AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Walter Serner (6)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
La tigresse

Au tour du babéliote Steka de recevoir mes modestes remerciements, même si ceux-ci concernent davantage son activité « listique » sur un site concurrent, dont les listes, justement, en sont le coeur d’activité. Bien utilisées et couplées à de bons moteurs de recherches, elles sont de redoutables remplisseuses d’étagères…



De ce livre, il faudrait commencer par parler de son format : amoureux des livres, on a normalement déjà eu un ouvrage de chez Allia entre les mains. Petit format (17cm x 10cm), beau papier, police sobre et élégante, quatrième de couverture réduite à une seule phrase, etc.

Il est donc très surprenant de recevoir cet exemplaire passé à l’agrandisseur, comme une anomalie d’échelle sortie de la cuisine du géant… Ces 14x22 cm ne leur vont guère, ils ont bien fait de l’abandonner (horreur ! il y avait même une quatrième de couv’ classique…).

(commentaire mi-sérieux, mi-goguenard, étant moi-même partagé entre admiration, et agacement, devant chaque geste qualifiable de « snob »…)



Bon, mais le contenu de ce livre ? Hé bien, je suis un peu embêté, les histoires de non-amour entre les sexes du type « fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis » me sont malheureusement trop familières pour y prendre un réel plaisir. Ce fonctionnement est tellement central dans ce que certains dénomment le « bug humain », qu’un grand nombre des problèmes qui agitent nos sociétés shootées à l’énergie carbonée y plongent leurs racines, oubliant souvent de quels bois ils sont faits, recouverts qu’ils sont de peinture aux reflets violets.



Suis-je en train de pécher par anachronisme ? Sûrement, mais c’est à dessein, car cette Tigresse représente bien une forme de modernité, une femme libre et dominante (dominatrice !) dans les Années Folles, rare exception exposant, par miroir déformant, l’ignoble déséquilibre de l’époque, l’inassouvissement comme moteur de pouvoir…



Car l’intrigue « petit escroc - demi-cocotte » n’est qu’une toile de fond du livre, négligée et sans objet, l’auteur ne s’intéressant réellement qu’à la partie de dupe amoureuse entre Bichette et Fec, saturant ses pages de dialogues en non-dits dans un capiteux nuage de désir.

Employant l’argot titi-parigot de l’époque, le traducteur aurait pu aisément se passer de ses irritants astérisques marquant les mots « en français dans le texte », tant ils se répètent…



Ce livre reste donc une curiosité, unique roman d’un des fondateurs du Dada, développant l’univers interlope auquel il restera attaché dans l’écriture de ses nouvelles.
Commenter  J’apprécie          824
Dernier relâchement

"tressli bessli nebogen leila

flusch kata

ballubasch

zack hitti zopp [...]"

(Hugo Ball, poème dadaïste "Seepferdchen und Flugfische")



Guten Tag, famille littéraire !

Voici l'un de ces livres qui traversent votre tête comme une tempête de neige, en vous laissant rêveur face à la page blanche. Je commence donc par ce poème d'Hugo Ball, en espérant que l'inspiration suivra...

Comme son nom le laisse aisément deviner, Hugo Ball était destiné à une carrière sportive au sein de FC Pirmasens, mais l'appel sauvage du mouvement Dada fut le plus fort. Ce qui ne l'a pas empêché de donner occasionnellement un grand coup de pied dans la poésie, tandis que son ami Walter Serner, l'auteur du présent ouvrage, bottait avec le même enthousiasme toute la culture officielle de l'époque. "Je suis en principe contre les principes !" : tel était le credo des dadaïstes, formulé par leur grand prêtre Tristan Tzara.

"Dernier relâchement" est donc principalement sans principe.

Serner écrivait à la pleine lune, dans un tipi en jade, où il se rendait de préférence dans une brouette cousue de peaux d'âne et d'yeux de cobra. En écrivant, il mangeait des knödel fourrés à la cervelle de rhinocéros et buvait du sang de vampire. L'expérience a eu pour résultat cet excellent manifeste Dada, écrit deux ans avant celui de Tzara (et qui a beaucoup influencé ce dernier). Dans ses instants les plus téméraires, sa lecture peut être comparée à la sensation qu'on éprouve sur les toilettes à 3 heures du matin, quand on essaie de déchiffrer, dans un état second, le mode d'emploi du Canard WC en hongrois. Hélas, le manifeste de Tzara éclipsa largement celui de Serner, ce qui a mené à sa rupture avec les dadaïstes. Il va retravailler son texte, pour le publier à nouveau en 1927, avec le sous-titre "Un bréviaire pratique pour les escrocs et ceux qui veulent le devenir", et le mot "Dada" y sera systématiquement remplacé par le mot "rasta". Pour des raisons qui m'échappent, je trouve cela très plaisant...



