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Citations de Wislawa Szymborska (137)


Wislawa Szymborska
L’imperfection est plus facile à supporter à petites dose.
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Wislawa Szymborska
QUEL GRAND BONHEUR

Quel grand bonheur

de ne pas savoir

dans quel monde on vit.

Il aurait fallu

exister longtemps

assurément plus longtemps

qu’il n’existe lui-même.

Juste pour comparer,

connaître d’autres mondes.

Se soulever au dessus du corps

qui ne sait rien mieux faire

que limiter

et dresser des obstacles.

Pour le bien de la recherche,

pour la clarté de l’image

au nom des conclusions dernières,

s’envoler au dessus du temps

au fond duquel tout cela virevolte et cavalcade.

Depuis cette perspective,

adieu à jamais

détails et épisodes.

Compter les jours de la semaine

apparaîtrait assez vite

dépourvu de sens.

Jeter une lettre dans la boîte –

une erreur de jeunesse sans cervelle.

L’écriteau : « Ne pas marcher sur la pelouse » –

pure folie.
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VUE D'EN HAUT

Sur un petit sentier gît un hanneton mort.
Ses trois paires de pattes soigneusement pliées.
Au lieu du mortel gachis - ordre et netteté.
L'horreur de cette vision reste modérée,
et sa portée locale, du chiendent à la menthe.
La tristesse ne se partage guère. Le ciel est bleu.

Pour notre tranquillité, les animaux ne meurent pas,
mais crèvent d'une mort que l'on dit moins profonde,
en y perdant-nous voulons le croire - moins de sens et de monde,
quittant, comme il nous semble, une scène moins tragique.
Leurs âmes humbles et soumises ne hantent pas nos nuits, gardent toutes leurs distances, restent à leur place.

Ainsi donc, le hanneton, gisant mort sur le sable,
brille au soleil dans son état nullement déplorable.
Il suffit de penser à lui d'un seul regard:
non, rien de capital ne lui est arrivé.
Ce qui est capital ne s'accorde qu'à nous.
A notre vie, à notre mort uniquement, notre mort qui, à tout instant, impose sa priorité.
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QUATRE HEURES DU MATIN

Heure de la nuit au jour
Heure du flanc droit au gauche
Heure pour avant la trentaine.

Heure balayée sous le chant des coqs.
Heure où la terre semble nous chasser.
Heure où nous glace le souffle des étoiles éteintes.
Heure de qu'est-ce qui-restera-bien-de-nous.

Heure vide,
sourde, aride.
Fond du fond de toutes les autres heures.

Personne n'est vraiment bien à quatre heures du matin.
Si les fourmis sont bien à quatre heures du matin
Bravo les fourmis.
Mais que viennent vite cinq heures
Si tant est que nous devons survivre.
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Nous pas lire

Pour le Proust, à la librairie,
te donnent pas de télécommande,
pas moyen de zapper
pour un match de football
ou un jeu où on gagne des Volvo.

Nous vivons plus longtemps,
mais moins scrupuleusement,
et en phrases beaucoup plus courtes.

Nous voyageons plus vite, plus souvent et plus loin,
et rentrons sans souvenirs, mais avec cartes mémoire..
C’est moi avec mon mec.
Là c’est mon ex je crois.
Et là tout le monde à poil,
donc à la plage, mais où.

Sept volumes, pitié.
Y a pas ça en plus court ?
Ou alors, encore mieux, en images ?
Y avait à la télé un truc, Marius, Fanny...
Mais ma belle-sœur me dit que c’est un autre Marcel P.

Et d’ailleurs, entre nous, c’est qui, votre Marcel.
Il a passé sa vie au lit, à gribouiller.
Une feuille après l’autre,
à pied, clopin-clopant.
Et nous , en cinquième vitesse,
touchons du bois, bien portants.
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Trois mots étranges

Quand je prononce le mot Avenir,
sa première syllabe appartient déjà au passé.

Quand je prononce le mot Silence,
je le détruis.

Quand je prononce le mot Rien,
je crée une chose qui ne tiendrait dans aucun néant.
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FIN DE SIÈCLE

Il devait être mieux que les précédents, notre XXe siècle.
Il n'aura plus le temps de le prouver,
ses années sont comptées,
son pas chancelant,
courte sa respiration.

Trop de choses se sont passées
qui n'auraient pas dû,
et ce qui devait advenir,
n'est pas advenu.

Ce devait être la promesse du printemps
et du bonheur, entre autres.

La peur devait quitter les montagnes et les vallées,
la vérité, plus vite que le mensonge
devait atteindre le but.

Quelques malheurs ne devaient
plus arriver du tout,
comme par exemple la guerre,
et la faim, et cætera.

