Talents Cultura BD 2020 : Dans les forêts de Sibérie de Virgile Dureuil
J'ai quitté le caveau des villes et vécu six mois dans l'église des taïgas.
Après notre voyage sur le chemin de la retraite française, lorsque je me trouvais sur des falaises trop raides, en des bivouacs trop froids, j'ai souvent pensé à ces bougres rampant sur la route de glace, emmitouflés dans leurs haillons, nourris de tripe faisandée, et j'ai ravalé la glaire des grognements qui me venait aux lèvres.
Les trente glorieuses avaient servi à cela : nous aménager des paradis familiers, des bonheurs domestiques, des jouissances privées.
Par grand froid, on ne peut empêcher la pensée de cingler vers le souvenir des chairs chaudes.
Si la nature pense, les paysages sont l'expression de ses idées.
Nous avions tendu un fil terrestre de Moscou jusqu'en cette cour. J'avais l'impression de me réveiller d'un songe long de 4 000 kilomètres.
Je traîne derrière moi un nuage de taons. Je remarque que le taon abandonne la poursuite au-delà d’une vitesse de 12,5 km à l’heure. Je suis heureux de livrer gracieusement cette observation à toute académie des sciences qui serait intéressée par le sujet.
La pluie a été inventée pour que l'homme se sente heureux sous un toit.
J'ai découvert qu'habiter le silence était une jouvence.
Cet été-là, nous frôlions chaque jour des icebergs plaintifs. Ils passaient tristes et seuls, surgissant du brouillard, glaçons dans le whisky du soir.