Le monde de Zhuzi est comme un cercle fermé. Peu importe d'ailleurs, puisqu'il en va de même du mien. Un cercle n'a ni commencement ni fin, et si je ne peux trouver ce que je cherche dans mon propre cercle, il est hors de question que je puisse le trouver dans celui d'un autres. Les cercles de deux êtres peuvent se couper ou même être concentriques : ils ne peuvent jamais coïncider. Quoiqu'on fasse, un couple ne peut être que la somme de deux personnes. De là découle la solitude humaine.
On dit que le cœur guérit plus difficilement que le corps. Quelle connerie ! C'est exactement le contraire : le second met plus longtemps à cicatriser. Un cœur meurtri n'est que cendres de souvenirs. Le corps est tout. Le sang et les veines, les cellules et les nerfs. C'est quand, après avoir quitté un homme avec qui on a dormi pendant trois ans, on se blottit toujours du même côté du lit, comme s'il était encore là. C'est ça, un corps blessé : lorsque physiquement on se sent relié à celui qui n'est plus là.
Ma jeunesse a commencé l'année de mon vingt et unième anniversaire. Ou du moins, c'est ce que j'ai décidé. Lorsque j'ai pris conscience que j'avais peut-être moi aussi droit aux choses qui brillent.
Si vous trouvez que vingt et un ans, c'est tard, dites-vous bien que le plouc chinois de base saute en général directement de la case enfance à l'âge mûr sans passer par la jeunesse. Quitte à rater une étape, j'étais décidée à ce que ce soit la maturité. Être jeune ou mourir : tel serait mon destin.
Il m'embrasse sur la joue et me dit à ce soir à la maison. C'est naturel, comme à la télé occidentale, un mari dit au revoir à sa femme tous les matins quand il part au travail. Je le vois disparaître avec le bus. Et j'ai un étrange sentiment envers lui.
Quand je quittais le monde de mes grands-parents, c'était pour réintégrer mon monde secret que personne ne pouvait imaginer. Ce monde était ma nuit noire.
Graines ou tiges d'herbes sauvages, pissenlits qui tentaient de pousser au pied des murs, toiles d'araignées sous les auvents des maisons, les typhons et les pluies emportaient impitoyablement tout ce qui n'avait pas la force de leur résister, ne laissant subsister que les pierres. (p22)
Le serveur demande : « Que désirez-vous? De l’eau plate ou vaseuse?
- Hein? L’eau vaseuse? » Je suis choquée.
« D’accord, de l’eau vaseuse. » Il va chercher une bouteille d’eau.
J’ai une grande curiosité de cette eau étrangère. J’ouvre la bouteille et les bulles montent à la surface. Comment on met ces bulles dans l’eau? Sûrement, elles sont la technologie avancée. Je bois. Le goût est amer, très vaseux, pas naturel du tout, comme le poison.
A partir de mes sept ans et pendant toutes les années qui ont suivi,chaque fois que je me trouvais dans un endroit désert ,dans la grande salle obscure,quand je sortais le soir,le muet, usant de son pouvoir absolu ,m'attirait contre lui , introduisait ses doigts dans mon vagin douloureux et tripotait mon bas-ventre. Il semblait n'avoir pas d'autre but dans la vie. Seule sa mort aurait pu me libérer.
J'ai toujours voulu quitter mon village, un bled paumé qui ne figure sur aucune carte chinoise. enfant déjà, je préparais ma fuite. Tout ça, à cause du cours d'eau qui passait derrière chez nous. Son constant murmure m'attirait. Mais je n'en voyais ni la fin ni le début. Il coulait à perte de vue. Où allait-il ? Pourquoi est-ce que le soleil, de plomb ne l'asséchait pas, comme le reste ?
Il soupira et reprit:
-Mais ceux qui sont nés sous une mauvaise étoile sont plus solides que les autres.
Je ne savais pas s'il voulait parler de mon père, de moi ou de lui-même car sa jambe le faisait peut-être souffrir en permanence.
-Tu sais, Corail Rouge, c'est justement ton cas, mais quand tes malheurs seront passés, tu seras invulnérable.
J'allais donc être invulnérable?