"Ne parle pas trop souvent de manière cynique. Sois-le toujours", conseille Serner à son lecteur rastaquouèresque, en partant de l'hypothèse que dans le monde des escrocs, le seul moyen pour réussir est de riposter par leurs propres armes.

Place à la lecture :

"Après chaque fragment, on fera une pause de trois minutes, on boira un peu et on fumera. À l'issue de chacun des six chapitres, on posera le livre cinq minutes et l'on regardera au plafond".

Je n'ai pas de mots...







.

(ceci pour montrer à quel POINT je n'avais pas de mots).

Cependant, en suivant la consigne de la consommation des liqueurs et de la contemplation du plafond, les idées se remettent doucement en place. Sur l'immensité blanche du plafond apparaîtra tôt ou tard le dino-train conduit par Erasme de Rotterdam, et avec un peu de chance, ses gestes frénétiques à l'intention du lecteur en quête du "relâchement" seront bien interprétés.



Walter Serner était une sorte d'"enfant terrible" même parmi les dadaïstes. Dans ces 672 paragraphes nihilistes, sardoniques, et passionnément contestataires, il fait une critique corrosive de la fausseté des conventions sociales et de toutes les valeurs et jugements esthétiques officiels. Il accuse toute forme d'expression artistique de mensonge et d'insuffisance, en qualifiant la "Kultur" européenne de son époque de produit d'ennui, d'arnaque, d'hâblerie ou d'un snobisme prétentieux. Contrairement aux autres manifestes produits par divers courants avant-gardistes après la Grande Guerre, Serner ne formule aucun nouveau credo esthétique, ne montre aucune direction - au contraire, il se contredit intentionnellement et s'ironise souvent lui-même.

Ce charmant baratin (compliment) prête au rictus (de satisfaction), mais il nous dévoile aussi la frustration et la profonde désillusion cachées derrière le jeu dadaïste. En quelque sorte, il n'est pas sans rappeler le formidable "Conte du tonneau" de Swift.



"Le monde veut être trompé, c'est certain. D'ailleurs, il deviendra sérieusement méchant, si tu ne le fais pas", prévient Serner. Apprenons donc à escroquer les escrocs grâce à ce spirituel manuel ! L'Art est mort, vive le Rasta !

Pour conclure :

"Dans tous les cas, on appliquera avec la plus grande exactitude ce qu'on vient de lire dans la mesure où ceci est parallèle à la pratique du moment. On ne sera pas seulement ébloui du succès, on sera... On sera ! Teremtete !

Et dès lors : "Bonne nuit et bonne chance !"



Bonne chance ! Je recommande de lire une phrase par semaine en consultant furieusement les notes en marge, le livre prendra alors tout son sens. 4/5. En réalité j'aurais pu donner 5/5, mais je commence déjà à embrasser la voie...

Commenter  J’apprécie          5935
Dernier relâchement

Un bréviaire ou un manifeste ?

Je m'attendais à être dérangé par quelques accès de poésie, d'images, d'idées hors des conventions, de fantaisie...

Un code de conduite ou un nouveau monde à déchiffrer ?

Je m'attendais à être ébloui par de la fureur de vivre, par les ondes sonores d'un monde nouveau, des mots si incompréhensibles que j'en chavirerais d'étonnement...

Au lieu de ça, je n'ai trouvé qu'un manuel de morale cynique et inutile. Rien n'y manifeste, rien n'y bouscule tout au contraire: on y sent même un certain parfum d'arrivisme dans cette position hors de la société mais de vouloir non seulement y survivre, non seulement la biaiser mais surtout en profiter.

Non, ce dada-là n'est pas mon dada.
Commenter  J’apprécie          297
Lola Manoeuvre et autres histoires criminel..

DADA EST TATOU...



... tout est Dada ! exultait le plus connu des cofondateurs et promoteurs du mouvement Dada, le roumain francophone Tristan Tzara.



Né directement de l'horreur de ces années d'une guerre improprement surnommée "Grande" - sauf s'il s'agit de qualifier les massacres innombrables et inutiles d'êtres vivants dont elle fut si absurdement prodigue -, ce mouvement, né à Berlin d'un manifeste littéraire, puis éclatant de tous ses feux dans le tumultueux Cabaret Voltaire de Zürich, DADA, plus tard récupéré par André Breton et "son" surréalisme, fut un pur moment de délivrance intellectuelle, artistique et poétique au sein duquel se côtoyèrent poètes, littérateurs, compositeurs, peintres, penseurs dans un grand moment de rejet des conventions, des normes, des vieilleries de l'époque par le biais d'une liberté anarchique affirmée, d'un grand sens de la dérision, de tentatives artistiques novatrices, d’expérimentations stylistiques, graphiques et de langage innovantes.



