«IL N'Y A JAMAIS EU DE BONNE GUERRE NI DE MAUVAISE PAIX»
Un certain George W. Bush eut très probablement été avisé de relire un peu mieux cette maxime de Benjamin Franklin - pour autant qu'il l'ait jamais lu - car ce Père Fondateur de la Nation Américaine, scientifique, écrivain, inventeur et homme politique de cette jeune nation savait, d'expérience, de quoi il parlait.
Hélas, les hommes sont ainsi fait qu'ils se pensent invariablement plus doués et malins que leurs prédécesseurs et, pour les plus belliqueux d'entre eux, n'ont qu'une hâte : répéter les erreurs du passé, ne pas regarder le présent sous le bon angle et se contreficher de l'avenir en engageant leur peuple en l'embarquant dans une de ces bonnes vieilles guerres - dans les cas des actuels USA : la presque totalité du monde, même si de manière indirecte pour beaucoup -, dans le cas présent dans une guerre sans fin possible, pour un peu qu'elle ait eu de vraies (ou honorables, ce qui est assez peu identique) finalités de départ.
Cependant, le mal était fait et la conséquence indirecte du traumatisme vécu par nos voisins outre-atlantiques des suites du 11 septembre 2001 serait donc cette opération destinée à abattre une fois pour toute le régime de Saddam Hussein... et instaurer la Démocratie. Les opérations armées furent une complète réussite, comme on pouvait s'y attendre : en dix-neuf jours, l'essentiel des objectifs miliaires étaient atteints. C'est après que ce fut réellement long, très long.
C'est à cet "après" que William Langewiesche, travaillant en Irak et au Moyen-Orient à partir de 2003 en tant que correspondant international pour Vanity Fair, consacre ce petit ouvrage "La conduite de la guerre", publié en 2008 chez les précieuses éditions Allia, un essai aussi sérieux qu'effarant dans sa démonstration et ses conclusions.
Il prend pour point de départ un acte de guerre, atroce et presque commun à la fois : le 19 novembre 2005, un Marine de vingt ans meurt des suites de l'explosion d'une mine lors du passage de son véhicule. Les conséquences : le massacre de vingt-quatre civils, hommes, vieillards, femmes, enfants. Le fait, même dans sa crudité décontextualisée, est insupportable.
Pourtant, sans le moindre pathos inutile - ce qui n'empêche pas l'empathie, ne nous trompons pas -, sans pleurs ni réflexions gratuitement grinçantes, dans le plus pur style de ce que peut être encore le grand journalisme, c'est à dire précis, factuel, vérifiable et vérifié, "sourcé" comme on le précise, sans plus tomber dans le pacifisme outré que dans la fascination guerrière, William Langewiesche va user d'une rhétorique implacable aussi bien que sans le moindre artifice pour démontrer que ce qui peut être considéré comme un crime de guerre est aussi, indéniablement, implacablement dans la logique absconse et folle de cette guerre devenue totalement dissymétrique au fil des jours et des semaines.
Après avoir fait le récit, macabre et irréel à la fois, de ce drame, le journaliste remonte dans le temps afin de comprendre comment cela put arriver. Et il tombe sur ce précédent honteux du massacre d'une école à Fallouja qui avait provoqué le début de la guérilla contre l'armée américaine.
Le lecteur découvre ainsi, un peu ébahi par tant de naïveté, de candeur même, et d'aveuglement sans nul doute, ce que le colonel commandant cette place reconnu de ce que voulait être cette opération : «Nous étions venus pour montrer que nous étions là, pour que le citoyen lambda se sente en sécurité.» Et le narrateur d'ajouter un peu plus loin, un brin désabusé : «Mais cela ne s'est pas passé de cette manière-là, pas plus que cela ne s'est bien passé malgré l'affirmation de la "présence" américaine depuis lors.»
Ça ne s'est pas bien passé........
L'auteur ouvre un certain nombre de piste pour expliquer ce fait malheureusement avéré :«Quel que soit le degré de sophistication ou de subtilité de nos stratèges militaires, au bout du compte ils ne peuvent utiliser que cette arme très grossière : une imposante force américaine qui n'arrive tout simplement pas à réprimer une rébellion populaire dans une contrée étrangère.»
Ou l'histoire de l'éléphant qui finit par s'effrayer de la souris qui passe et repasse entre ses énormes pattes sans jamais vraiment parvenir à s'en saisir ou s'en débarrasser, jusqu'à le rendre fou.
Il y a aussi la situation intérieure irakienne des plus complexes, les différences linguistiques, culturelles pour ainsi dire insolubles entre ces irakien chiites ou sunnites sortant de plusieurs décennies de dictature baasiste et de jeunes américains sûrs d'eux, fiers de leur drapeau et de leur pays, eux même d'abord convaincu d'être venu apporter le bien pour, comprendre par la suite, assez rapidement, que cette guerre était bien partie pour n'avoir jamais de fin...
