— Personne ne peut plus rien pour moi. C'est trop tard.
— Tu n'as que quarante-neuf ans. Tu peux encore rencontrer une femme que tu aimerais comme tu as aimé ma mère.
— Aie le tact de ne pas parler de ta mère.
Chapitre 5.
L'orgueil était plus fort que la solitude.
Les sentiments de l'administratrice lui parvinrent. Elle jouissait du pouvoir que lui donnait le manche du fouet entre ses mains. Les spectateurs réagissaient en approuvant, en haïssant, en souffrant par substitution et en s'excitant sexuellement.
C'était une chose de régénérer une main perdue, un nerf coupé ou un coeur endommagé par la maladie, ou bien retiré. Il était même nécessaire de régénérer des parties importantes du cerveau, comme les régions motrices et sensorielles. Mais à quoi servait-il de régénérer la matière grise, de reconstituer les connexions de telle façon que les souvenirs étaient si étirés et estompés qu'ils disparaîtraient?
Les femmes doivent etre soumises,obeissantes et silencieuses. C'est la volonté de dieu.
Orca fit surface dans un jaillissement d’eau, et entra en communication avec Harmonie. Elle fut obligée d’utiliser un satellite pour faire passer la communication par-dessus les chaînes montagneuses, mais la langue véritable s’adaptait bien aux ondes radio et personne ne pouvait déchiffrer le dialecte de sa famille.
Sa mère répondit.
[Allô, chérie, dit-elle, mêlant le français à la langue véritable, comme cela se pratiquait parfois dans sa famille. Où es-tu ?]
[À mi-chemin de chez nous, répondit Orca. Avec Mark.]
Elle ajouta le nom de son frère en langue véritable. Leur mère rit, comprenant, grâce à la construction que le frère d’Orca avait adopté un nom de surface, et comprit aussitôt la plaisanterie. Elle aussi aimait regarder L’Homme de l’Atlantide.
[Les bulletins d’information sont inquiétants, ma chère petite fille, et ce que l’on raconte l’est encore plus. Quelle est la part de vérité ?]
[Pour une fois, ce qui est réellement arrivé est encore plus passionnant, répondit Orca. Je t’expliquerai cela en rentrant. Il est possible que mon équipier vienne chez nous. A-t-il appelé ?]
[Non.]
[Je ne sais pas où il se trouve, reprit Orca. Ni comment il se déplace. Je lui ai dit de nous faire demander dans le port de Victoria. Il a besoin de notre aide, mon amie-maman. Te sens-tu d’humeur révolutionnaire ? Et papa ?]
[Ton père, toujours. Moi ? Si nécessaire.]
[Il est possible que ce soit le cas. Quand mon ami arrivera – Orca transmit un son correspondant à Radu ; tout plongeur ou baleine qui l’entendrait le reconnaîtrait immédiatement – il est originaire d’une autre planète, ajouta-t-elle. Il est timide et modeste. Il n’est pas responsable de ses problèmes.]
[Nous le recevrons bien, ma petite.]
[Merci, maman-amie.]
[Dois-je envoyer le bateau ? Sans cela, tu seras en retard à l’assemblée.]
Orca transmit une grimace et sa mère rit à nouveau.
[Envoie plutôt l’avion, maman. Ce sera désagréable mais cela ne durera pas longtemps.]
[Très bien, amie-fille, qui aime voler de monde en monde mais pas d’île en île.]
Comme c'est triste, […] être tout-puissant et immortel mais ne pas avoir le sens de l'humour.
Le monde obéit à des règles qui n'ont rien à voir avec celles des souverains.
"il est impossible de protéger entièrement une personne sans l'asservir"
Elle avait si souvent aidé Yves dans son travail qu’elle connaissait sa méticulosité. Depuis qu’ils étaient enfants, ils étudiaient ensemble le latin et le grec, lisaient Hérodote – ce vieillard crédule ! –, Galien et Newton. Yves était bien entendu le premier à choisir les livres, mais il n’avait pas émis la moindre objection quand elle s’était attaquée aux Principia. Elle dormait avec l’ouvrage sous son oreiller. Et quand elle avait perdu le livre de M. Newton, elle avait beaucoup pleuré et s’était demandé ce qu’il avait pu découvrir à propos de la lumière, des planètes et de la gravité au cours de ces cinq dernières années.
Chapitre 2