On devait vraiment respecter
la vulnérabilité des vulnérables
la foi, et ainsi de suite.

Qui voulait se réjouir de ce monde
se retrouve face à un défi
impossible à relever.

La stupidité n'est pas drôle.
La sagesse n'est pas gaie.
L'espoir
n'est plus cette jeune fille
et caetera, hélas.

Dieu devait enfin croire en l'homme
un homme bon et fort
mais bon et fort
ça fait toujours deux hommes.

Comment vivre, me demande dans une lettre
quelqu'un que je voulais justement
interroger sur le même sujet.

À nouveau, et comme toujours,
comme il s'ensuit de ce qui précède,
il n'est pas de questions plus urgentes
que les questions naïves.
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"Curriculum Vitae

Que faut-il?
Il faut écrire une requête
et joindre son curriculum vitae.

Quelle que soit la longueur de la vie,
le C.V. se doit d’être court.

On est prié d’être succinct et de trier les faits.
Transformer les paysages en adresses.
Et souvenirs confus en dates sûres et certaines.

De toutes les amours, suffit le conjugal.
Et parmi les enfants, ceux qui sont nés vraiment.

Seuls ceux qui te connaissent, pas ceux que tu connais.
Voyages, si à l’étranger.
Appartenance à quoi, sans pourquoi.
Distinctions, sans à quel titre.

Écris comme si tu ne t’étais jamais
adressé la parole,
et t’évitais plutôt.

Tu peux omettre chiens, chats, oiseaux,
souvenirs de pacotille, amis et rêves.

Prix plutôt que valeur,
Titre plutôt que teneur.
Pointure de chaussures plutôt que où il va,
celui pour qui tu passes.
Joindre une photo avec une oreille bien visible.
C’est sa forme qui compte, non pas ce qu’elle entend.
Et qu’entend-elle au juste?
Le ronflement des machines à broyer du papier."
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"Quatre heures du matin

Heure de la nuit au jour
Heure du flanc droit au gauche
Heure pour avant la trentaine

(...)

Heure de qu'est-ce qui-restera-bien-de-nous.

heure vide,
sourde, aride.
Fond du fond de toutes les autres heures.

Personne n'est vraiment bien à quatre heures du matin.
Si les fourmis sont bien à quatre heures du matin
Bravo les fourmis. (...)"
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D'un regard il me fit plus belle,
et je pris cette beauté sans remords.
Heureuse, j'avalai une étoile.

S'il veut bien, qu'il me réinvente
à l'image de mon reflet
dans ses yeux. Je danse, je danse
dans les flots de mes ailes soudaines.
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"La Poésie

Certains –
donc pas tout le monde.
Même pas la majorité de tout le monde, au contraire.
Et sans compter les écoles, où on est bien obligé,
ainsi que les poètes eux-mêmes,
on n’arrivera pas à plus de deux sur mille.

Aiment –
mais on aime aussi le petit salé au lentilles,
on aime les compliments, et la couleur bleue,
on aime cette vieille écharpe,
on aime imposer ses vues,
on aime caresser le chien.

La poésie –
seulement qu’est-ce que ça peut bien être ?
Plus d’une réponse vacillante
fut donnée à cette question.
Et moi-même je ne sais pas, et je ne sais pas, et je m’y accroche
comme à une rampe salutaire."
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Wislawa Szymborska

Dans les wagons plombés
Des prénoms traversent la contrée,
Mais jusqu'où ils voyageront ,
Si un jour ils en descendront ,
Je n'en sais , Je ne vous dirai rien .

Prénom Nathan cogne contre la cloison ,
Prénom Isaac hurle et chante sa folie ,
Prénom Sarah , pour deux gouttes d'eau supplie ,
Puisque se meurt de soif le prénom Aaron .

Ne saute pas dans le vide , prénom David .
Ce prénom te flétrit pour la vie ,
Ce prénom on ne le donne à personne ,
C'est trop lourd à porter par ici .

Que ton fils porte un nom slave et blond ,
Car ici , chaque cheveu on recense ,
Car ici on sépare le bon grain de l'ivraie ,
D'après tes paupières et d'après ton prénom .

Ne saute pas . Que ton fils s'appelle Lech
Ne saute pas . Ce n'est pas encore l'heure
Ne saute pas . La nuit rit aux éclats .
Et ricanent les wagons sur la voie .

Un nuage humain passe sur le pays ,
Grand nuage , et une larme pour toute pluie
Petite pluie , rien qu'une larme , quelle sécheresse .
Et les rails dans le noir disparaissent .

C'est comme ça - Fait la roue , pas de clairière
C'est comme ça - Train de cris à travers bois
C'est comme ça - Dans la nuit je l'entends
C'est comme ça - Le silence cogne le silence .
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Hirondelle, épine du nuage,
ancre de l'air
Icare perfectionné
queue-de-pie en assomption!

