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Citations de Vincent Ravalec (61)


J'avais une très grande empathie pour moi-même, et mon degré de sensibilité se situait dans la zone rouge du spectre de la super chochotte.
(page 125)
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p 386
[...] Ronald me pose une dernière question : Es-tu capable de voir les aspects magnifiques des détails du monde ? et je réfléchis un instant, curieux en fait de ce que la question implique, et je dis : Non, je ne crois pas et je revois encore une fois ma folie qui maintenant semble être une sorte de vieille enveloppe un peu pourrie qui achève de se consumer à l'extérieur de moi, et quand nous traversons le bois de Vincennes je vois le zoo et ses fausses excroissances rocheuses en béton et le lac et la pagode des Tibétains et les prostituées à l'ancienne dans leurs camionnettes et tout cela, cet assemblage, me semble l'évidence, la configuration logique du Tracé Parfait et quand je demande à Ronald Mais et ... je veux dire Dieu? C'est ... enfin, c'est ... et qu'il répond, gloussant, Dieu, mais enfin voyons évidemment qu'il n'existe pas, c'est une blague, toutes les voiture se mettent à klaxonner ensemble et les gens derrière leur pare-brise vocifèrent : un camion de déménagement bloque la bretelle d'accès au périphérique.
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"Il est démontré par l'expérience des siècles que, dans la condition d'agriculteur , l'homme conserve une âme plus simple, plus pure, plus belle et plus noble ....."
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"Nous sommes des aveugles et des sourds, à qui une partie seulement de cet océan infini qui nous entoure est accessible. Le sens commun n'est rien d'autre qu'une barrière qui nous empêche de saisir l'immensité du Mal."
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Quand je suis sorti, il faisait nuit, je suis remonté en voiture, une émission de radio a attiré mon attention.
- Ici Jackie, sur Fun Radio, la radio vraiment fun, en direct avec vous jusqu'à minuit. Allô, j'écoute, ici Jackie, tu es en direct sur Fun Radio, comment t'appelles-tu ?
- Seb, je m'appelle Seb, je téléphone parce que j'ai un problème avec Philomène.
- Ce n'est pas courant comme prénom, Philomène.
- Non, mais tout monde l'appelle Philo.
- Quel est ton problème, Seb ?
- Eh bien, c'est un peu dur à expliquer, on sort ensemble et...
- Depuis combien de temps ?
- Quatre mois, on est...
- Vous sortez ensemble vraiment, enfin je veux dire complètement ou juste...
- Non, pour de bon, mais justement c'est...
- Elle ne veut pas avoir de rapports sexuels ?
- Si, c'est... normalement elle veut bien mais je voulais essayer... par derrière, quoi, je veux dire, on avait envie d'essayer la sodomie mais...
- Elle refuse la sodomie ?
- Non, c'est plutôt que... on a du mal à y arriver.
- Comment vous est venue l'idée ?
- En fait on a loué une cassette vidéo un jour où ses parents n'étaient pas là et c'est là qu'on a eu l'idée.
- Quelle est ta demande, exactement ? C'est important qu'on formule bien ta demande pour qu'on puisse t'aider.
- C'est que... je voulais savoir si c'est normal à seize ans de pratiquer la sodomie ou si c'est...
- ... contre nature ?
- Oui, enfin je veux dire c'est... peut-être qu'on essaie de faire quelque chose de nul, quoi...
- Qu'est-ce qu'elle en pense, elle ?
- Je sais pas trop...
- Tu veux qu'on l'appelle ? Je rappelle aux auditeurs que nous sommes sur Fun Radio avec Jackie jusqu'à minuit et en ligne nous avons Seb qui a un problème avec Philo concernant la sodomie.
- Enfin, je veux dire au départ elle était d'accord, mais après non. C'est...
- Seb, je te laisse hors antenne le temps d'un flash de pub, pendant ce temps on l'appelle, d'acc ?
- Heu, d'acc...
Flash de pub. J'en étais baba. Il avait dit "seize ans", Eglantine [ma fille] en avait quatorze. Il me restait deux ans. Deux ans pour éviter Fun Radio.
