Yasmine Liénard

Puisque ce n'est plus le mental qui va nous rassurer et nous réconforter sur ce que nous sommes ou sur ce que nous valons, c'est notre corps qui va devenir le support de notre attention et notre axe d'exploration jour après jour.

S'incarner c'est quitter la névrose, le délire, les ruminations, les préoccupations sur le passé ou le futur.

C'est accéder à un nouvel état d'être, non rationnel mais puissamment réel.

Dans le train de vie pressé des villes, il nous semble difficile de faire des pauses.

Ne pas en faire donne trop de pouvoir au pilotage automatique des pensées. Nous devenons esclaves de nos schémas.

Faire régulièrement des pauses, c'est comme aller s'asseoir aux pieds d'un vieux sage et lui demander conseil pour notre vie.

J'ai voulu délivrer un message très simple :
un être humain est un trésor unique et formidable
à partir du moment où il évolue dans de bonnes conditions avec comme terreau l'amour et la prise au sérieux de ses besoins.

Une des clés de la guérison et de la joie est de cesser de se préoccuper de ce que l'on vaut et plutôt d'offrir au monde sa vraie nature authentique et fragile.

Etre libre est le plus beau cadeau que l'on puisse s'offrir.

L'inconfort n'est pas l'indicateur que quelque chose ne va pas. C'est plutôt un développement positif et un marqueur de progrès dans le travail somatique. Nous pouvons ainsi l'accueillir avec une attitude d'ouverture et de curiosité. La perturbation est une expression de "la sagesse du corps". L'inconfort est toujours un message incitant à se relaxer et à se laisser imprégner par le feu d'une expérience plus large.

La plupart du temps, nous détournons notre attention de cette raideur désagréable. Nous allons dans nos pensées conceptuelles.
Plus nous fermons notre corps, plus nous nous réfugions dans nos pensées.

S'aimer soi-même est une attitude saine, et libératrice,
et ce n'est certainement pas se fabriquer une nouvelle personnalité pour pouvoir s'admirer.
C'est prendre au sérieux ses propres ressentis et besoins.

La méditation est souvent présentée comme une solution pour apaiser la souffrance et trouver de la sérénité.

Je crois sincèrement qu'effectivement elle permet d'aller mieux.

Non pas tant parce qu'elle nous met dans une bulle protectrice qui nous coupe du stress ambiant, mais parce qu'elle est au contraire un chemin de vérité.
Elle nous permet d'aller mieux en nous permettant de nous voir en face.

Plus nous pratiquons ce travail corporel [de méditation, de pleine conscience, être "ici et maintenant" sans juger],
plus nous avons confiance dans la sagesse de notre corps
pour résoudre les problèmes.

Accepter les émotions revient à accepter l'idée que le mental conscient ne peut pas tout contrôler. En effet, les émotions sont des expériences somatiques, issues du corps, qui se déclenchent en fonction d'un nombre infini de facteurs - nous pouvons en distinguer certains, mais pas tous.
Accepter que le corps réagisse ainsi d'une façon qui nous échappe parfois totalement, c'est le début du lâcher-prise, et la fin de la toute-puissance de l'ego. Ce lâcher-prise ne peut s'établir que sur la confiance en la sagesse du corps. Le corps n'est pas notre ennemi.

Répondre à ses besoins essentiels

Les émotions ne sont donc pas des ennemies mais des alliées. Lorsque l'on prend le temps de les écouter, d'être disponible à elles, en réalité elles nous indiquent nos besoins fondamentaux.

Si je suis triste, je peux ressentir mon besoin d'affection.
Si je suis en colère, je peux éprouver le besoin de m'exprimer et mettre des limites à quelqu'un qui m'a heurté.

Il est important de commencer par ce postulat :
"Tout ce que je ressens est légitime."

Revenir à l'expérience vécue
"je suis" plutôt que "qui suis-je"

Notre vraie nature n'est pas à chercher à l'extérieur de soi. Il ne s'agit pas de la gagner ou de l'atteindre.
Il s'agit plutôt de se tourner vers son expérience si riche, si subtile, si profonde.

Ne saisissez pas tout avec vos mots.
Il y a une réalité lorsqu'on renonce à comprendre. Il y a un espace entre les pensées. Il y a quelque chose qui se vit sans se nommer.
Or nous ne donnons de l'importance qu'à ce qui peut se nommer. Comme si la réalité n'avait le droit d'être que si elle a des mots pour la dire.
Mais alors comment expliquer que dans certaines langues il y ait des dizaines de mots pour définir ce qu'une autre langue ne dit qu'en un ou deux mots ?

Etre en colère contre ses parents peut être un chemin libératoire pour s'affirmer en tant que sujet et non plus magma fusionnant avec les autres.
Mais bien sûr, ce sont surtout les parents intériorisés qui vont nous intéresser, et notamment la fonction de critique intérieur.
Il est question d'apprendre à être vrai et de cesser de se battre contre la réalité de ce que l'on ressent, désire, crée, etc.

Intellectualiser ou parler des problèmes
peut laisser le sujet englué dans ses vieux schémas et comportements.

Une société définit implicitement des règles, des modes de vie pour assurer le fonctionnement du groupe.
Pour la plupart des personnes, se raccrocher à des normes permet d'éviter de se confronter à sa propre existence, à prendre la responsabilité de son chemin propre. Nous cherchons des guides à l'extérieur de nous-même car cela nous rassure. Si nous ne trouvons pas ce guide intérieur, rien ne nous apprend ce qu'il faut faire pour faire face aux difficultés. (...) Comme nous cherchons notre sécurité pour survivre, nous privilégions ce qui nous permet le confort et l'intégration sociale. (...)
Une des peurs est la solitude, car il s'agit de survie. (...) Il vaut mieux se travestir, jouer un rôle que de se retrouver perdu, seul.

Comment alors se confronter à sa vraie nature, puisque par essence elle nous échappe, et implique de quitter notre mode habituel de fonctionnement : chercher la sécurité et l'intégration au groupe ?

Pédagogie de la dépression

Montrer que les ruminations sont liées à des pensées sur le passé, le futur, des hypothèses, des statistiques, et à la volonté que les choses soient autrement que ce qu'elles sont. Il s'agit donc d'une fuite de l'expérience de l'instant présent. Un refus que les choses soient ce qu'elles sont.

Apprendre à accepter les choses telles qu'elles sont, moment après moment, va permettre le lâcher prise et découvrir de nouvelles ressources pour faire face.

Je n'ai trouvé que dans les ouvrages spirituels ou bouddhistes l'idée que ce soi ne se fabrique pas.
Qu'il est fondamentalement là et essentiel donc. (...)

Fabriquer un soi performant, fonctionnel, parfaitement intégré à une société peut participer d'un certain matérialisme occultant la différence et la singularité de chacun.

C'est un sujet très délicat à aborder.
Accepter que nous soyons conditionnés et pas vraiment libres nous met souvent mal à l'aise.
C'est une idée que nous refusons. Nous cherchons à éviter en général de nous confronter à cette question, car elle soulève en nous une angoisse profonde