Quand vinrent les épreuves et la maladie, elle marcha à travers les écueils comme sur une route lisse, elle consomma l’amertume comme si ce fût du miel.
Ce fut en un de ces moments que la Belle me dit : "Voilà quatre années révolues que je suis entrée chez vous. J'ai eu tout loisir de voir combien vous êtes généreux et loyal, jamais mesquin ou méchant même pour des vétilles. Je suis la seule à vous avoir compris et excusé chaque fois qu'on vous a reproché un de vos actes. J'éprouve encore plus de respect pour vos qualités de coeur et d'esprit que d'attirance pour votre séduction physique. Les dieux et les démons devraient se tenir à une distance respectueuse. Si le ciel savait, il vous viendrait en aide. Mais la vie humaine, en ce monde, est soumise à de bien cruelles vicissitudes et à moins d'être de métal ou de pierre, il est difficile de traverser ces épreuves sans périr. Si nous avons un jour le bonheur de rentrer vivants chez nous, nous devrions renoncer à ce que nous possédons pour vivre libres et détachés de tout. N'oubliez pas, alors, ce que je vous dis à présent."
J'ai composé une élégie de plusieurs milliers de mots pour la pleurer, mais les contraintes prosodiques m’empêchaient de donner libre cours à mes sentiments. Aussi vais-je tenter, simplement, de donner libre cours à mes sentiments.
Des cassolettes xuande brûlaient toute la nuit et donnaient une cendre aux teintes d'or fondu ou de jade couleur miel. Si l'on prelevait un pouce de braise incandescente et que l'on faisait brûler dessus de l'encens posé sur une couche de gravier, il dégageait son parfum jusqu'à minuit sans se carboniser ou fondre et se cristallisait en diffusant une épaisse fumée ; la chambre était remplie d'une senteur à la fois chaude et fraîche comme celle des fleurs de prunier ou de poires musquées, que nous savourions en silence, les narines dilatées.
Nous ne formons qu'un seul être. A présent qu'elle est morte, je ne sais en fait qui est mort , d'elle ou de moi.
La belle conservait dans son appartement neuf pieds d'orchidées de printemps et des orchidées du Fujian, ainsi du printemps à l'automne, l'air y était aussi embaumé que dans la région des lacs qui les produit. Elle en parfumait l'eau dont elle baignait ses mains.
L'amour nait de l'intimité, et l'intimité toujours porte à embellir. Mais en dépit de ces récits embellis de l'amour, rares sont sous le ciel les créatures vraiment dignes d'amour.
Nous ne formions qu'un seul etre. A présent qu'elle est morte, je ne sais qui est mort, d'elle ou de moi !