Fin du flash de pub. De nouveau Jackie.
- Salut Philo, c'est Seb.
- Ça va ?
- Ouais, je t'appelle pour savoir ce que tu pensais de... enfin de ce qu'on essayait de faire l'autre jour, j'ai eu l'impression que tu avais un peu les boules.
- Ce qu'on a essayé de faire après le film ?
- Oui, t'avais les boules ou pas ?
- Oui.
- Tu crois qu'on n'aurait pas dû ?
- Je sais pas, c'est... j'ai eu peur d'avoir mal.
Seigneur, est-ce que j'étais en train de rêver ?
- Mais admettons que ça ne t'ait pas fait mal ? T'en aurais pensé quoi ?
- Je sais pas. [...] mais ça me gêne un peu d'en parler au téléphone.
Voix de Jackie, braillant soudain dans le micro :
- Philomène salut, tu es en direct sur Fun Radio, Seb nous a appelés concernant le problème que vous avez tous les deux.
- Quoi, je suis en direct sur...
- Fun Radio, eh oui Philomène, tu es en direct et c'est l'occasion pour toi de t'exprimer sur ce problème.
- C'est une blague ? Tu me fais une blague Seb ? Seb c'est une blague ?
La malheureuse en bredouillait. De nouveau Jackie.
- Eh non, Philomène, ce n'est pas une blague, tu es bien en direct sur Fun Radio, la radio des ados, avec Jackie.
Tut-tut-tut-tut-tut-tut. Elle avait raccroché.
(p. 23-25)
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EL CHAMANS KIFFOS LOS SCHTROUMPFOS
Pour ceux qui n'auraient pas lu "Le serpent cosmique" de Jeremy Narby, l'ayahuesca est un boisson préparée à partir de deux végétaux, une liane et un arbuste, dont l'absorption provoque un état de conscience (très) modifiée. Elle est utilisée depuis des millénaires par les Indiens dans tout le bassin amazonien. Les scientifiques, au début du XXe siècle, l'ont surnommée la télépathine pour ses capacités médiumnique. Burroughs et Ginsberg l'ont expérimentée et ont parlé dans "Les Lettre du Yage".
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Il faisait beau, c'était la fin de l'année- de l'année scolaire s'entend- quand ma femme m'informa que ma fille- notre fille- venait d'avoir ses règles. Cette confidence- je ne devais en aucun cas y faire allusion- sonna comme le glas d'une époque désormais révolue, celle-là même où une tendre enfant, émue par l'infinie gentillesse de son père, lui chantait à chaque occasion: "Mon beau papa, roi des papas."
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« Mais c’est pas vrai, putain ! Ils ont crucifié quelqu’un ! C’est quoi l’idée, plus c’est des ordures, plus on leur fait des bisous ! »
Comme il lui était difficile de répondre, aussi bien parce qu’il n’y avait pas grand-chose à dire, que parce que son propre cas s’inscrivait de façon si précise dans ce reproche que la moindre parole eut été malheureuse, elle se contenta de hocher la tête, dans une cadence qui venait épouser les circonvolutions de la route, en pensant à cette croix que les humains portaient, et qui, même lorsqu’ elle semblait s’alléger, se rappelait à eux sans espoir jamais de rédemption.
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Je pense que tout le monde devait se la donner un peu que j'étais une sorte d'Al Capone, et ce qui avait achevé d'asseoir cette petite réputation c'est quand Patricia était rentrée avec moi, au moment de monter en voiture j'avais sifflé et un clochard en haillons s'était précipité, c'était un Surveilleur, et m'avait tendu les clefs, comment ça va patron ? Patricia était sciée, mais tu les connais, mince c'est dingue, c'est comme dans un film, on voit le chef des mendiants, il dirige toute la ville mais personne ne le sait.
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Peut-être qu'il y en a qui vous aiment par amour, à se picoler de l'eau fraîche comme des petites folles et ça leur suffit, qui s'en foutent que vous ayez de la thune, mais je n'y croyais pas trop. Ou alors c'étaient des boudins. Marie-Pierre, des mecs elle n'avait qu'à se baisser pour en ramasser
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" Il m'a contemplée longuement, l'air tout triste.
