Gracile avait besoin d’un public. Ne nous encourage-t-on pas à faire un max2show pour nous sentir bien ? Ne nous enjoint-on pas d’être bienveillants et empathiques ? Je manquais de réflexes et d’entraînement pour me prémunir contre ces personnages qui vous happent afin que vous les regardiez parler. Pas question de montrer mon agacement, pas ici. Il y avait là une belle brochette de filles bien habillées et j’avais déjà attiré quelques regards. Mais je pensais à Bonbon. Au fond, que faisais-je là alors que j’aurais pu aller me coucher avec elle ? Ou au moins l’interroger sur sa vie, dont nous n’avions pas plus parlé que de la mienne.
Le prénom que je porte [NDLR : Édito] m’a naturellement conduit à me pencher sur le sujet, au moins jusqu’à en déduire que je n’ai jamais eu envie de devenir éditorialiste. La presse, chacun sait cela, se divise en deux catégories. La première, la plus visible, celle à laquelle nous avons tous accès, ce sont les grands médias au service du Lab, qui relaient les prouesses des entreprises lorsqu’elles parviennent à rétablir leur production ou à ranimer la flamme de l’innovation. Cette presse-là nous donne de l’espoir, car elle nous fait rêver à des upgrades. Et puis il y a la presse contestataire, dont l’âme révolutionnaire est méprisable en ce qu’elle produit des graphismes désastreux. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un journalisme libéré des règles et des interdits. La presse valeureuse, avec ses apôtres de la vérité et ses redresseurs de torts, fait partie du Moyen Âge. Les héritiers ont repris les choses en main, et comme chaque fois dans le combat entre ceux qui ont raison et ceux qui savent comment faire, la barre du navire est confiée à celui qui est capable de le diriger vers l’iceberg plutôt qu’à ceux qui connaissent le chemin mais pas la mécanique. La presse m’est utile en ce qu’elle me tient informé des updates nécessaires en toutes choses.
Des générations de personnes plus âgées que moi se sont éteintes brutalement ; sans elles, c’est une somme d’expérience sur la sympathie et l’épouvante qui manque à l’appel. La jeunesse sympa est responsable à elle seule d’un monde à elle seule livré, clés en mains, et j’en suis. Donc je pense.