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Citations de Lianke Yan (180)


Lianke Yan
Souvent, c’est sous forme de roman qu’il faut exprimer la réalité car, parfois, ce n’est qu’en empruntant la passerelle de la fiction que la réalité peut pénétrer dans le monde tangible.
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Lianke Yan
Souvent, les détails n'ajoutent à l'histoire ni force ni grandeur. Peut-être même, parfois, en les omettant, lui donne-t-on plus de force et d'authenticité tout en lui permettant de mieux se développer et se transformer.
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L’aïeul allait uriner.
A la suite de l’homme, le chien se soulagea lui aussi.
Depuis quinze jours, c’était la première chose qu’ils faisaient après s’être réveillés, ils allaient uriner sur ce champ en pente, à quelque quatre kilomètres du village. Sur ce versant ensoleillé, il y avait un pied de maïs que l’aïeul avait planté. Uniquement ce pied, pâlissant au fur et à mesure des jours de sécheresse, uniquement ce pied qui dispensait un peu d’humidité alentour, dans l’air en combustion. L’urine, c’était de l’engrais. Il y a de l’eau dans l’urine. L’eau dont le maïs manquait se trouvait là, dans l’urine qu’ils avaient accumulée, lui et son chien, au cours de la nuit. L’aïeul pensait que probablement, durant la nuit, dans un bruissement, la plante avait encore poussé d’un index, qu’une cinquième feuille était apparue. Une timide sensation veloutée gagna son cœur, puis prit de l’ampleur pour envahir toute sa poitrine ; son visage rosissait. Les feuilles de maïs ne poussent qu’une par une, pensait-il, alors que celles des ormes, des sophoras, des cèdres, poussent deux par deux, pourquoi ?
Qu’en dis-tu, l’aveugle ? Il se tourna vers le chien pour lui poser la question. Pourquoi les arbres et les cultures sur pied ne poussent-ils pas de la même façon ?
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L’aïeul interrogea le chien. Il dit, l’aveugle, quand tu étais jeune, combien de chiennes as-tu connues ?
Le chien le regardait sans comprendre.
Il dit, dis la vérité, l’aveugle, il n’y a personne d’autre que toi et moi ici, tout est tranquille.
Le chien continuait à le regarder sans comprendre.
Tu ne veux pas parler, tant pis. L’homme poussa un soupir. Un peu déprimé, il alluma sa pipe. Face à l’obscurité, il dit, comme c’est bon d’être jeune, d’avoir un corps fort et une femme la nuit. Si la femme est intelligente, au retour du champ, elle t’apporte de l’eau, et si ton visage est en sueur, elle te passe un éventail. Les jours de neige, elle te chauffe le lit. Si durant la nuit vous vous êtes retrouvés, et que tu te lèves tôt le matin pour aller au champ, elle te dit de te reposer encore un moment. Vivre de cette façon, il inspira énergiquement une bouffée de sa pipe, puis expira longuement, caressa le chien et poursuivit, vivre de cette façon, c’est vivre comme les immortels.
Il demanda, tu as eu ce genre de vie toi, l’aveugle ?
Le chien demeura silencieux.
Il dit, qu’en dis-tu, l’aveugle, est-ce que ce n’est pas pour ce genre de vie que les hommes viennent au monde ?
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Il ne comprenait pas comment il pouvait s’ennuyer lorsqu’il était couché avec sa femme. Avec elle, il avait l’impression d’être un éléphant coincé dans un puits, privé de sa liberté de mouvement. Faire l’amour revenait à semer des melons pour récolter des haricots, des haricots desséchés de surcroît, ou à semer des haricots pour récolter des graines de sésame qui ne contenaient pas d’huile.
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La belle peau blanche de Liu Lian l'attirait comme un plat de pâtes attire le mendiant affamé et l'ovale de son beau visage rose, tel un melon mûr à point, appelait sa gorge brûlante et ses mains desséchées.
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Il avait toujours tout cultivé avec succès, blé, haricots, sorgho, sa production avait toujours été la meilleure du village. Sur la chaîne montagneuse, aucun paysan ne pouvait rivaliser d’adresse avec lui. Debout devant la culture, ses lèvres étaient devenues aussi arides que la terre environnante, il ne but pourtant pas, ne puisa pas non plus de quoi remplir un demi-bol pour le chien. Il ne savait pas où il pourrait trouver des excréments humains. Les latrines du village étaient toutes sèches et pulvérulentes, ce qu’il restait d’excrément avait déjà brûlé comme du bon bois. Cela faisait plusieurs jours que le chien et lui-même n’éprouvaient plus le besoin d’aller à la selle, leurs corps avaient absorbé tout ce qu’ils avaient pu ingurgiter sans rien vouloir rejeter. L’aïeul songea aux lambeaux de peau du dernier rat dont ils s’étaient nourris, il descendit dans le ravin pour en chercher, mais en vain. Il devina que l’aveugle avait tout mangé durant son déplacement à la source. Il gravit la pente, suffoquant, voulut interroger le chien, mais ne fit que se tenir face à lui un moment, silencieusement, avant d’aller puiser dans la marmite un bol de l’eau dans laquelle avait cuit le rat, de l’eau avec quelques gouttes d’huile. Ensuite, il ne referma pas le couvercle, il se tourna pour dire au chien, bois si tu as faim ou soif. Enfin, prenant le sac à provisions, il prit la direction du village. Il allait chercher de l’engrais.
