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Critiques de Vladislav Otrochenko (3)
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Mes treize oncles : Légendes pour un album de..

A « La Voix de la Russie » Vladislav Otrochenko, descendants d’une lignée de cosaques, explique à propos de ce livre qui porte comme sous titre « Légendes pour un album de photographies » :

« Je ne sais presque rien de l’histoire de ma famille à moi contrairement à la plupart des Italiens ou des Français. Leurs pays n’ont pas connu les cataclysmes sociaux qui auraient abouti à rompre totalement avec le passé. Et lorsque j’écrivais ce roman, j’avais devant moi ces photos qui étaient comme des petites îles. Et je ne savais pas ce qu’il y avait autour de ces petites îles. Et j’ai donc compensé tout cela par mon imaginaire. J’essayais de créer à partir de ces île minuscules qu’étaient les photos, le « continent » de l’histoire de ma famille ».



C’est donc à partir de photos éparses qu’il bâtit la légende de ceux qui pourraient être ses treize oncles, les treize frères Malakhovitch tous pourvu d’imposants favoris, fils de Annouchka et Malakh « l’immortel », qualifié par Sémion de soliveau stupide et décati, qui est retrouvé dans un placard d’une pièce de la maison où ils vivent, un véritable labyrinthe qui s’est développé au gré du temps, en direction des quatre points cardinaux. L’oncle Sémion fait exception, il a été conçu, alors que Malakh guerroyait, avec un grec de passage.



« Quand l'oncle Sémion se brûla accidentellement les favoris, il décréta le deuil dans la maison, fit voiler tous les miroirs de percaline noire et mit son costume noir à col de satin, qui puait la naphtaline à tel point que tous les moustiques et toutes les mouches de la maison s'enfuirent à tire d'ailes.

Le soir, il envoya à tous ses frères des télégrammes identiques :



VIENS TOUT DE SUITE, FISTON. LE FEU DE L'ENFER A DÉVORÉ MES FAVORIS. SÉMION MALAKHOVITCH.



Ce n'était pas le plus âgé des oncles, et ses favoris n'étaient pas les plus imposants - ceux de l'aîné, Porphyre Malakhovitch, lui tombaient aux épaules, et lui-même était si énorme qu'il avait du mal à passer certaines portes… » p 11



Ce conte burlesque et poétique entraîne le lecteur qui le veut bien, dans une gigue endiablée où l’auteur laisse libre cours à son imagination pour se bâtir une histoire familiale à sa démesure à partir des photos prises par trois « luminoscribes » (photographes). Parfois on fait appel à Kikiani le très lent ou à deux français beaucoup plus rapides « gais, pleins de faconde ».



« Les préparatifs de l’opération magique accomplie par le mécanisme caché dans l’appareil Freiland était assez longs. Visiblement, Kikiani prenait un plaisir particulier à faire durer ces minutes, éprouvantes pour ses dociles modèles et enivrantes pour lui-même, où il avait encore le pouvoir de transformer certaines choses déjà ombrée d’éternité, d’introduire à sa fantaisie quelques changements, certes négligeables mais délicieusement arbitraires, dans le tableau unique, inébranlable, entièrement prédestiné au seul instant indestructible où le temps capturé par surprise ne bougerait plus au-delà d’une certaine ligne mystérieuse. » p 51



Otrochenko sait raconter. Il est un peu comme un bonimenteur de foire, il sait tenir en haleine le lecteur qui, se trouvant aspiré dans un véritable maelström, ne peut plus se dégager et, arrivé à la fin, souhaite y replonger.



J’ai pensé, en lisant ce texte, au tableau du peintre russe Ilya Répine « Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie » Les trognes réjouies de ces cosaques, riant du texte qu’ils sont en train de dicter, correspond bien aux treize oncles. Je mets le texte de la réponse au sultan dans les citations ainsi que le poème d’Apollinaire qui en est né, les deux proches de l’esprit rabelaisien et farceur des « Treize oncles » d’Otrochenko.

