Qui succèdera à Hernán Díaz pour Au loin (Delcourt, 2018), Virginia Reeves pour Un travail comme un autre (Stock, 2016), Nickolas Butler pour Retour à Little Wing (Autrement, 2014) et Chad Harbach pour L'Art du jeu (JC Lattès, 2012) ?
Partenaires de longue date, le Festival AMERICA et le magazine PAGE des libraires distinguent depuis 2012 le premier roman d'un auteur d'Amérique du Nord publié lors de la rentrée littéraire d'août-septembre. Les 130 libraires et bibliothécaires qui composent le jury sont appelés à voter en ligne pour désigner le lauréat parmi une sélection d'ouvrages d'auteurs invités au Festival.
Leila Mottley, Brandon Taylor et Bryan Washington
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J'ai vu beaucoup d'hommes cacher qu'ils étaient analphabètes. La mémoire peut permettre de faire illusion.Les gens sont capables de repérer la physionomie d'un mot même si les lettres n'ont aucun sens pour eux,comme Gerald avec ses premiers livres.Au début, il récitait par coeur les mots que sa mère lui avait lus.Il les associait aux images.Il ne lisait pas.Il avait tout mémorisé .Certains n'ont jamais dépassé ce stade,et par la suite,ils trouvent des moyens pour que d'autres effectuent le travail à leur place,comme Taylor.Il peut envoyer quelqu'un à la bibliothèque chercher des informations pour lui,du moment qu'il persuade les autres qu'il n'a pas le temps de s'en charger lui -même .
Tasser, pelleter, planter. Le travail se mesure en temps autant qu'en salaire. je ne sais pas très bien combien il faut courir d'heures pour égaler le prix de la main d'un homme, de son poignet, de son avant-bras, de son coude. Combien de livres à ranger en échange d'un doigt? Combien il faut remplir de seaux de lait? Combien d'épouses et d'enfants?
Je ne sais toujours pas précisément combien je dois.
Je comprends enfin pourquoi il trouvait tant de réconfort dans ces veine de charbon. Elles étaient tangibles, de même que les chariots, et les mules, et les hommes. On pouvait les toucher, les déplacer, pas comme ce courant qui se déploie dans les câbles et que j'admire tant. Son charbon était pareil au maïs dans les champs, aux vaches à l'étable, aux chiens dans le chenil : des choses concrètes qu'on peut sentir avec ses mains, voir avec ses yeux, humer, entendre, goûter. Il y a de la satisfaction dans cette matérialité.
J'aimerais pouvoir lui dire que je comprends.
On est en 1925, ça devrait signifier quelque chose, ce quart du siècle déjà passé. Il y a plus de trois ans que je suis ici, et ça aussi, ça devrait signifier quelque chose. Je viens d’avoir trente-trois ans, et ma vie se divise en deux, les années à Kilby, et celles d’avant Kilby. J’espère qu’il y en aura d’autres après, mais je préfère ne pas trop y croire. Quand l’espoir est déçu, c’est encore plus dur.
Je pense à mon père, qui nous a toujours dit qu'on n'était pas des paysans. Qu'on possédait une maison respectable avec du terrain. Mon père établissait une distinction très claire. "Ce n'est pas une ferme. On a une maison respectable sur un bout de terrain."
Tout est trop grand, trop majestueux, trop sauvage, trop désert. Ce paysage ne veut pas de nous.
Tu ne verras jamais une lampe branchée par un fil ici, dans cette boutique [...] Le feu doit être libre, dans un endroit où on peut le surveiller. Pas enfermé dans des câbles.
Le Montana se complait dans la monotonie des mois d'hiver avec différentes nuances de noir et blanc, et en général, le printemps débarque par surprise - une surprise que nul ne voit venir.
« On naît avec quelque chose dans les veines, pour mon père, c’était le charbon, pour Marie, c’est la ferme, pour moi, un puissant courant électrique. » (p. 67)
Une pile de livres, voilà le seul fondement dont un homme a besoin.