Bari Wood

Johnny était l’un des enfants les plus effrayants qu’il ait jamais eu à soigner, et il n’avait strictement rien de magique en lui. Il avait à peu près le même âge qu’Amy, et l’année précédente il avait blessé son père au bras avec un rognoir. C’était un acte délibéré, mais il était si jeune que la justice avait décidé de le laisser à la garde de ses parents à condition qu’il voie un psychiatre deux fois par semaine. En un an de rapports difficiles avec lui, Moran avait appris que le petit Johnny n’avait utilisé le rognoir que parce que le couteau à découper et le hachoir de la maison n’étaient pas à sa portée, et qu’il n’avait atteint son père au bras que parce que celui-ci avait vu venir et paré le coup. En d’autres termes, Johnny Mengies avait tout simplement tenté d’éventrer son père. (...) Des enfants de ce genre étaient des monstres de naissance, pas des produits du monde qui les entourait. Moran avait du mal à l’admettre, parce que cette constatation allait à l’encontre de toutes ses convictions, mais il avait appris dans son travail que quelques individus – rares et spéciaux – devaient être considérés comme des calamités naturelles, comme les tremblements de terre, la grêle ou les ouragans. La chaîne d’ADN se détraquait quelque part et produisait un monstre au sens le plus absolu du terme (…).

La meilleure défense, c'est l'attaque, comme disait sa mère.

Les questions naissent toujours de la souffrance... les réponses causaient plus de souffrance encore.

Vois-tu, Grisha, nous autres Russes sommes pourris, pas par le luxe, la bonne nourriture ou quoi que ce soit qu’on pourrait nous envier, mais par des siècles et des siècles de barbarie, de malchance et de stupidité, qui font que nous ne savons rien obtenir autrement que par la ruse ou la force brutale.

Elle n'attendait pas de confirmation. Elle savait et il en pris tout à coup conscience. Se levant d'un bond comme le lapin effrayé auquel il n'avait pas voulu ressembler, il s'écarta d'elle.
― Je ne dis pas l'avenir, lieutenant, fit-elle en posant sur lui un regard ferme. Parfois je le vois, parfois non. Mais quand je le vois, je ne le dis jamais, parce que j'ai peur que les gens me croient et fassent en sorte que me prédiction s'avère.

Ses épaules se soulevèrent. Il pleurait, et elle pensa : Je vais te donner une vraie raison de pleurer. C 'est ce que sa mère avait coutume de dire.
Mike disparut et l'autre se retrouva seul. C 'était le moment. La corde à linge passerait autour de ses genoux, la poulie ferait le reste. Imaginant la scène, elle eut un frisson plus proche du plaisir que tout ce qu'elle avait jamais ressenti.
Elle ouvrit la porte d'entrée et l'appela.