Citations de Werner Lambersy (208)
L’éternité est dans l’instant
comme un parfum
dans la fleur
L’embâcle du poème
ne doit pas laisser croire
qu’on marche sur les eaux
C'EST DANS L'APPARTEMENT
du dessus où l'on ne voit
jamais personne
combien d'appartements
encore et encore
au-dessus
parfois on croit entendre
une voix un léger
bruit de pas
un locataire de retour un
voleur qui sait
mais voleur de quoi
ça semble si vide là-haut
sauf à ce qu'on dit
de choses qu'on ne peut
pas revendre
comme des planètes
et des trous noirs pleins
de poussière
et parfois
le cadre vidé de la photo
du propriétaire
p.66-67
TOUS LES JOURS
j'arrose une petite plante
verte
sans savoir si elle a soif
je donne du pain
aux oiseaux sans savoir
s'ils ont faim
je prends
une plume et du papier
et j'attends
p.21
LE POÈTE
avait du plomb dans l'aile
c'est souvent ça un poète
mais marcher
dans la rue sans parachute
il n'aurait pas dû
p.51
AUJOURD'HUI
pas de poème s'il vous plaît
surtout pas de poème
tu sors de l'écume
nue sous le peignoir de lune
de la vapeur
nimbée de soleils électriques
comme une vierge
espagnole
sous le saint porche à Pâques
au rythme balancé
des porteurs
ou bien sur l'arche
du pont des Arts croulant de
cadenas dorés
Botticelli
et sa Vénus humide
au milieu de ma salle de bains
p.69
Rester obstinément l'un contre l'autre comme des lettres dans un mot encore incompris.
Il n'y a qu'une nuit. Elle dure depuis toujours. Le reste n'est que traverses de lumière, passage d'astres et pan de ciel provisoirement éclairé; espace où nous aimons nous perdre avec de grands frissons que les mots semblent exciter.
[LE SOIR DANS LE DOUX MURMURE...]
Le soir, dans le doux murmure du zéphyr,
toujours ta voix argentine chuchote :
si elle touche mon cœur, il va mourir...
et en écho une triste corde tremblote
VAGUES SOURIANTES
Vagues souriantes près de côtes fleuries de joie -
un long tintement doux annonce le jour doré.
Des horizons secrets m'appelle une tendre voix...
- Que signifie ce rêve si étrangement embrumé ?
N'est-ce pas toi, ô mer des jours heureux,
apaisée dans la nuit après tes fous ébats,
et par des mots enflammés d'avenir lumineux
ô rêve bien-aimé, ne m'appelles-tu pas ?
La vigueur de jadis rejaillira-t-elle au fond de mon être,
les fleurs printanières lèveront-elles le front,
grandies dans le noir, fanées dans les ténèbres,
sous les ailes glacées de solitude et d'affliction ?
Croire ou non ?... Vagues près de côtes fleuries de joie,
un long tintement doux annonce le jour doré.
Des horizons secrets m'appelle une tendre voix....
- Que signifie ce rêve si étrangement embrumé ?
Dimtcho Debelianov
Grammaire du désordre
extrait 2
les secondes vont devenir
denses
retenir dans presque rien
puis rien
l’éternité entière
les secondes vont devenir
indistinctes
l’instant se nourrir
de la totalité
l’ange empoussiéré
des portails va
secouer ses ailes :
ce que j’écris ne veut pas
de la gloire
seulement faire en secret
son chemin
la surface couvre tout
du moins
aura-t-elle circonvenu
le fond
tenu serré contre elle
comme perle
à l’intérieur de l’huître
et indiqué la profondeur
sous la pression
du pouce des galaxies
superficielle
est la beauté du monde
superficiel
est le mystère qui a su
imposer le frisson
du réel
…
Grammaire du désordre
extrait 1
En nous reposent d’austères attentes
dont les destins
sont de régner plus haut
dans la grammaire inédite
des désordres
en nous repose l’être étranger
dont la misère éclaire
comme pèse
une blessure heureuse
une faute bénie
les secondes vont devenir
importantes
contenir de plus en plus
Oui ! Presque tout ! Puis
tout
…
Sur la maison, le calme. Une alouette libre
tresse son chant accueillant
et tu es toujours l'enfant insouciant
qui épelle son premier livre.
(Nikolaï Liliev (1885-1960))
La pluie applaudit l'orage
Sur la terrasse
Ovation debout du jardin
L'artiste à la fin
Vient saluer c'est le soleil
est-ce répondre
maître qu’as-tu
est-ce répondre
quand deux pétales
tombent
maison(s) de thé peut-être trois…
Extrait 2
pour plus de pureté qu'ils jettent dans l'espace des projets
qui se succèdent sans rien d'acquis jamais accrochés
pourtant par une volonté qui renonce afin d'épouser
mieux l'inévitable : aimer et recevoir l'amour vivre et
accepter la vie ; plus loin près de l'étang des bois pourrissent
vers la pierre qui voleront à l'eau la transparence du diamant
et le tranchant patient des gouttes répétées
p.15
LA CHUTE DE LA GRANDE ROUE
Parmi les débris
De la grande roue
À l'aube on ramasse
Des poèmes
Le train fantôme
A repris son service
À la loterie on gagne
Des lots à deux sous
La poignée de ficelles
Du destin
p.22
LES GRILLONS CHANTENT LA NUIT
Il pleut
Une petite pluie plus
Nue que d'habitude
D'où me vient
Cette peine qui n'est
Pas mienne
Ce fonds d'abysses
Cette fosse d'étoiles
Et de coraux
Sous une averse
Triste de pleine lune
p.29
Les mots ça sert
à frotter
toute la vieille argenterie
de l'âme.
Montaigne et Diderot
ont écrit
tous deux : il fait laid
longtemps après sont
arrivés
hypermarchés et autos
p.53