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Apologie du mensonge gratuit

Voici un ouvrage difficilement classable, sorte de compilation d'essais biographiques romancés. Ceux-ci semblent composés selon la méthode paranoïa-critique, car Vladislav Otrochenko lance des hypothèses extravagantes sur la vie des grands auteurs, mais non sans une argumentation bien documentée et convaincante. Et si Ovide avait menti sur son exil dans le Pont ? Et si Catulle n'avait jamais vraiment aimé Lesbie ? Et si les circonvolutions de la pensée nietzschéenne n'étaient autres que le reflet des rues labyrinthiques de Venise ? Et si, et si...



La volonté d'Otrochenko (désireuse de faire la lumière sur ces mystères littéraires) se mue en représentation de la Volonté de la nature, désireuse de se connaître à travers les oeuvres de Schopenhauer, du Mahabharata, et de tant d'autres jalons de la littérature, réinterprétés ici pour offrir d'autres aspects du grand livre qui contiendrait tous les livres, l'Avyakta Parva en sanscrit « le Livre non manifesté, le seul Livre achevé et parfait que les vivants ne connaissent que partiellement, par fragments épars ». Ce livre métaphysique, le lecteur pourra lui-même en imaginer des fragments possibles, grâce à la paranoïa que le présent livre fera grandir en lui.



On ne peut plus faire confiance aux auteurs, même pas à Otrochenko qui nous avertit à leur sujet, peut-être à tort. Auteur rime avec menteur. Mais le mensonge, n'est-il pas l'espace qui permet à la littérature d'exister, pour exprimer sa vérité ?



L'espace... une notion particulièrement importante chez les auteurs russes, source ambivalente de désir d'évasion (chez Pouchkine) et de crainte de la mort (chez Tiouttchev), quand ce n'est pas un mélange des deux (chez Gogol). Ce sujet fait ironiquement écho à une autre de mes lectures de chez Verdier Slava : Krzyzanowski et sa "superficine" permettant d'agrandir démesurément l'espace.



Le cas Gogol fascine particulièrement l'auteur : insatiable buveur d'espace (très porté sur l'Italie, comme Nietzsche... et Otrochenko), méfiant à l'égard de la vérité des hommes pour lui préférer la Vérité céleste dont lui parvient directement l'inspiration de ses Âmes mortes (tel un aède platonicien), la figure du célèbre auteur russe se voit octroyer tout une section intitulée « Gogoliades ». Ce cycle des Gogoliades met en avant le thème de dédoublement : inspiration et page blanche, mouvement et immobilité, pays fantasmé et pays honni, vérité et mensonge, nez et manteau, Gogol et Gogol... au point que je me demande si Otrochenko ne se laisse pas prendre au thème principal de son livre et n'abandonne pas les hypothèses pour glisser consciemment dans la pure fiction gratuite. Aurait-il osé ?



Je l'espère bien !
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Détours de Babel

Dans Détours de Babel, dont les éditions Interférences font un beau livre objet, Vladislav Otrochenko oscille « entre réalité improbable et inventions véridiques d’une façon qui n’est pas sans rappeler Borges » dans trois séries de textes courts, présentant tour à tour des langues inouïes parlées par des peuples imaginaires après la chute de Babel et nous initiant ainsi au fantastique linguistique, puis mettant en scène une galerie de portraits de « gens qui ne sont pas de ce monde, des bienheureux, des ravis » autour du Don, fleuve dont les méandres séparent l’Europe de l’Asie. Enfin, dans les hilarants « Récits sur Catulle » – sur les bases d’une « érudition vaste et solide », certifie la traductrice – la malle aux malices grande ouverte nous réserve plus d’une surprise, replaçant de plain pied dans leur époque des poèmes érotiques très lestes de Catulle, dont le facétieux auteur, spécialiste du contexte antique, imagine librement la genèse…

Un vrai plaisir de lecture.

Nathalie Barrié, de Nouvelle Donne

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