- Je vous respecte, Joséphine, il a fait comme ça, je vous respecte en tant qu'individu, je vous respecte pour votre travail. Joséphine, je ne suis plus un enfant; moi aussi j'ai le droit au respect!
Il me prenait de court, je ne savais pas quoi répondre.
- Nous, les gitans, nous ne demandons pas la charité, il a poursuivi, nous demandons la justice.
Il est parti tout crispé, je ne savais vraiment pas ce que j'avais pu dire de si terrible; derrière moi une voix a fait son come-back.
- C'est le problème avec les non-professionnels, ils ne connaissent pas le business."

p 9
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Tu veux pas qu'on aille à la plage avant de partir a proposé Marie-Pierre, j'adore quand c'est la tempête, juste devant la voiture je l'ai embrassée, un vrai baiser comme au cinéma, et des enfants en passant ont dot hou la menteuse, elle est amoureuse, et elle a rigolé, tiens, je me demande comment vous avez deviné, à ce moment si j'avais eu à choisir entre ma réserve de thunes et elle je n'aurais pas hésité une seconde.
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Moi et P.P.D.A., ruisselant d'une saine sueur, dans les vestiaires d'un club chic et discutant de l'opportunité de donner un petit coup de main au 20 heures à cette jeune et si sympathique formation politique, Les Chiens Galeux.
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" Dans l'existence du réalisateur de publicité, le long métrage occupe une place particulière. C'est le but chéri, l'aboutissement d'années d'efforts représentant la certitude d'accéder enfin au statut de vrai cinéaste et d'artiste insoupçonnable. La pub, ouais, tu sais c'était avant tout alimentaire, ce qui compte pour moi, c'est mon long."

p 21
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(Les premières pages du livre)
Avertissement
Les personnages, comme les situations, qui animent et traversent ce livre ne sont évidemment qu’un produit de l’imagination débordante de l’auteur. Toutes ressemblances avec des éléments de la vraie vie ne sauraient être que le fruit d’une époustouflante coïncidence. Qu’on se le dise !

Préambule
J’ai commencé à écrire ce livre à l’automne 2019. J’y pensais depuis un moment. Le lent déclin de l’été, le doux rougeoiement des feuillages, annonçant l’hiver, me semblait un déclencheur propice à cette salutaire réflexion sur ma propre finitude. Je n’avais pas anticipé que, quelques mois plus tard, nous basculerions dans une nouvelle séquence des hostilités, rendant à la fois mon projet un peu caduc – qui pouvait se soucier du sort d’un pauvre vieux, d’autant plus qu’il s’agissait de moi, alors que le monde était frappé d’une terrible pandémie ? –, mais paradoxalement lui donnant aussi de nouvelles opportunités. En effet, comme j’ai mis plus de temps à l’écrire, je suis devenu encore plus vieux, et le monde s’étant révélé encore plus hostile – une guerre est même survenue – il a été encore plus délicat de survivre. En toute logique, si on se plaçait d’un point de vue purement scénaristique, cela n’a pu qu’en booster les enjeux, et donc, je l’espère, l’implacable intensité littéraire.

SAISON 1
VIEILLIR !