Hirondelle, calligraphie,
aiguille sans les secondes,
gothique pré-volatile,
strabisme de l'azur
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S'il y a balance, aucun plateau ne tremble.
Si la justice existe, la voici.
     
Mourir juste ce qu'il faut sans dépasser la mesure.
Renaître ce qu'il se doit du reste sauvegardé.
     
...
     
Ici le coeur lourd, là non omnis moriar,
trois petits mots telles trois plumes de l'envol.
     
L'abîme ne nous scinde pas.
L'abîme nous entoure.
     
     
'L'autotomie' (extraits, pp. 53-54)
Traduit du polonais par Piotr Kaminski.
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Wislawa Szymborska
Plus je vieillis, plus je m'étonne
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Certains aiment la poésie

Certains -
donc pas tout le monde.
Même pas la majorité de tout le monde, au contraire.
Et sans compter les écoles, où on est bien obligé,
ainsi que les poètes eux-mêmes,
on n'arrivera pas à plus de deux sur mille.

Aiment -
mais on aime aussi le petit salé aux lentilles,
on aime les compliments, et la couleur bleue,
on aime cette vieille écharpe,
on aime imposer ses vues,
on aime caresser le chien.

La poésie -
seulement qu'est-ce que ça peut bien être.
Plus d'une réponse vacillante
fut donnée à cette question.
Et moi-même je ne sais pas, et je ne sais pas,
et je m'y accroche
comme à une rampe salutaire.


p. 112
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Je frappe à la porte de la pierre

- C’est moi, laisse-moi entrer.

- Je n’ai pas de porte, dit la pierre.
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Trois mots étranges

Quand je prononce le mot Avenir,
sa première syllabe appartient déjà au passé.

Quand je prononce le mot Silence,
je le détruis.

Quand je prononce le mot Rien,
je crée une chose qui ne tiendrait dans aucun néant.
Commenter  J’apprécie          220
Wislawa Szymborska
D’un regard il me fit plus belle,
et je pris cette beauté sans remords.
Heureuse, j’avalai une étoile.
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Conversation avec la pierre

Je frappe à la porte de la pierre
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je veux pénétrer dans ton intérieur,
y jeter un coup d'œil,
te respirer à fond.

- Va-t'en, dit la pierre
Je suis fermée à double tour.
Même brisée en mille morceaux
nous serons encore fermés.
Même broyés en poussière
nous ne laisserons entrer personne.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je viens par pure curiosité.
La vie en est l'unique occasion.
Je tiens à me promener dans ton palais,
avant de visiter la feuille et la goutte d'eau.
Je n'ai pas beaucoup de temps pour tout cela.
Ma mortalité devrait t'émouvoir.

- Je suis de pierre, dit la pierre.
Je suis bien obligée de garder mon sérieux.
Va-t'en, je n'ai pas de zygomatiques.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
On me dit qu'il y a en toi des salles grandes et vides,
jamais vues, aux beautés qui s'épanouissent en vain,
sourdes, où aucun pas ne retentit jamais.
Avoue maintenant que tu n'en sais pas davantage.

- Des salles grandes et vides, dit la pierre,
je veux bien, mais de place il n'y en a guère.
Belles, peut-être, mais hors d'atteinte
de tes six misérables sens.
Tu peux me connaître, mais m'éprouver jamais.
Toute mon apparence te regarde en face,
mais ce qui est intérieur te tourne à jamais le dos.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je ne cherche pas en toi un refuge pour l'éternité.
Je ne suis pas malheureuse.
Je ne suis pas sans abri.
Le monde qui est le mien mérite qu'on y retourne.
Je te promets d'entrer et sortir les mains vides,
et pour preuve de ma présence véritable en ton sein
je n'avancerai que des paroles
auxquelles personne n'ajoutera foi.

- Tu n'entreras pas - dit la pierre.
Il te manque le sens du partage.
Aucun sens ne remplace le sens du partage.
Même la vue affûtée jusqu'à l'éblouissement
ne te serait d'aucun secours sans le partage.
Tu n'entres pas, tu n'as que le désir de ce sens,
que son germe, son image.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je ne puis attendre deux mille siècles
pour pénétrer sous ton toit.

- Si tu ne me crois pas, dit la pierre,
va voir la feuille, elle t'en dira de même.
Ou la goutte d'eau qui le confirmera.
Tu peux même t'adresser à un cheveu de ta tête
Je sens monter en moi un grand éclat de rire,
un rire immense, que je ne sais pas rire.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
- Je n'ai pas de porte, dit la pierre.


pp. 27-29
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