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Cette année-là, la sécheresse semblait ne jamais devoir finir, le temps lui-même paraissait avoir été réduit en cendres et le charbon des jours se consumait dans nos mains. Le soleil brillait en grappes infinies au-dessus de nos têtes. Dès le matin, et jusqu'au soir, l'aieul respirait l'odeur de ses cheveux roussis. Quelquefois, il tendait la main dans le vide. Il pouvait alors sentir l'odeur de ses ongles cramoisis. Journée de merde! Il jurait ainsi tout le temps, quittant le village dépeuplé, foulant un abîme de silence, les yeux mi-clos, un regard jeté de biais vers le soleil, il disait, viens l'aveugle, partons. Le chien suivait, guidé par le bruit du pas alourdi par les ans, et deux ombres quittaient le village.


(Incipit)
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Wu Dawang était considéré par tout le régiment comme l’étudiant modèle. Il avait donc parfaitement assimilé la pensée politique qu’on lui avait enseignée et comprenait mieux que quiconque le sens profond de la pancarte. Les cinq étoiles symbolisaient la révolution. Le fusil et la gourde représentaient le combat et l’histoire, le long et difficile processus révolutionnaire. Quant aux gerbes de blé, elles préfiguraient la prospérité et le bonheur futur, les années de félicité qui suivraient l’avènement du communisme.
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L'aïeul allait uriner. À la suite de l'homme, le chien se soulagea lui aussi.
Depuis quinze jours, c'était la première chose qu'ils faisaient après s'être réveillés, ils allaient uriner sur ce champ en pente, à quelques kilomètres du village. Sur ce versant ensoleillé, il y avait un pied de maïs que l'aïeul avait planté. Uniquement ce pied, pâlissant au fur et à mesure des jours de sécheresse, uniquement ce pied qui dispensait un peu d'humidité alentour, dans l'air en combustion.L'urine, c'est de l'engrais. Il y a de l'eau dans l'urine. L'eau dont le maïs manquait se trouvait là, dans l'urine qu'ils avaient accumulée, lui et son chien, au cours de la nuit. L'aïeul pensait que probablement, durant la nuit, dans un bruissement, la plante avait encore poussé d'un index, qu'une cinquième feuille était apparue. Une timide sensation veloutée gagna son cœur, puis prit de l'ampleur pour envahir toute sa poitrine (...). Les feuilles de maïs ne poussent qu'une par une, pensait-il, alors que celles des ormes, des sophoras, des cèdres, poussent deux par deux, pourquoi ?
Qu'en dis-tu l'aveugle? Il se tourna vers le chien pour lui poser la question. Pourquoi les arbres et les cultures sur pied ne poussent-ils pas de la même façon?
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Si on peut être heureux un seul jour, il faut en profiter.
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L’horizon rouge du couchant se faisait de plus en plus mince et l’aïeul entendait le froissement des rayons qui se retiraient comme un pan de soie. Ramassant les grains émiettés au creux de la pierre, il songea qu’une journée encore venait de s’achever, et qu’il ignorait comment il pourrait passer la suivante
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Il leva très lentement la tête. Du lointain, à l'ouest, lui parvenaient de misérables cris. Il porta son regard le plus loin possible. Il vit, entre deux faîtes, le soleil disparaître, englouti derrière une troisième cime. Restait un flot rouge brillant, s'écoulant du haut vers le bas de la montagne, se déversant jusque auprès de lui. Le monde entier se tut instantanément. C'était l'heure du silence le plus intense, entre le déclin du jour et la tombée de la nuit. À cet instant-là, autrefois, on voyait les coqs monter sur leurs supports et les moineaux rentrer au nid, le monde s'emplissait d'une pluie de gazouillis. Mais aujourd'hui on ne voyait plus rien, ni bétail ni moineau, même les corbeaux avaient fui la sécheresse. Il n'y avait plus que le silence. L'horizon rouge du couchant se faisait de plus en plus mince et l'aïeul entendait le froissement des rayons qui se retiraient comme un pan de soie.
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Le jeune maïs poussait de plus en plus. La nuit venue, ses feuilles bruissaient très légèrement, cela ressemblait à la respiration d'un bébé profondément endormi. Ce soir-là, l'aïeul et son chien s'étaient assis près de la plante, se reposant après une journée de labeur. À écouter sa respiration, ils sentaient leurs articulations et leur os mollir et se détendre. La lune apparut, avec sa face féminine, suspendue au sommet de la voûte céleste, de claires étoiles autour d'elle. On aurait dit les boutons d'un vêtement de fête, cousus de soie bleue, incomparablement vaste.
