Le projet d'un monument à Balzac était à l'étude depuis le jour de ses funérailles, où Victor Hugo avait prononcé le discours funèbre, mais, en 1891, rien encore n'était fait en ce sens. C'est au cous de cette année que la Société des Gens de Lettres commanda à Rodin une statue de Balzac. Passionné par ce travail, il fit de très nombreuses études, notamment des têtes de Balzac à l'âge mûr, dont une terre cuite et des figures grandeur nature, … Dans une lettre à la Société, il déclara qu'il espérait exprimer plus que la ressemblance. « Je pense à son labeur acharné, écrivait-il, aux difficultés de sa vie, à la bataille incessante qu'il a dû livrer, à son beau courage ». Il montra la tête léonine de Balzac, avec ses traits burinés, le corps massif enveloppé d'un ample vêtement. Rilke, le poète de langue allemande qui servit de secrétaire à Rodin, exprima l'opinion que le sculpteur avait su rendre « la fierté de créer, l'arrogance, l'extase, l'ivresse ».
La Société des Gens de Lettres et le public ne partagèrent pas cette opinion lorsque la statue fut exposée, en 1898. Sans chercher à convaincre ceux qui voyaient dans son œuvre une monstruosité Rodin rendit à la Société la somme qu'elle lui avait avancée et plaça la statue dans son jardin de Meudon. En 1939, enfin, le Balzac, coulé en bronze, fut érigé à Paris. Ainsi que Rodin l'avait prédit quarante ans auparavant, son œuvre avait peu à peu fait son chemin toute seule dans les esprits.