N'oublions pas, cependant, que nos prairies campagnardes sont une création en grande partie artificielle. Les surfaces qu'elles occupent ont été conquises sur la forêt qui recouvrait jadis le pays; à la végétation spontannée se mêlèrent des espèces introduites par l'homme pour donner plus de valeur aux fourrages, puis celles que semèrent en même temps le hasard et le vent, les unes estimées par l'agriculteur, d'autres considérées comme de mauvaises herbes, fussent-elles aussi charmantes que le coquelicot et le bleuet.
A étudier la flore alpine, nous en comprendrons mieux la beauté et la valeur; mais si ce trésor fait notre ravissement, ne devons-nous pas veiller à sa conservation ? Un véritable ami de la nature ne se permettra pas d'arracher brutalement des plantes entières; il limitera sa récolte à un choix de fleurs cueillies avec soin.
Chaque année, le printemps opère ses merveilles. Qui n'en subit l'émoi ? Aux touches encore discrètes d'avril succède la féerie sans égale de mai. Métaphore, dira-t-on ? Nullement, car cette image répond parfaitement à la réalité : la fleur, vivante parure, ne renferme-t-elle pas toutes les promesses de la fécondation ?
Les prairies qui recouvrent une grande partie de notre sol n'ont pas toujours existé. Jadis, ces surfaces étaient boisées; elles ont été défrichées et la forêt s'y reconstituerait en l'espace de deux siècles environ, si toute intervention humaine venait à cesser.
La forêt ! Qui n'en subit l'attrait mystérieux ? Quel promeneur, délaissant la route poussiéreuse et les champs ensoleillés, n'a pénétré avec délices sous ses ombrages ou n'a contemplé, ravi, de quelque lieu élevé, l'austère verdoiement d'une contrée boisée ?
Qu'il se dresse isolé, superbe en sa grâce ou sa puissance, qu'il anime les campagnes de ses bosquets frémissants, veille sur nos fermes, orne nos avenues, ou vive en société dans le mystère de la forêt, partout l'arbre est un élément de la beauté du paysage.
Que ne donnerait-on pas pour ce moment où, débouchant de la forêt, on met le pied sur le gazon court du pâturage ? Tout proche le ciel se tend, lessivé et pur, derrière les crètes. Et par terre, sur les roches, dans l'herbe rase, une foule de petites figures vives aux coloris admirables et d'une extraordinaire variété de formes nous regardent, l'air de se réjouir de notre émerveillement...