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Critiques de Youri Rytkhèou (42)
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L'étrangère aux yeux bleus

Ce roman a pour théâtre le Territoire national des Touchkches, une tribu nomade d’éleveurs de rennes à l’extrême-Orient de la Russie, au bord du détroit de Béring, peuple qui avant la révolution russe avait des contacts réguliers avec l’Alaska..

J’avoue n’en avoir jamais entendu parler avant ce livre.



En juin 1947 y arrive une jeune doctorante, Anna Odinsova, mandatée par ll’Institut d’ethnographie de l’Acadamie des sciences de Leningrad pour y étudier le peuple tchoukche.

Elle est énergique et a décidé de s’y consacrer à fond, elle veut vivre comme une vraie autochtone et ce, malgré tous les avertissements qu’on lui donne car cela implique de vivre sous des températures polaires, sans confort, sans se laver.



Elle épouse rapidement un Tchoukche et part avec lui rejoindre sa famille dans la toundra.

En 1947, la seconde guerre mondiale a pris fin depuis peu et le pouvoir soviétique entend à tout prix mettre fin aux exploitations privées pour créer des kolkhozes.



Le roman nous relate donc comment s’opère l’intégration d’Anna, prétexte à une profonde analyse ethnographique : au cours de la lecture, de très nombreux mots tchoukche s’imprègnent dans notre mémoire à force d’être répétés (Tanguistan, yaranga, polog...), tout nous est dit sur leurs coutumes, leur manière de survivre dans des conditions difficiles, leur rapport avec les rennes et enfin le chamanisme.

Youri Rytkhéou est Tchoukche lui-même et son père était chaman

Le sachant, cela m’a amené à me défaire quelque peu de mon cartésianisme sinon je reconnais que certains épisodes m’auraient rebuté davantage.

C’est un roman, c’est en même temps une description ethnologique de ce peuple, c’est une description du chamanisme, c’est enfin une plongée dans l’histoire, dans la vaine lutte de ce peuple pour garder son mode de vie, c’est aussi un témoignage sur un monde qui hélas n’est plus.
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L'étrangère aux yeux bleus

En 1947, Anna Odintsava, jeune étudiante en ethnologie se rend à Ouelen, ville de Sibérie, avec l'ambition de rédiger une thèse sur le peuple tchouktche.

Elle y rencontre Tanat, un jeune tchouktche, sur le point de rejoindre sa famille dans la toundra avant de partir faire ses études supérieures à Anadyr.

Anna va se marier avec lui et s'acclimater à sa nouvelle vie. Son beau-père, Rinto, chef de clan et chaman, va même l'initier au chamanisme. N'oubliant pas son objectif de départ, elle note tout consciencieusement dans ses carnets afin de rédiger sa thèse.

Toutefois, le régime stalinien souhaite sédentariser ce peuple et les éleveurs de rennes doivent mettre en commun leurs biens dans les tristement célèbres kolkhozes.

Anna et Rinto vont devoir se battre pour garder leur indépendance.

Un récit magnifique, une véritable ode au peuple tchouktche qui nous permet de vivre un beau voyage en Sibérie et de nous faire réfléchir.
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L'étrangère aux yeux bleus

Dans le pays des Tchouktches, près du détroit de Béring, une jeune femme ethnographe Anna Odintsova arrive de Léningrad en 1947. Prête à tout pour connaître les tchouktches, elle épouse Tanat, le premier homme qu'elle a rencontré.

Tanat veut continuer ses études, mais Anna va le convaincre de travailler avec son père éleveur de rennes depuis des générations. "Ce que je veux c'est vivre comme eux sans rien leur imposer".

La famille partira très loin sur des terres hostiles . Elle luttera pour empêcher les bolcheviks de confisquer les milliers de bêtes élevées avec soin depuis des générations et que celles-ci ne finissent mal soignées, à l'abandon dans un kolkhoze.

Anna passionnée, veut tout connaître de l'intérieur, elle travaille durement, s'habille, vit comme une tchouktche et note tout dans des cahiers.



Ce roman d'un auteur tchouktche est magnifique parce qu'il fait vivre ce qui est perdu à jamais : un peuple courageux, travailleur, accueillant.



Ce livre témoigne de l'absurdité de l'histoire. Je le garde précieusement.

