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Citations de William Ryan (56)


Pas étonnant, dès lors, que Larinine semble si nerveux : il savait avec quelle rapidité le vent pouvait tourner ces temps-ci et il avait bien conscience qu’après trois semaines parmi eux il n’avait pas résolu une seule affaire. Pas de quoi fanfaronner devant ses amis du Parti.
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l se méfiait de l’inspecteur chauve dont la panse se répandait sur le bureau comme une lame de fond, mais aujourd’hui il se montrerait particulièrement prudent. Les coups de masse qui continuaient à résonner dans l’escalier marquaient peut-être la fin pour un stratège comme Larinine. Après tout, son bureau appartenait à Torgnole Mendeleïev il y avait peu de temps encore, et la manière dont Larinine l’avait obtenu ne lui avait pas valu beaucoup d’amis. Mendeleïev avait été un inspecteur acharné et efficace, fléau des Voleurs de Moscou, jusqu’à ce que Larinine, simple policier affecté à la circulation, l’accuse de répandre de la propagande antisoviétique. Désormais, Larinine était assis parmi les anciens collègues de Mendeleïev, et il occupait son bureau, à défaut de combler le vide, alors que personne ne savait où était passé Torgnole, sans doute quelque part dans l’extrême nord, contre sa volonté, tout cela à cause d’une stupide plaisanterie sur les tchékistes que l’agent de la circulation avait entendue et exploitée.
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Korolev parvint enfin à se débarrasser de son manteau, faisant apparaître l’uniforme qu’il portait rarement. En se retournant, il découvrit les visages pâles et les yeux écarquillés de ses collègues braqués sur lui. Leurs trois cigarettes rougeoyaient en même temps. Korolev haussa les épaules et constata que son uniforme, lui aussi, était plus serré que la dernière fois qu’il l’avait porté.
– Bonjour, camarades, répéta-t-il, plus distinctement cette fois.
Larinine fut le premier à se ressaisir.
– C’est une heure pour venir travailler, camarade ? Il est neuf heures largement passées. Ce n’est pas ce qu’attend le Parti. Le devoir m’oblige à en référer au comité.
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Hélas, l’embarrassante vérité, c’était que la Milice, et donc le service des enquêtes criminelles, faisait désormais partie du ministère de la Sécurité d’État, et quand les gens parlaient des « organes », ils parlaient aussi bien du NKVD que de la Milice, et tout le monde savait que le rôle de cette dernière pourrait devenir plus politique sous l’influence du nouveau commissaire, Iejov. En outre, à en juger par le sort réservé à la statue de son prédécesseur, l’arrestation de celui-ci pourrait être imminente, si elle n’avait pas déjà eu lieu. Dans ce cas, il s’ensuivrait certainement une purge des organes. Korolev connaissait la chanson maintenant. Certes, il possédait un des taux d’élucidation les plus élevés de tout le service, mais en cas de purge nul n’était à l’abri. Il avait vu trop de choses au cours de ces dernières années pour nourrir le moindre doute.
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Résultat, quand un Moscovite évoquait le 38 rue Petrovka, il le faisait comme un Londonien parlerait de Scotland Yard ; rien à voir avec la façon dont il parlerait de la Loubianka, à supposer qu’il ose mentionner le redoutable quartier général du NKVD. Korolev espérait que la bonne image de la Rue Petrovka perdurerait en ces temps de grands changements.
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Évidemment, les miliciens en uniforme aidaient souvent le NKVD à résoudre des affaires politiques (l’Armée rouge elle-même donnait un coup de main de temps en temps), mais en général Korolev et les autres inspecteurs étaient libres de faire ce qu’ils faisaient le mieux : traquer et arrêter les auteurs de crimes graves qui n’entraient pas dans le domaine politique.
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Aux yeux de certains, tout crime représentait une attaque contre le système socialiste ; néanmoins, la distinction entre crimes traditionnels et crimes politiques demeurait, pour le moment du moins
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La majeure partie du travail politique incombait au NKVD, la police secrète, même si, quand vous viviez dans un État prolétarien, tout ou presque était politique, d’une certaine façon.
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Jusqu’à présent, le rôle de la Milice des ouvriers et des paysans, pour donner son nom entier à la police soviétique, consistait à maintenir l’ordre public, régler la circulation, surveiller les bâtiments importants et effectuer diverses autres tâches, dont la moindre, bien évidemment, n’était pas d’enquêter et de lutter contre les activités criminelles. C’était là que Korolev et le reste du service intervenaient.
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Il se gratta la nuque en montant vers le deuxième étage et réfléchit à ce que pouvait signifier pour le service des enquêtes criminelles de la Milice de Moscou le déboulonnage de la statue du commissaire Iagoda.
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Mais, curieusement, l’épaisse cicatrice qui courait de son oreille gauche à la pointe de son menton, souvenir d’une rencontre avec un cosaque blanc durant la guerre civile, lui donnait un air plus affable que féroce ; et son regard doux dans lequel brillait une lueur d’amusement méfiant l’empêchait de ressembler à une brute épaisse. Pour une raison inconnue, ses yeux le faisaient passer pour un brave type auprès des citoyens même quand il les arrêtait, et très souvent ils se surprenaient à lui révéler des pensées ou des informations qu’ils auraient préféré garder pour eux. Mais ces yeux étaient trompeurs : Korolev s’était battu de l’Ukraine jusqu’à la Sibérie, et retour, durant sept longues années, contre les Allemands, les Autrichiens, les Polonais et tous ceux qui pointaient une arme dans sa direction. Et il en était ressorti plus ou moins indemne. Quand cela était nécessaire, le capitaine Alexeï Dmitrievitch Korolev n’était pas tendre, au contraire.