Je me rappelle très bien comment j’avais vendu ce livre à mon éditrice. En lui énonçant le titre. Lorsque vous vendiez un projet – car aujourd’hui il fallait vendre les projets, c’était une condition sine qua non pour qu’ils existent, les intégrer sitôt leur conception dans le flux de l’économie, en les plaçant sur une gondole virtuelle où ils pourraient peut-être avoir une chance de voguer, vaillants et conquérants, sur les flots tumultueux de ce qui était devenu le seul étalon viable : leur valeur marchande potentielle –, lorsque vous en étiez à ce moment décisif, celui d’un coït possible (ou d’un pschit), l’on distinguait dans la seconde si le poisson mordait ou pas. Si une lueur d’intérêt traversait fugacement les prunelles de votre interlocuteur. Pour un livre, un film, un scénario, c’était pareil. Les gens étaient submergés – en tout cas ceux de l’écosystème à qui j’avais la possibilité de m’adresser –, constamment sollicités. Par des auteurs, des scénaristes, des réalisateurs. Alors qu’eux-mêmes couraient après des financements, devaient justifier des bilans, dans un monde où rien n’était tout à fait certain, à commencer par leur propre place dans la sarabande qui animait le bazar – le game selon la terminologie plutôt juste du moment. Ce n’était donc pas chose facile que de « vendre des projets », en tout cas des « projets persos ». Cela demandait souvent astuce et pugnacité. Il était rare que, toc, du premier coup, on vous dise banco, tope là ! Mais c’est ce qu’il s’était passé. Je n’avais même pas fini ma phrase, vieux et monde hostile et survivre, qui avait résonné dans la salle du fond du Select – celle où mon éditrice avait l’habitude de me donner rendez-vous –, que c’était dans la boîte. Les vieux étaient la nouvelle donne, que personne n’avait tout à fait bien prévue. On n’était plus jeune. On était vieux. Rien d’anormal à cela, c’était dans l’ordre des choses. Oui, sauf que là, nous étions face à un mouvement collectif. Car « on », c’était tout le monde. Nous étions passés, nous les Occidentaux, d’un monde de jeunes à un monde de vieux. Une femme de plus de dix-huit ans sur deux en avait plus de cinquante. Et ce n’était que le début. On prévoyait un pic dans les années à venir. Un truc monstrueux. La citadelle occidentale transformée en maison de retraite. Les vieux étaient une déferlante. C’était épouvantable. Mais économiquement pas dénué d’intérêt. En tout cas dans le secteur de l’édition. Pourquoi ? Parce que les vieux venaient de l’Ancien Monde. Celui où cela paraissait normal de payer pour un bien culturel. Ce qui n’était pas le cas des jeunes. De plus, les vieux lisaient. Ce qui n’était pas non plus le cas des jeunes. Et les vieux, laborieux, retraités, économes, avaient les moyens d’acheter des livres. Ce qui, là encore, n’était pas le cas des jeunes. Qui de toute façon ne voyaient pas du tout, même quand on leur expliquait, et qu’on leur donnait de l’argent pour cela, pour quelle raison il aurait fallu payer pour un bien qu’en deux clics on pouvait obtenir gratis via Internet. Donc un journal intime, sur un ton drôle, « Si, vraiment poilant je te jure, ah, ah, hyper fun, enfin avec mon humour, tu vois ! », cochait pas mal de cases.
– Et le côté « monde hostile » et « survie », tu le traites comment ?
– Drôle, si, drôle bien sûr, mais aussi âpre. Je veux dire, journal intime de moi dans jungle urbaine, survival écrivain vieillissant.
– Avec une résonance sociale ?
– Peut-être pas à ce point. Mais si, oui, résonance sociale. Enfin, je veux dire, résonance sociale dans laquelle tout le monde se reconnaît. Vieillir, c’est universel.

Il n’y avait pas tromperie sur la marchandise. Je savais exactement comment le livre allait démarrer. J’avais déjà commencé à l’écrire. C’était un sujet grave. Le genre de sujet qui vous prenait aux tripes et qui nécessitait un livre. Un livre urgent. Un livre important. Un livre qui était comme un torrent de lave. Un livre que je DEVAIS écrire. C’était un cri. Voilà. Le cri d’un pauvre vieux. Ça démarrait de cette façon. Sans fioritures. Sans rien cacher de la sinistre vérité. De la hideuse vérité.
Un jour j’étais devenu vieux… Ce n’était pas arrivé soudainement, comme si j’étais passé d’un temps à un autre temps. D’un état à un autre état. Non. Je ne m’étais pas éveillé un matin, hurlant de saisissement, me disant : « Purée, je suis vieux, quelle horreur ! » Cela s’était passé comme cela se passe. J’avais d’abord réalisé que j’allais vieillir. Puis que j’étais en train de vieillir. Puis, comme cela perdurait, que selon toute probabilité, j’allais devenir vieux pour de bon, j’avais fini par me dire qu’il allait être nécessaire de me faire à cette idée. Ne serait-ce que parce qu’elle paraissait inéluctable. Jeune, tu avais été. Vieux, tu deviendras.