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L'étrangère aux yeux bleus

Dès l'amorce de la fonte des glaces, Anna vient d'être débarquée sur la banquise d' Ouelen, petite ville côtière sur la presqu'île des Tchouktches en bordure du détroit de Béring. De là, son ambitieux projet en bandoulière, elle compte surpasser les travaux des précédents ethnographes pour mener à bien une mission scientifique sur le peuple des éleveurs de rennes, leur langue, leur folklore, leurs coutumes.

Ses yeux bleus fascinants, ses cheveux d'or et sa farouche détermination à vivre de l'intérieur la vie de ce peuple nomade font fondre le coeur de Tanat, natif de la toundra et fils d'éleveur.

Il renonce à la poursuite de ses études, à ses rêves d'horizons lointains et épouse très rapidement Anna, oubliant la jeune fille qui lui était initialement destinée.



Rinto, le père de Tanat, est satisfait que son fils revienne au métier des ancêtres, mais il est plus que méfiant vis-à-vis de cette tanguitan, cette étrangère. Comment sa délicatesse et son instruction pourront-elles s'adapter au mode de vie dans une yaranga, tente en peau de rennes, en plein coeur de la toundra désertique ? Pour lui, c'est impensable qu'une jeune fille de Leningrad désire, de son plein gré, affronter la rudesse des conditions climatiques et l'inconfort de leur vie nomade.

En cet après-guerre, alors que la collectivisation doit s'étendre sur tout le territoire, Rinto soupçonne qu'Anna a été envoyée là afin de les rallier à un kolkhoze et de céder leur troupeau de rennes aux bolchéviks.



Très proche d'un documentaire romancé, cette lecture nous plonge au coeur d'un peuple dont la liberté et l'intelligence d'adaptation face à son milieu furent sacrifiés au nom du progrès et du communisme.

Anna se plie à toutes les coutumes pour vivre pleinement le quotidien de ces nomades. Des passages de ses écrits nous livrent ses descriptions plutôt scolaires qu'elle mêle avec ses impressions toutes personnelles. Il en ressort son enthousiasme initial, sa spontanéité communicative.

L'évolution de ses pensées scientifiques est absolument passionnante lors de ce périple avec cette famille qui tente de fuir les directives absurdes de collectivisation.



L'intérêt historique et ethnographique de ce roman se fond dans les paysages désertiques où la neige s'épand sur la toundra, où les rivières et les lacs se figent sous le gel avant que le printemps ne ramène les premières fleurs, la première verdure et la naissance des nouveaux rennes qui viendront, sous les prières du chaman, agrandir le troupeau, objet de toutes les attentions.

Les coutumes, surtout celles liées au chamanisme, sont parfois bien surprenantes !



Notre instruction sur ces Tchouktches est complète et passionnante. Tenues vestimentaires adaptées aux froids les plus intenses, habitudes alimentaires faites de viande de renne bouillie avec pour succulent dessert la moelle de patte de renne, rites chamaniques…

Les leçons tirées de ces éleveurs de rennes n'auraient pas dues être annihilées et dénigrées par le pouvoir bolchévik. Elles sont pleines de bon sens, sont intelligemment adaptées à ces contrées polaires et abondent d'humanité.



La richesse du récit, la découverte, le dépaysement, le contexte historique, l'hommage à ce peuple nomade, ont contribué à me faire vivre une belle évasion littéraire.

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Le miroir de l'oubli

Dans les années 1950, le thouktche Guémo s'installe à Saint-Pétersbourg, où il travaille d'abord comme traducteur (russe/thouktche) puis comme écrivain. Son histoire illustre les conditions de vie de certains Soviétiques à cette époque : les règles d'attribution des logements sont arbitraires, la censure régit le contenu des publications (y compris celui des fictions), et la vodka coule à flots…

Peu après la Perestroïka, Nèznamov prend sa retraite, quittant le journal où il était rédacteur.



Ces récits présentent un intérêt historique indéniable, avec l'illustration de la vie quotidienne de citoyens soviétiques puis russes. Les ambiguités dans les rapports entre le pouvoir soviétique et les habitants des régions périphériques colonisées sont bien mises en évidence, de même que les rapports de classes avant et après la chute du régime soviétique.

La construction du récit autour des liens unissant les personnages de Guémo et de Nèznamov m'a parue très artificielle. J'ai longtemps été gêné par le flou entre réalité et délires, ou plutôt par la trop grande place laissée à ces délires.



