Extrait du livre audio "Les tueurs de la République" de Vincent Nouzille lu par François Berland. Parution numérique le 21 juillet 2021.
https://www.audiolib.fr/livre/les-tueurs-de-la-republique-9791035406080/
C’était la panique au sommet du pouvoir et dans les services. Le mouvement des “gilets jaunes” se transformait chaque samedi en insurrection. Il fallait sauver la République. Nous avons donc ratissé large. (...) C’était l’enfer. Tous les services voulaient un feu vert dans la soirée de vendredi. La Commission n’avait pas forcément le temps de vérifier les motivations indiquées dans les centaines de demandes.
Quant à la justice, elle est totalement délaissée. Le pouvoir ne peut en même temps discuter avec les terroristes et aider ses juges à les incriminer : là réside la schizophrénie de l’État. Faute de renseignements et d’une coopération internationale fructueuse, les victimes de la tuerie de la rue des Rosiers doivent se contenter, durant plusieurs décennies, de simples soupçons et d’une enquête inaboutie.
En résumé, il y a trop de trous dans la raquette et trop de balles qui arrivent dessus.
Aujourd’hui, les risques proviennent autant des Shebab somaliens que des franchisés d’Al-Qaïda, des affidés de Daech que d’individus autoradicalisés agitant le drapeau noir ou même de fanatisés sans étiquette. Personne ne peut garantir que le terrorisme d’État, naguère utilisé à grande échelle par la Syrie, l’Iran, l’Irak ou la Libye, ne reviendra pas sur le devant de la scène.
Or, si le renseignement est bien la clé de la lutte antiterroriste, la justice en est la serrure, écrira-t-il. Il ne sera pas entendu.
Quand rien ne va plus, il ne faut surtout pas changer les vieilles habitudes. Après tout, l’orchestre continuait bien de jouer sur le Titanic en train de sombrer.
De retour à Matignon en mars 1986, il a été confronté à la vague d'attentats du printemps et de l'automne, commandités par les Iraniens. « Je n'oublierai jamais l'image, lors de l'attentat de la rue de Rennes en septembre 1986, de cette femme gisant sur le trottoir, les jambes sectionnées, la moitié du visage arrachée », écrira-t-il dans ses Mémoires. Au-delà de son émotion et de son aversion pour ces crimes aveugles, il ne s'intéresse guère au sujet. « Le terrorisme, ce n'était pas son truc, explique un ancien juge qui l'a bien connu. Les attentats l'ont impressionné, mais ils l'ont aussi tétanisé, car il ne cherchait ni à les comprendre, ni à anticiper le phénomène. »
Le point le plus controversé de la nouvelle loi concerne la surveillance d’Internet. Elle prévoit en effet la mise en place de « boîtes noires » chez les opérateurs de télécom et fournisseurs d’accès.
Alors que des otages français sont retenus au Liban par des groupes liés à l'Iran, Matie Seurat, l'épouse de l'un d'entre eux - dont la mort est annoncée au début de mars 1986 -, le dit publiquement : « Abou Nidal a fait chanter la France. La France a libéré deux de ses militants. Pourquoi, pour mon mari [...] et les autres, la Franc dit non ? C'est exactement la même chose. Elle peut ou elle ne peut pas négocier. Je ne sais pas. Elle l'a fait en tout cas pour Abou Nidal. » François Mitterrand est bien embarrassé pour lui répondre.
Doit-on traquer les terroristes ou négocier avec eux ? Faut-il les poursuivre pour que justice soit faite ou les amadouer pour éviter de nouveaux attentats ? Le dilemme est cruel.