Xavier Patier -
Chaux vive .
Xavier Patier vous présente son ouvrage "
Chaux vive" aux éditions de la Table ronde. Rentrée littéraire automne 2012.http://www.mollat.com/livres/xavier-patier-chaux-vive-9782710369639.htmlNotes de Musique :
Miles Davis - Ascenseur pour l'e?chafaud
Il ne faut jamais se taire. La parole est un sucre lent de la démocratie. Elle finit toujours par faire son œuvre. Le meilleur service à rendre à la vérité est de la répéter inlassablement. Il faut parler sans se lasser. Tant qu'on vous persécute, c'est que vous existez. Et si l'on vous insulte, alors réjouissez-vous.
C'est à moi que les gendarmes de Bugeat ont annoncé l'accident, et ils étaient si ennuyés en arrivant que je m'en suis voulu de ne pas savoir les consoler. Ils étaient descendus de l'estafette, képi à la main, dans la cour. Ils ont dit : "condoléances" . J'ai balbutié : " ce n'est pas grave" pour les mettre à l'aise . La phrase était mal choisie, ils m'ont pris pour un mauvais fils.
( p 11)
Il raconte que depuis l'âge de dix huit ans, il n'a pas passé une journée sans souffrir.
Certaines heures la douleur est tellement insupportable qu'il la combat en résolvant des exercices de mathématiques. Ou alors il se met dans son lit et sa sœur vient à son secours avec un bol de lait d'ânesse.
Les Peyrelade forment un couple intéressant : lui est maigre et sec, pâle de teint ; elle est grasse et rouge. Pourtant ils doivent avoir le même régime alimentaire depuis trente ans, et la même lecture des mêmes pages du Sud-Ouest, et le même point de vue sur les choses. Beaucoup de ménages en vieillissant ont un physique qui converge vers un modèle interchangeable : le mari prend des rondeurs, la femme du poil au menton, et ils pensent pareils.
( p 26 )
Comment, disait-il en lui-même, font-ils donc pour aller tous les jours d'un bureau à un appartement et d'un appartement à un bureau; pour partir le dimanche en vallée de Chevreuse avec une femme et des enfants, et au retour rester bloqués à Clamart dans des embouteillages; et aussi sortir dîner chez des raseurs qu'ils appellent leurs amis, et parler leur politique éperdument, comme si leur vie en dépendait, et aussitôt après descendre la poubelle et le samedi faire les courses, et pour tout dire s'acheminer vers la mort sans y penser jamais ? (p.7)
Il se disait : " J'arrête la politique, je pars en vacances" Ou alors il s'imaginait menuisier, bibliothécaire, bistrotier, avec une fille simple qui lui ferait une cuisine grasse et traditionnelle. Le fait qu'il n'ait pas su parvenir à un objectif aussi modeste, il le vivait comme une injustice.
( p 63)
La communauté nouvelle fondée par Guilbert Daillard tournait à l'empire immobilier, mais dans un genre " Relais et Châteaux" plutôt qu'habitat social. En se convertissant, Guilbert avait changé sa vie mais pas ses goûts : il était devenu chrétien sans cesser d'être bourgeois.
( p 131)
De mes cours à l’institut catholique de la rue de la Fonderie j'ai retenu cette phrase de Bergson : " Dormir, c'est se désintéresser." Il me tardait de dormir.
(p 159)
J'étais encore enfant; jouant sur le Vultur, ce mont apulien, j'avais passé les limites de ma terre nourricière, l'Apulie, et de fatigue j'avais cédé au sommeil. Vinrent des oiseaux merveilleux, des colombes, qui me couvrirent de frais feuillage. On s'en étonna chez tous les habitants du nid d'Acherontie, des bois de Bantia, des plaines fertiles où est l'humble Forente : on admira que j'eusse pu dormir sans crainte et sans danger parmi les noires vipères et les ours ; que le saint laurier, que le myrte se fussent amoncelés sur moi, enfant hardi, et protégé des dieux.
Le trajet qui sépare la rue Darquier de la place du Capitole n'est pas long, mais il est téméraire de prétendre le parcourir en voiture par temps de pluie. Dès qu'il tombe trois gouttes la circulation est bloquée. Le centre de Toulouse, qui n'a connu ni baron Haussmann ni bombardement, est un enchevêtrement de ruelles médiévales qu'on a mises en sens unique, quand on ne les a pas rendues piétonnes, et que barrent de proche en proche des camions de livraison qui ont l'éternité devant eux.
( p 18)