Oh oui, qu'elle est mélancolique cette rêverie qui me ramène au temps de l'insouciance. Peut-être même un peu nostalgique. Je voudrais bien pourtant faire en sorte que ce pays évolue, que mon domaine puisse prospérer dans le meilleur des mondes, fût-il nouveau, mais Vladimir, une espèce de langueur m'entrave qui me rend inerte.
Mon père n’étale jamais ses états d’âme. Fidèle sans doute au rôle qu’il aura tenu, encore jeune, en tant que substitut de son père décédé et, après de sa mère, représentant de l’autorité pour ses frères et ses sœurs. Papounet incarnait donc l’homme sociable et respectable, soit l’image du père traditionnel. Enfin peut-être que l’immigré italien avait dû mettre les bouchées doubles quand il avait été question d’intégration. Cependant, alors que je l’avais longtemps assimilé à une figure stable, solide et apaisée, voilà maintenant qu’elle se tordait.
Il y a donc la grimace de la honte. Il y a la grimace de la moquerie. Celles de la colère et de la douleur. La grimace de la honte de soi quand la façade ne contient plus les tourments intérieurs. Il y a ceux qui la portent en eux, qui l’ont gardée. C’est ainsi que la grimace s’est imprimée sur leur corps, sur leur visage, et ils en la renient pas comme s’ils voulaient ne pas faire oublier que l’être humain, malgré toute tentative, ne peut s’en défaire. Certains réussissent si bien à la contenir, mais moi, je suis de ceux qui font la grimace !
Si mes souvenirs de ce temps-là sont si incertains, c’est parce que j’étais alors trop occupé à faire face à la Grimace.
Vous ne prenez jamais d'initiative, c'est désespérant ! Il faut entreprendre !
Les êtres humains mettent un masque pour cacher leur visage. Mais ils ont déjà celui de leur visage pour dissimuler leur grimace intérieure.
Tactique – Le 8 est une technique de jeu ayant pour but de déstabiliser la défense adverse en y semant la panique par une attaque où les joueurs change de position lors d’un mouvement collectif dessinant la forme d’un huit où, arrivés dans l’axe, les deux attaquants qui se croisent en s’échangeant la balle attendent une béance dans la défense pour procéder à un tir opportun.

Je monte la garde. C’est dimanche après-midi. Une fin d’après-midi d’automne. Une sacoche récupérée sur le flanc, sur la tête une vieille casquette, et un vieux tube d’aspirateur en main : c’est mon équipement d’opérette, celui d’un spectacle ou je campe la sentinelle-polichinelle aux avant-postes de ma ligne de front imaginaire. Je regarde vers le bois de peupliers. Je surveille la crête et la rue de Nancy où habitent ma zia Cicilia et le zio Peppine. Des vergers et des cabanes de tôle, parmi des potagers livrés à l’inexorable morte-saison, se préparent à l’exil mélancolique. Tout est en train de pourrir dans les jardins en contrebas. C’est l’année qui s’approche de ‘hiver. Les feuilles tombées déjà, les voilà qui se muent en matière puante et grise. Tout est gris, brun et sale. Quelle désolation que celle exprimée par un champ de choux moribonds ! Tout renaîtra au printemps, mais c’est si long de l’attendre et, pour l’instant, le ciel, la terre pourrissent sans rémission. Le bois lui-même est un sale bois. Pas un beau bois de vieux arbres séculaires abritant un sous-bois de plantes accueillantes et odorantes, mais un sale bois de peupliers plantés là pour éponger des eaux marécageuses et des ruisseaux d’égouts, au milieu d’une jungle hostile d’orties qui se décomposent maladivement. Il y a aussi l’odeur de la rouille des carcasses usées déversées depuis la route, liée aux effluves intermittentes et métalliques provenant des usines un peu plus bas.
Moujiks, vous êtes fondamentalement habitués à l'adversité et à la souffrance. Votre pensée est ancrée dans vos traditions. Aveugles, vous ne songez pas à un destin qui pourrait être différent, meilleur ! La peur d'un brusque réveil vous maintient dans une pensée préhistorique, obsolètes, où les hommes de cette terre ne sont pas égaux. Moujiks, il est plus facile de rester dociles que de vous réveiller de votre torpeur !
Il y a en moi cependant un désir de changement. Je ne saurais dire quelles sont ses racines. Des forces intérieures agissent-elles en moi ? Ou sont-elles celles de notre époque qui souffle un vent de modernité ? Je vieillis, mais pourtant je ressens un besoin irrépressible de modernité. Ce n'est pas que je veuille être moderne absolument, mais être vivant, c'est ressentir ce besoin non ?