De cet auteur, j'avais beaucoup apprécié « L'étrangère aux yeux bleus » et « Unna ». Ce roman est donc une grande déception.



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L'étrangère aux yeux bleus

C'est sur le conseil de Manika que je viens de lire ce roman. Passionnant, on découvre la vie rude et décalée des nomades éleveurs de rennes dans la toundra Russe ainsi que la démarche absurde de la collectivisation Stalinienne, qui tente de donner un modèle économique unique et une façon de vivre (et de penser) commune à l'ensemble des peuples soviétiques. Cette folie est l'occasion d'un superbe roman, sur la liberté des peuples. Un sujet de réflexion sur la volonté d'une autorité politique qui tente d'imposer un modèle économique et une pensée unique. Finalement l'histoire aurait tendance à se répéter, seule les méthodes changent...Une belle découverte...
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L'étrangère aux yeux bleus

Anna Odintsova, jeune ethnographe arrivant de Leningrad, débarque en 1947 à Ouelen, à l’extrême est de la Russie, pour y étudier le peuple tchouktche. Ces nomades, cousins de ceux qui vivaient en Alaska, juste de l’autre côté du détroit de Behring, suivaient leurs troupeaux de rennes de places en places, dressant leur campement là où la nourriture était suffisante, et vivaient du commerces de peaux. A peine arrivée, Anna rencontre un jeune Tchouktche, Tanat. Ils se plaisent, et Anna persuade Tanat de se marier. Elle va ainsi pouvoir s’intégrer à la famille du jeune homme et vivre comme une vraie Tchouktche, tout en notant ses observations pour une future thèse.

Mais la collectivisation est en marche, et les éleveurs de rennes, considérés comme de dangereux capitalistes, sont sommés de remettre leur troupeaux aux autorités. Rinto, le père de Tanat décide d’emmener ses rennes et sa famille passer l’hiver dans une région éloignée pour échapper à cette réforme décidée par l’état stalinien.



Ce roman présente un mélange, parfois un peu déconcertant mais dans l’ensemble plutôt réussi, d’observations de coutumes maintenant disparues, de drame familial et de suspense puisqu’on se demande si la famille de Rinto va réussir à échapper à la collectivisation. Le vocabulaire propre aux Tchouktches, introduit en assez grand nombre par l’auteur, lui-même né en 1930 et issu de cette minorité, ne gêne pas à la compréhension, et renforce même le dépaysement. Les coutumes maritales, comme les préparations culinaires, les techniques artisanales ou les cultes chamaniques, sont abondamment décrits, et c’est à la fois passionnant et touchant, sachant que ce peuple est aujourd’hui disparu. L’histoire d’amour, ou de ce qui en tient lieu, entre Anna et Tanat, n’est pas le plus important, mais elle subit plusieurs revers et évolutions qui ne manquent pas d’intérêt. Le plus triste est la fin annoncée d’un peuple, dépossédé par les appétits insensés des Bolchéviks.


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La Bible tchouktche ou le dernier chaman d'..

J'avais énormément apprécié "cL'étrangère aux yeux bleus" du même auteur



Mi contes mi légendes on découvre la culture tchouktche, ce qui n'est pas inintéressant mais la forme choisie , de très courts chapitres, m'a beaucoup moins séduit .
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L'étrangère aux yeux bleus

Ce roman emporte le lecteur très loin, aux confins orientaux de l'ex-Union Soviétique, sur la presqu'île des Tchouktches, en compagnie de la jeune Anna Odintsova, l'héroïne de ce livre. Russe blanche, originaire de Leningrad, elle est étudiante en ethnologie lorsqu'elle choisit de prolonger ses études par un mémoire sur la vie du peuple tchouktche. Elle se rend donc sur place avec la ferme intention de connaître cette ethnie " de l'intérieur". Une décision quasi héroïque qui va booster son incroyable énergie et sa capacité d'adaptation hors du commun. Il lui faudra d'ailleurs beaucoup de qualités pour affronter le destin qui l'attend.

Ce roman est l'histoire d'une jeune femme très attachante dont l'existence va croiser la "grande Histoire". Très beau livre.
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L'étrangère aux yeux bleus

L’étrangère aux yeux bleus, est à la fois un roman d’aventure captivant dans une nature préservée, une fresque historique, et un roman d’amour pour un peuple à jamais perdu.

