À l'occasion de leur venue à la librairie Dialogues pour une rencontre autour de leur livre, "Escale en Polynésie" publié aux éditions Au vent des îles, Titouan et Zoé Lamazou nous ont confié plusieurs conseils de lecture !
La femme de Parihaka de Witi Ihimaera : hhttps://www.librairiedialogues.fr/livre/6737338-la-femme-de-parihaka-witi-ihimaera-au-vent-des-iles
le baiser de la mangue d'Albert Wendt : https://www.librairiedialogues.fr/livre/702160-le-baiser-de-la-mangue-albert-wendt-au-vent-des-iles
Diadorim de Doão Guimarães Rosa : https://www.librairiedialogues.fr/livre/999016-diadorim-joao-guimaraes-rosa-editions-10-18
Pina de Titaua Peu : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20130193-pina-titaua-peu-au-vent-des-iles
Au temps des requins et des sauveurs de Kawai Strong Washburn : https://www.librairiedialogues.fr/livre/18956184-au-temps-des-requins-et-des-sauveurs-roman-kawai-strong-washburn-gallimard
Manières d'être vivant de Baptiste Morizot : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16090590-mondes-sauvages-actes-sud-manieres-d-etre-vi--baptiste-morizot-actes-sud
Calanques, Les entrevues de l'Aiglet de Karin Huet : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16651719-calanques-les-entrevues-de-l-aigle-karin-huet-parc-national-des-calanques-glenat-livres
Belles découvertes !
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En jouant en douceur sur la couche glaciaire, la lumière irradiait le royaume sous-marin d’une lueur fantasmagorique. Les racines de glace géantes qui plongeaient de la surface vers le fond étincelaient, rutilaient, scintillaient et dardaient des prismes stroboscopiques dans la gigantesque cathédrale souterraine. La glace craquait, gémissait, frissonnait et sussurait, en glissando, comme une symphonie titanesque jouée sur un orgue géant.
Je découvrais que tout ce que l’on m’avait dit sur l’Australie se vérifiait : c’était un pays balèze, beuglard, baratineur, brutal et beau. Quand j’arrivais à Sydney, je fus hébergé par mon cousin Kingi qui avait un appartement a Bondi. J’ignorais que tant d’autres maoris habitaient là-bas (...) mais je compris bientôt pourquoi on surnommait la banlieue ”la vallée des kiwis”.
Jeff devait rentrer. Je savais qu’il le faisait à contrecœur. En fait, s’il était venu à Sydney, c’était pour s’éloigner le plus possible de sa famille. Il l’aimait infiniment, mais l’amour se change parfois en un jeu de pouvoir entre les ambitions que les parents nourrissent pour leurs enfants et les ambitions que ces enfants nourrissent pour eux-mêmes.
Dans les temps anciens, dans les années qui nous ont précédés, la terre et la mer éprouvèrent un sentiment de grand vide et d’ardent désir. Les montagnes semblaient mener droit au paradis, et la forêt humide, verte et luxuriante ondoyait comme une cape multicolore. Les remous du vent et des nuages animaient les cieux iridescents, où se reflétait parfois le prisme d’un arc-en-ciel ou d’une aurore australe. La mer chatoyante et moirée se fondait dans la voûte céleste. C’était le puits du bout du monde ; quand vous le regardiez, vous aviez l’impression de voir les limites de l’infini.
(Incipit)
L’Antarctique. Le puits du monde. Te Wai Ora o te Ao. À la surface, le continent blanc essuyait une tempête déchaînée, inhumaine. Dans les profondeurs hors d’atteinte des Furies, la mer était calme, comme détachée du monde. En jouant en douceur sur la couche glaciaire, la lumière irradiait le royaume sous-marin d’une lueur fantasmagorique. Les racines de glace géantes qui plongeaient de la surface vers le fond étincelaient, rutilaient, scintillaient et dardaient des prismes stroboscopiques dans la gigantesque cathédrale souterraine. La glace craquait, gémissait, frissonnait et susurrait en glissando, comme une symphonie titanesque jouée sur un orgue géant.
Dans les temps anciens, dans les années qui nous ont précédés, la terre et la mer éprouvèrent un sentiment de grand vide et d'ardent désir. Les montagnes semblaient mener droit au paradis, et la forêt humide, verte et luxuriante ondoyait comme une cape multicolore. Les remous du vent et des nuages animaient les cieux iridescents, où se reflétait parfois le prisme d'un arc-en-ciel ou d'une aurore australe. La mer chatoyante et moirée se fondait la voute céleste. C'était le puits du bout du monde ; quand vous le regardiez, vous aviez l'impression de voir les limites de l'infini.
L'homme peut imprimer sa marque dans un lieu, mais à moins de rester vigilant, la nature reprend vite ses droits.
Kahu fixait l’océan, mais semblait perdue dans un passé lointain. Son expression calme, résignée, nous força à nous retourner pour voir ce qu’elle voyait.
La terre basculait vers la mer. L’eau était d’un vert brillant qui se mêlait à un bleu foncé, puis à un violet vif. Le nuage illuminé bouillonnait au-dessus d’un emplacement précis à l’horizon.
Soudain, un claquement étouffé retentit dans les profondeurs, comme un portail géant s’ouvrant un millier d’années auparavant. Sous les nuages, la surface de l’eau poudroyait comme de l’or. Puis des éclairs bleus, de véritables missiles, jaillirent de la mer. Je crus apercevoir quelque chose voler dans les airs, traverser l’éternité et plonger au cœur de notre village.
Une ombre ténébreuse, suivie d’autres, montait des profondeurs en un essor continu. Soudain, la première ombre surgit et je distinguai le tohorā . Un colosse. Issu des abîmes et crevant la peau de l’océan. Son bond fut accompagné de marbrures d’éclairs et de chants effarants.
Koro Apirana poussa un cri tragique, car ce n’était pas une bête ordinaire, pas une baleine ordinaire. Elle venait du passé et son chant satura l’atmosphère.
Karanga mai, karanga mai,
karanga mai. Appelez-moi.
Mais avec le vieillissement du monde, au fur et à mesure que l’homme négligeait sa part de divinité, il perdit aussi le pouvoir de parler aux baleines, le pouvoir de fusionner avec elles. C’est ainsi que la connaissance de leur langue fut réservée à une poignée d’individus. L’un d’eux était notre ancêtre Paikea.
Kahutia Te Rangi était au nombre de ceux qui amenèrent la bénédiction chez nous. Il traversa l’océan à califourchon sur sa baleine, apportant les forces vitales qui nous permirent de vivre en intime communion avec le monde. Ces forces vitales, sous forme de sagaies, provenaient des maisons de la Connaissance situées à Hawaiki. (...). Les lances étaient les offrandes de ces maisons pour le pays nouveau. Elles étaient très importantes car, entre autres choses, elles instruisaient l’homme sur les moyens de communiquer avec toutes les créatures de l’océan afin que les uns et les autres puissent établir une alliance mutuellement bénéfique. Elles enseignaient ”l’harmonie universelle”.