A force d'exemples minutieusement choisis et détaillés, sans jamais s'arroger la double posture de juge et de partie, seulement celle de témoin éclairé, William Langewiesche en arrive à cette conclusion terrible que des événements de ce type, dans des guerres de ce type ne peuvent que survenir. Pire : qu'il serait pour ainsi dire incroyable que cela n'advienne jamais... Ainsi, le Capitaine Lucas McConnell, sous les ordres duquel se trouvaient ces militaires vengeurs, de très certainement penser, après avoir été mis au courant des faits : «Les américains tuent des civils tous les jours. C'est un fait commun en Irak». il acheva même le debrief de cette sombre journée en ce termes : «[...]bon boulot et continuez comme ça». C'était dit sans le moindre cynisme, c'est à dire avec la seule et simple vision du soldat appliquant les procédures et les ordres, mais sans le moindre regard en arrière ni référence aux vingt quatre malheureuses personnes purement assassinées ce jour-là. Parce que c'était «la manière la plus habituelle de conduire cette guerre.» Une sorte de "banalité du mal", pour reprendre le concept philosophique développé par Hannah Arendt mais appliquée à des gens absolument convaincus, moralement s'entend, d'être sur le chemin du bien, et de le faire du mieux possible.
Un texte court, saisissant, sans doute moins crucialement d'actualité qu'à l'époque de sa rédaction, mais dramatiquement toujours aussi perspicace et contemporain par la réflexion qu'il engage.
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On dit d'un lieu qu'il est désertique, lorsqu'il n'y a personne, en réalité le désert que dépeint William Langewiesche est peuplé d'une multitude de rencontres et de personnages plus atypiques les uns que les autres avec leurs coutumes, leurs croyances, leurs comportements, et leurs histoires. De 1990 à 1993, l'auteur reporter, vit et fait de nombreux voyages à travers le Sahara. Il traverse l'Algérie du Nord au Sud, en partant d'Alger, en passant par Ouargla, Tamanrasset, le Niger par Arlit, Agadez, Niamey, remonte vers le Mali, par Gao, Tombouctou, Bamako, pour finir au Sénégal, à Dakar. D'une écriture très factuelle, sans romantisme excessif, il montre la réalité des peuples qui vivent sur cet immense territoire, algériens, berbères, mozabites, touaregs, haratins, bambaras. En utilisant de multiples moyens de locomotions, taxi, bus, camion, bateau, train, il s'intègre à la population. Il fait partager leurs histoires, et au-delà, celles du désert, celle de différentes périodes géologiques qui l'ont constitué, celle des premiers hommes qui y ont fait des peintures rupestres, celles des animaux, notamment celle des dromadaires qui composaient d'immenses caravanes. Il rappelle le rôle des français, le destin des touaregs, il consacre de belles pages à évoquer Charles de Foucauld, et ne manque pas de critiques sur les touristes. Il aborde la place des femmes dans ces sociétés, le lecteur est touché par les histoires de Malika et de Ameur, un homme moderne, auxquels il consacre plusieurs chapitres. Il montre la dureté de la vie dans le désert, le déplacement du sable, le mouvement des dunes, les températures extrêmes, la sécheresse, la soif qui entraîne à la mort les égarés. Il comte des anecdotes pleines à la fois de sagesse et de violence. William Langewiesche nous révèle surtout la beauté du Sahara, sans envolée lyrique, avec les mots de la personne qui observe avec attention ce qu'il voit. Le lecteur est dans la foule sur le port de Gao, dans le bus débordant de passagers, perché sur un camion, dans le logis des gens qui l'héberge, dans les hôtels sordides, sous les roues d'un camion ensablé, dans une " PEUGEOT " bringuebalante qui roule à vive allure sur une piste défoncée. C'est un récit d'une grande richesse.
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11 Septembre 2001, 2753 personnes perdent la vie dans cet attentat terroriste sur les tours jumelles du World Trade Center . Deux autres immeubles s'effrondent peu de temps après fragilisées par la chute des Twin Towers toutes proches. En tout 48 immeubles ont été endommagés.
1,8 millions de tonnes de débris ont été enlevés sur le site de Twin Towers .
L'ouvrage de Langewiesch traite de la période post-attentats de nettoyage et de déblaiement de ces montagnes de gravats .
Le travail des pompiers, des services d' identification judiciaire et des équipes de démolition est ici relaté.
On s' aperçoit très vite que des enjeux financiers énormes sont au coeur de ce chantier gigantesque et que la cupidité de certains intervenants est sans limite .
Que faire des déchets des immeubles, des milliers de tonnes d' acier et d'éléments de constructions ?
Qui aura la charge de les transporter dans des décharges ?
Où les stocker ?
Qui achètera ce qui peut être récupérable et monnayable ?
Les luttes d' influences, de pouvoirs politiques et financiers sont à la hauteur du désastre de ce 11 Septembre maudit !
De nombreux acteurs de cette déconstruction essayent de tirer partie de l' urgence à nettoyer cette zone détruite .
La catastrophe n' a donc pas fait que des victimes ...
Et beaucoup vont trouver là le moyen de gagner des millions de dollars ou une reconnaissance politique nécessaire à leur carrière et ambition .
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