Walter Serner, bien que le plus méconnus de ces artistes pionnier, par ailleurs écrivain d'expression allemande, n'en est pas moins l'un des premiers cofondateurs du mouvement créé presque comme une énorme farce par cette bande de joyeux foutraques.

Parfois surnommé le Maupassant du crime, ses textes les plus connus (La Tigresse - son roman -, Au singe bleu, Le Onzième doigt, ouvrages tous publiés chez Allia) sont de brèves nouvelles portraiturant des monte-en-l'air de bas étage, des arnaqueurs à la petite semaine, des bas-bleus, des cocottes et autres demi-mondaines, toute une théorie, donc, d'une humanité à la marge, peu soucieuse du qu'en-dira-t-on, tout autant qu'elle se trouve, par ce biais décalé, témoin de sa contemporanéité. Une sorte de peinture littéraire cubiste (c'est d'époque) de la société des années folles que nous propose Olivier Mannoni dans cette traduction de huit nouvelles choisies parmi les deux recueils cités plus haut.



Ainsi suit-on, dans celle intitulée "Le chef d'oeuvre", une riche veuve, entre deux âges, se laissant séduire par un homme beaucoup jeune qu'elle, qui s'avérera être un ruffian doublé d'un monte en l'air, profitant de la proximité de la chambre de la dame pour s'emparer de bijoux d'importance dans une chambre du grand hôtel, où se déroule l'histoire, située en face de celle de la veuve pas trop éplorée. Et cette dernière, échaudée mais conciliante, de reconnaître dans un murmure que le malandrin audacieux a réalisé un véritable chef d'oeuvre dans l'art de la cambriole.



Plus loin, c'est un escroc d'un autre genre dont il nous est fait le portrait : un homme d'aspect absolument banal, en dehors d'un étrange tic de la tête, et fort sympathique au demeurant, parvient, semble-t-il , à alléger son semblable des sommes coquettes dont il est porteur. L'une de ses victimes, plus curieuse et vexée que réellement scandalisée du forfait cherche à découvrir la méthode de ce gentleman pickpocket. Il la découvrira bel et bien, mais pour mieux se laisser de nouveau avoir !



D'une écriture pas toujours évidente - car DADA est Tatou, n'est-ce pas ? -, ces courts textes ne laissent toutefois pas insensibles dans leur peinture d'un monde aujourd'hui parfaitement disparu, et même si leur brièveté ne permet guère de s'attacher durablement à la galerie des visages (d)étonnants peints par Walter Serner. Une oeuvre d'un abord pas si évident, certes, malgré les apparences, mais dont il était bon qu'elle ne disparaisse pas dans les méandres industriels de l'hyper-production éditoriale actuelle. Remercions en les remarquables éditions Allia, d'autant plus que l'ouvrage est offert pour tout acquéreur de deux autres de leurs petits livres au format et à la mise en page si élégante.



Pour mémoire, et parce qu'il nous semble toujours opportun de rappeler ce genre de drame inexcusable, Walter Serner, de son vrai nom Walter Eduard Seligmann, fut déporté en août 1942 par les Nazis et est mort à l'âge de cinquante-deux ans au camp de Theresienstadt.
Commenter  J’apprécie          170
Lola Manoeuvre et autres histoires criminel..

Non...

Avec tout le respect et l'intérêt que j'ai pour les dadas, ces textes sont restés potentiels. A aucun moment je n'ai réussi à me convaincre qu'ils étaient écrits au delà de décrire des idées d'intrigues. Plutôt bonnes, d'ailleurs, quoiqu'elles paraissent assez classiques aujourd'hui... Il leur manque tout. Tout ce qui fait le plaisir de lecture, ou simplement l'intérêt si l'intention n'est pas de plaire mais de déstabiliser, ou d'innover.

La seule remarque que m'inspirent ces textes est qu'ils ne présentent pas l'intérêt qu'ils auraient sans doute pu avoir, car ils n'ont pas encore été écrits.

Bref... Non.

Commenter  J’apprécie          10
Lola Manoeuvre et autres histoires criminel..

Cela ne donne guère envie de lire d'autres livres du même auteur.

C'est même parfois des phrases quasi incompréhensibles
Commenter  J’apprécie          01


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Walter Serner (14)Voir plus

Quiz Voir plus

Monstres de la mythologie grecque

Je suis une créature hybride, mi-homme mi-cheval.

Le Minotaure
Le Centaure
La Cavale
La Manticore

12 questions
3329 lecteurs ont répondu
Thèmes : monstre , mythologie grecque , créatures mythologiques , mythologie , mythesCréer un quiz sur cet auteur

{* *}