Ce n’était pas enthousiasmant, alors que cela aurait pu l’être. Tranquille et sage vieillard, aux cheveux blancs, plein de bonté, de douceur et de philosophie – mais ça, c’était de la flûte, j’y croyais de moins en moins. Juste un bullshit de plus.
Je n’avais jamais pensé vieillir. Je n’avais pas envisagé cette éventualité. Elle ne me correspondait pas. Je n’étais pas fait pour ça. J’avais une conception de l’être basique, pour lequel il existait deux statuts viables. Vivre. Ou être mort. Les autres états, comme malade, et maintenant vieux, ne me semblaient pas concevables. Enfant m’avait gêné. Le manque d’indépendance, d’autonomie. Devoir supporter la sidérante crétinerie de la majorité des adultes. Tout cela me laissait le souvenir déplaisant d’un carcan sans grand intérêt. Si l’on avait la chance d’être en vie, n’était-ce pas pour expérimenter, réfléchir, trouver ? Et comment le faire en étant constamment surveillé, brimé, stoppé dans ses élans ? La condition enfantine ne me laissait pas de souvenirs sympathiques. Mais au moins pouvait-on ronger son frein, guetter le moment où il serait possible de s’affranchir du joug pesant de la dépendance parentale, et à la première occasion, se confronter à la life de ses propres ailes – d’ailleurs, pour ma première fugue, n’avais-je pas dix ans ?
Vieux, c’était craignos. On n’avait plus « la vie devant soi ». C’était même l’inverse. Je détestais les vieux. Et j’allais en devenir un. C’était déconcertant.
Le premier signe – oh my God, avais-je ce soir-là mesuré réellement ce qui m’attendait ? – avait été l’infarctus dont j’avais été victime.
Cela avait été la charnière. Je m’en rendais compte rétrospectivement (et il était important de pointer dans mes confidences les grandes étapes de la prise de conscience, les réflexions qui en avaient découlé, et les solutions qui m’étaient apparues, de façon à faire de ce journal intime, en plus d’un roman en prise sur la réalité, un guide, comme je l’avais implicitement promis à mon éditrice, plein d’enseignements, de solutions pertinentes).
Un vrai futur vieillard éclairé apportant à d’autres futurs vieillards lumière et réconfort, c’était ça la baseline – et le ticket garanti pour le carton éditorial. Quelque chose de simple à pitcher, que l’attachée de presse pouvait comprendre sans explication de texte.
– Tu vois, c’était vachement important pour moi que tous ceux qui sont dans le même cas – c’est-à-dire des millions d’acheteurs de livres potentiels – puissent trouver dedans un récit cohérent !
– Mais tu as vraiment fait un infarctus ?
En vérité, non, cela n’avait pas été tout à fait un infarctus, mais à ce moment-là, comme j’étais encore hypocondriaque – jusqu’à moins de cinquante-cinq ans on peut se permettre d’être hypocondriaque, c’est même assez tonifiant : « Vrai ? Vous êtes sûr ? Je ne vais pas mourir ? Ce grain de beauté n’est pas un cancer naissant ? Ma migraine n’est pas un début d’AVC ? Je ne suis pas en train de mourir ? Wouah, super nouvelle, ça me file la patate pour la matinée ! » –, j’avais cru que c’était un infarctus. En fait, non, ce n’était pas un « accident cardiaque ». Mais c’était la période où, pour rester en bonne santé, j’avais décidé de me soucier de mes abdos et pectoraux. Je m’étais mis « à la muscu comme un ouf » (ce qui était d’ailleurs, maintenant que j’y pense, un signe patent : quand vous vous mettez à faire du sport, pas pour le fun, mais parce que dans un arrière-coin de votre cerveau klaxonne comme une nécessité d’éviter la lente transformation de vos muscles en un truc graisseux et flasque, c’est que vous êtes sans nul doute en pré-pré-vieillesse, c’est-à-dire pas encore la cata, mais le début de l’alerte orange – muscu pour les garçons, Pilates ou yoga pour les filles).