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Il ressemblait à ce qu’il était : un inspecteur de la Milice doté d’une grande expérience. Ce qui n’arrangeait rien, c’était son visage massif, comme souvent chez les policiers ; une mâchoire large, des pommettes saillantes et une peau irritée par des années passées au soleil et sous la neige. Même ses cheveux châtains très courts, accrochés à son crâne comme des herbes mortes, trahissaient le flic.
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Avec son mètre quatre-vingt-trois, Korolev était bien plus grand que la moyenne, d’après les normes publiées la semaine précédente par le ministère de la Santé. Il était également au-dessus du poids moyen d’un citoyen soviétique, mais il mettait cela sur le compte de sa taille et non de la suralimentation, comme si une telle chose était possible dans cette période de transition vers le communisme total. Quoi qu’il en soit, sa carrure constituait un avantage quand il fallait employer la méthode forte.
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Korolev marmonna un « Bonjour, camarades ! » bourru mais ferme en passant devant les ouvriers. Il se disait qu’à Moscou, au mois d’octobre de l’an de grâce 1936, il était préférable de s’abstenir de tout commentaire sur ce genre de choses, surtout quand on avait la gueule de bois.
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– Ils voulaient que le camarade commissaire reste là jusqu’à ce que le bâtiment s’écroule autour de lui ! cria-t-il dans le vacarme. Il est cimenté dans le sol. Si on arrive à l’enlever en un seul morceau, on aura de la chance.
Korolev vit la masse, maniée par un des camarades de l’ouvrier, s’élever de nouveau et s’abattre sur un burin qui projeta des débris dans tous les sens en s’enfonçant un peu plus sous le bloc de marbre qui soutenait le commissaire. Korolev déglutit plusieurs fois pour tenter d’humecter sa langue sèche comme s’il avait mangé du sable.
– Ah ! Il a bougé. On va l’avoir, les gars ! lança en crachant l’homme à la masse.
Le crachat atterrit sur un tas de gravats à ses pieds. Korolev hocha la tête d’un air pensif, un stratagème qu’il trouvait très utile quand il ignorait ce qui se passait, et il avança d’un pas, timidement. À sa connaissance, Iagoda était toujours un membre éminent du Politburo et il avait droit au respect dû à sa position. Mais, de toute évidence, quelque chose avait changé si on déboulonnait sa statue.
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Il avança avec méfiance et gravit l’escalier menant au palier ; des débris craquaient sous ses pieds. Le commissaire n’était plus qu’une silhouette emmitouflée dans des couvertures, aux pieds de laquelle s’affairaient quatre ouvriers torses nus, armés de leviers, de marteaux et d’un porte-foret qui entra bruyamment en action. Apparemment, leur objectif était de déboulonner la statue, mais le socle ne semblait pas d’accord. Quand Korolev s’approcha, un des ouvriers leva la tête et lui sourit, laissant voir des dents blanches au milieu d’un visage couvert de poussière grise.
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Il s’arrêta, perplexe, se demandant ce qui se passait et cherchant l’origine de cette poussière et de tous ces gravats. Il fut récompensé par un mouvement flou qui déplaça la houle de brume sur le palier, là où se dressait la statue de l’ancien commissaire du peuple à l’Intérieur, Guenrikh Grigorievitch Iagoda. Un mouvement interrompu par le fracas d’un objet très dense heurtant ce qu’il devinait être le socle de la statue, à coup sûr. Le bruit, amplifié par le sol et les murs en marbre de l’atrium, fit à Korolev l’effet d’une gifle.
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Il était plus tard que d’habitude lorsque le capitaine Alexeï Dmitrievitch Korolev gravit le perron du 38 Rue Petrovka, quartier général du service des enquêtes criminelles de la Milice de Moscou. La matinée avait mal commencé et ça continuait ; par-dessus le marché, il n’arrivait pas à se débarrasser d’une migraine due à la vodka ingurgitée la veille au soir. C’est donc avec une résignation empreinte de lassitude, plutôt qu’un enthousiasme stakhanoviste, qu’il poussa un battant de la lourde porte en chêne. Après le soleil terne de la matinée, ses yeux mirent un certain temps à s’habituer à la relative pénombre, d’autant que d’épais nuages de poussière de plâtre tourbillonnaient dans le hall où il s’attendait à trouver des officiers en uniforme et une vive animation.
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En vérité, c'était une tragédie. Ils lui avaient appris à travailler pour le bien commun; ils lui avaient expliqué que l'individu est faible, mais que la collectivité était une force puissante, capable de changer l'Histoire elle-même.
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Il attira contre lui le garçon qui s'y trouvait et lui parla à l'oreille en lui caressant les cheveux.
J'ai fait ce qu'on me demandait de faire, rien de plus, expliqua le médecin. J'ai simplement obéi aux ordres.
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