Comme la plupart des anciens ivrognes, j’ai un petit faible pour les serveuses. Pour nombre d’entre nous, elles constituent avec les garçons de comptoir la majeure partie de notre vie sociale, une espèce de deuxième famille. Les serveuses ont affaire à toutes sortes de gens, plus ou moins bien, et semblent, en général, faire preuve de tolérance à l’égard des ivrognes ; ce qui n’est pas une qualité négligeable quand on est dans la peau de l’ivrogne.
Un cognac au théâtre, une petite bière au stade : c’est quasi universel ; un pacte liquide qui égaye l’esprit et réchauffe le cœur – un rite tribal.
Aucun mal à cela, tant qu’on en est maître.
Ceux qui, comme moi, ne peuvent le contrôler et décident de s’en priver, se retrouvent confinés dans un monde passablement étriqué. On apprend alors à compenser. On sort avec des gens identiques à soi-même, des amis rencontrés lors des réunions des Alcooliques anonymes, des gens qui ne vous pousseront pas à boire avec eux, des gens qui partagent votre problème. Aux bars sont substitués d’autres lieux de rassemblement.
La plupart des avocats, à un moment donné de leur carrière, frôlent la crise cardiaque à cause des délais imposés par les tribunaux. Si c’est une inclination humaine que de faire traîner les choses, les avocats en font leur credo. Du moins jusqu’au jour où ils sentent le vent du boulet. Dès lors, l’épouvante leur inspire une obsessionnelle diligence.
Les beaux costumes sur mesure et les Rolex en or n’étaient plus qu’un vieux souvenir. Aujourd’hui, je n’achetais que du prêt-à-porter. Je n’avais ni grandi ni rapetissé ; j’étais toujours de taille moyenne. Corpulence moyenne, tout moyen. Je me trouvais une allure un peu plus bourrue qu’autrefois, des traits burinés cerclant à présent mes yeux bleus.
Les juges d’appel font un travail rasoir ; aussi ne ratent-ils aucune occasion de laminer tout avocat qui a le malheur de se présenter devant eux mal préparé. Ils passent alors à l’attaque, s’acharnant sur leur proie comme des lions sur une antilope à trois pattes. On ne peut les en blâmer, mais mieux vaut ne pas être l’antilope.
Sans me vanter, je touchais bien ma bille, dans le temps. Et puis je faisais du fric, aussi. Seulement, ce n’est plus ce que c’était. Qu’est-ce que tu veux ? Maintenant, tout se règle à l’amiable. Ça devient dur de gagner son pain. Surtout pour un gars comme moi qui fait dans le modeste. Fini le fignolage, vive l’abattage.
C’est un bruit qui court, c’est tout. Mais à mon avis, c’est fondé. Disons que ça revient souvent dans les discussions. Et tu connais le proverbe : « Il n’y a pas de fumée sans feu. »
Que ce soit avec les femmes, les bateaux, ce qu’on veut, l’amour, ça vous détraque un homme.