crocs, les ours la puissance, le renard a sa ruse, les loup rôdent, increvables. Chacun cherche sa proie. Elles redoutent ou épient le moindre mouvement. Mais les bêtes agissent selon leur commandement et leur nécessité. L'instinct les détermine. Le gêne les conduit. Le réflexe les mène. Leur faim n'est pas la cruauté. Prélever sa part n'équivaut pas à étancher sa soif de pouvoir, sa volonté de puissance, et son goût de la violence. Cela, c'est l'apanage des hommes. Déçu de n'avoir hérité de la force à la loterie de l'évolution, l'homme s'est consolé en inventant la folie
L'homme déboula sur la Terre,
zigouilla les bêtes,
fissionna l'atome,
traficota le gène,
modifia les organismes,
acidifia les sols,
plastifia les mers
et barbouilla l'atmosphère
Tout cela en si peu de temps : quel talent !
Puis il nomma "nuisibles" ceux qui ne participaient pas à l'entreprise
"Dissimule ta vie", recommanda Epicure.
Aucun homme ne l'écouta.
Quant aux bêtes, elles le savaient déjà.
Je veux connaître la nature dans ses plus fortes expressions. Car devant sa grandeur, l'homme retrouve sa fragilité. Confronté à ces milieux, il doit faire preuve d'une profonde et sincère humilité. Celle-ci l'invite à observer, à ressentir, à s'émouvoir... aux oubliettes, l'envie de conquérir, de maîtriser ou de tirer profit. Ne rechercher rien d'autre que l'émerveillement : les icebergs sont les pyramides du froid ! Les géants de beauté.
Je ne viens pas en fanfaron, pressé d'ajouter une performance extrême à un quelconque palmarès. Je ne viens pas en suicidaire, pas même en donneur de leçon - encore que, il y aurait beaucoup de chose à dure cette banquise condamnée par notre société moderne, vorace et pathétiquement autodestructrice. Non, je viens en admirateur, en contemplatif. Je suis venu goûter au sentiment profond, serein, d'une infinie liberté.