Quand l’« accident cardiaque » était survenu, j’é
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«Le chef gendarme y va de son laïus. Ils ont toutes les raisons de penser qu’il est arrivé quelque chose au fils de la femme ici présente et il précise qu’il serait dans l’intérêt de tous de collaborer. Aucune réponse. Silence de mort. Le jour se lève. Les yeux de la femme s’agrandissent d’horreur, ceux de Serge et de Marie-Hélène de stupeur.

Dans le jardin, flottant sur des lambeaux de brouillard, scène d’épouvante, un homme est crucifié. On voit qu’il est encore vivant.»
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De nouveau on en revenait à la même explication. Des cinglés qui pensaient qu'ils allaient réécrire l'histoire en zigouillant des pauvresses. Serge ne s'en offusque pas. Il a intégré le paramètre. Cela ne le choque plus. Il est dépucelé. Marie-Hélène aussi. Certaines personnes vivaient en bordure du monde. Sur des concepts, des façons de voir, qui étaient de la pure folie. Un monde invisible, de la sorcellerie, des lignes de code et des meurtres. Des gens dont certains pensaient pouvoir devenir Empereur d'Occident. Qui poursuivaient une guerre démente entamée il y a des siècles (et peut-être sur d'autres planètes, dans d'autres galaxies). A vrai dire, il s'en fiche. Cela n'a pas vraiment d'importance. Tout ce qu'il voit, c'est que ce n'est pas bien. Aussi simple que ça. Et tout Serge qu'il est, avec ses défauts, son racisme primaire, sa psychologie de chien de chasse, cela finissait par forcer son respect. Le Diable était devant eux - pas un délinquant lambda, un petit trafiquant, non Satan lui-même - et Serge sortait son insigne et lui disait : "Eh, gros, je crois que ça ne va pas être possible. " Finalement, c'était précieux.
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"
- Pourquoi l'Afrique du Sud, j'avais demandé un peu naïvement, c'est à cause des paysages?
En fait pas du tout, c'était un problème de coût. La production était basée à Levallois, mais pour tourner un petit spot de quinze secondes, censé représenter une famille française dans le Bocage normand, il était préférable de faire le tour du monde.
C'était moins cher."

p 47
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« On pourrait croire que lorsqu’il s’agit de ramasser de l’oseille il y a bousculade au portillon, de gens fiables et très sérieux, mais en réalité c’est tout l’inverse, ce qui d’ailleurs explique en grande partie la crise, le chômage, et toutes ces salades comme quoi le système est au bord du drame et que bientôt c’est aux bidonvilles du Caire que les Champs-Elysées vont ressembler. La vérité certaine est qu’une majorité de feignants nous entourent. Ce que je demandais avait beau ne pas être le bout du monde, un peu de cash, un partenaire avec une camionnette pour le voyage, c’était toute une histoire pour dégoter l’oiseau. – Tu sais, m’a fait remarquer Saïd à qui j’exposais mes griefs, c’est pas facile, tu recherches un voleur qui soit travailleur, ils sont pas si nombreux. Evidemment. »
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Des fragments de la Recherche revenaient à intervalles réguliers me traverser l'esprit et, ajoutant à la fièvre et à la fatigue qui était la mienne aujourd'hui, donnaient à me perception des choses un tour empreint à la fois de la grâce même de l'auteur (où il me semblait que Combray et Méseglise n'étaient peut-être pas, en définitive, si éloignés de nous) mais aussi, d'un sentiment de moiteur et d'irréalité, et ces deux sensations, en se mélangeant, produisaient cet effet curieux qu'un pan entier du monde, un pan dont j'aurais jusqu'alors ignoré l'existence, s'ouvrait à moi tout en me demeurant malheureusement inaccessible.
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