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page 144
[...] Les gueulards des quelque vingt fourneaux étaient déjà ouverts, les hommes apportaient avec leurs palanches l'eau de la rivière et la déversaient seau après seau par cette ouverture et celles des poitrines pour qu'elle se répande à l'intérieur. Tandis que, glacée, elle arrosait le four bouillant, le froid et le chaud entraient en collision avec un bruit assourdissant de gigantesque explosion. Des fumées noires et blanches jaillissaient, sautaient en grondant hors de la bouche et s'échappaient en fonçant vers le ciel. A l'intérieur les loupes se formaient. La vingtaine de colonnes de fumée s'enroulaient comme des nuages. L'Enfant s'avança à l'intérieur de cette vapeur, et il fut comme l'oiseau quand il s'envole au plus profond du firmament. Premier fourneau, deuxième fourneau, lorsqu'il fut au treizième, le plus grand, voici qu'il vit l'Erudit agenouillé au sommet, à deux pieds à peine du gueulard, d'où montait un panache d'un bon mètre de diamètre qui lui frôlait le visage et s'y accrochait. Et comme il s'approchait, à la clarté de la neige, dans sa lumière immaculée, il vit aussi que sur son haut chapeau conique, en plus du "fornicateur" originel en caractères noirs gros comme le poing, il avait ajouté "traitre à la patrie, anti-Parti, renégat, insulte à la nation, ne respecte pas les dirigeants, méprise le petit peuple, rejette la civilisation humaine, s'oppose au bien-être du peuple, pelote les femmes, met l'amour au-dessus de tout, martyrise les vieillards et les enfants, prend des chemins erronés", toutes sortes de crimes, enfin, répartis autour du "fornicateur", à droite, à gauche, au-dessus et au-dessous, ainsi qu'à l'arrière de la coiffe. La fumée et la vapeur bouillonnantes s'élevaient devant lui, l'encre noire lui dégoulinait sur le visage. [...]
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La chemise de nuit était largement fendue sur les côtés et, à chaque retour du souffle, elle se soulevait et laissait voir la belle peau blanche et lisse de ses longues cuisses effilées. A vrai dire, c'était la première fois de sa vie qu'il voyait une femme en chemise de nuit. Un parfum enivrant de fleur d'osmanthe émanait de dessous la chemise de nuit chaque fois que le souffle la soulevait, envahissait peu à peu la pièce et devenait oppressant. Il respirait de plus en plus difficilement et la sueur ruisselait dans la paume de ses mains dont il ne savait que faire. Il restait donc les bras ballants. Ses mains tremblaient un peu et la sueur continuait de couler.
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Alors qu’ils aspiraient au retour du printemps, les paulownias s’étaient obstinés à laisser s’épanouir leurs corolles blanches, et les abricotiers, des fleurs d’un jade immaculé. Mais lorsqu’il fut venu, Kong Dongde s’aperçut qu’au carrefour, au moment où les forsythias sur les tombes auraient dû verdir et s’épanouir, ils n’en faisaient rien. De même les saules, à côté des puits ou sur les berges de la rivière, ne bourgeonnaient pas. On n’était pourtant pas retourné en hiver, il faisait chaque jour plus doux, et les gens avaient remisé leur veste molletonnée — si l’on s’en fiait à l’habitude, puisque la fête des morts, jour de Pure Lumière, était passée, qu’on approchait de la période dite de la « pluie des céréales », par quelque bout qu’on le prenne, le printemps aurait dû se manifester, l’univers se parer de fleurs rouges et de verdure. Le renouveau pourtant, en dépit de la troisième lune du calendrier traditionnel, refusait catégoriquement de pointer.
C’est en remâchant de telles pensées qu’en un des matins de ce printemps Kong Dongde suspendit son couple de martins huppés au saule sur la tombe de Zhu Qingfang, dans le centre du village. p 78
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L’univers était parfum d’automne.
Un automne profond, dont le temps était venu.
Dans les monts flottait une odeur sucrée de maïs, si dense qu’elle prenait à la gorge. Sur les auvents des maisons, aux pointes des herbes, et dans la chevelure de ceux qui travaillaient aux champs, partout elle accrochait son jaune, ruisselant à gouttes que veux-tu, chatoyant d’un éclat d’agate à illuminer un village.
La chaîne en était embrasée.
L’univers s’en était allumé.
(incipit)
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… mais quand on est vieux c’est différent, quand on est vieux, on vit seulement pour un arbre, un brin d’herbe, des petits enfants. C’est toujours mieux de vivre que d’être mort.
(poche, p.31)
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Il pesait sur le village un calme épais et profond au milieu duquel les stridulations des cigales qui avaient envahi rues et demeures sonnaient telles les mailles d’un collier d’argent ; sur la campagne régnaient les cris des oiseaux de nuit, partout on aurait cru voir flotter de noires soieries. Les étoiles étaient assez rares, mais la lune si ronde et pleine qu’on l’eût dit sur le point d’exploser. Et sa lumière si blanche qu’on aurait distingué la moindre fourmi aventurée dans la nuit.
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