C’est le destin fascinant d’une scientifique rattrapée par sa passion, constat lucide et sans concession des absurdités de l’histoire. Ce livre est avant tout celui d’un écrivain tchouktche aux prises avec sa mémoire…



En 1947, Anna Odintsova arrive à Ouelen, petit village au bord du détroit de Béring. Diplômée de l’université d’ethnographie, l’étudiante vient réaliser son rêve : vivre au cœur d’une tribu nomade de la toundra pour étudier ces gens "de l’intérieur" et finaliser ainsi sa thèse de doctorat. Par chance, elle rencontre dès son arrivée un jeune Tchouktche. Séduite, fascinée ou intéressée, elle l’épouse et part vivre avec lui au sein de sa tribu. Sous le regard impressionné des nomades, Anna s’adapte très rapidement, accepte toutes leurs traditions, leurs règles et parfois même leur rudesse pour devenir l’égale des autres femmes. Plusieurs années passent, Anna, devenue vraie femme de la toundra, oublie ses projets carriéristes, son attachement à la civilisation. Mais en 1949 l’histoire la rattrape. Les envoyés de Staline persécutent les nomades et s’emploient à ce que la Tchoukotka devienne une région de collectivisation totale. Pour Anna et sa tribu la vie bascule dans la fuite…

Envoûtant, tragique, ce roman est un véritable plaidoyer spirituel, celui des derniers chamanistes.

Ce roman ethnographique est superbe avec des moments particulièrement forts comme lorsque Rinto forme Anna à devenir chaman à son tour, elle, la scientifique ! On tremble, on vibre, on se révolte face aux péripéties de l'histoire qui n'aura pas ménagé ce peuple, qui, aujourd'hui, compte un peu moins de dix mille habitants en Sibérie.
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L'étrangère aux yeux bleus

Il y a dans ce livre la grande histoire: celle des tchouktches chamanistes et des soviétiques qui veulent éliminer les modes de vie traditionnels. Mais ce qui marque dans ce livre, je trouve que c’est la petite histoire: celle de l’ethnographe qui consacre sa vie à observer cette tribu pour en faire finalement totalement partie. Ce que l’on y ressent est intense: le froid sybérien, la toundra déserte, la viande de baleine, le thé sous la yaranga, les chants chamanes, les peaux de phoques pelées, les mœurs difficiles. Chaque plongée dans les pages de ce roman est une immersion dans la toundra, avec Anna Odintsova, la jeune ethnologue, qui nous prête son regard aux yeux bleus pour nous faire vivre son expérience. J’ai adoré l’intensité sans pathos, brut, vraie et qui reste en mémoire comme un voyage que l’on aurait fait, une fois ce livre refermé.
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L'étrangère aux yeux bleus

Quel plaisir de lecture ! Je suis adepte des romans qui nous font voyager, découvrir une autre culture. J’aime particulièrement découvrir les coutumes de peuples très différents du monde occidental et j’ai été servie avec cette lecture !



L'étrangère, la taguitan, c'est Anna, une jeune ethnologue russe pleine d'ambition. Pour rédiger la thèse la plus complète possible, elle est prête à tout. Y compris traverser le pays et épouser un jeune tchouktche pour s'intégrer totalement au peuple sujet de sa thèse... On imagine bien les problèmes que cela peut engendrer.

Anna épouse Tanat et apprend très vite la façon de vivre de sa famille. Elle perd ses a prioris sur les peuples dits « primitifs » et consigne tout dans ses carnets. Mais elle ne peut pas s’imaginer à quel point son expérience, purement scientifique à la base, va bouleverser son existence et ses croyances…



Ce roman est extrêmement réaliste. Les personnages ne sont pas idéalisés, loin de là. Anna est prête à tout par ambition, Tanat et Rinto ne lui épargnent aucune coutume, même les plus dures… Mais ça ne s'arrête pas là, puisque le roman se déroule en 1947, soit au tout début de la Guerre Froide, et à l'extrême nord-est de la Russie, soit à quelques kilomètres de l'Alaska, donc des États-Unis... Le contexte de la Guerre Froide et de la collectivisation donne une dimension historique plus large et ajoute un peu d’action.



Cette lecture m’a beaucoup fait penser à Funérailles célestes de Xinran : une jeune femme de la ville, pour des raisons qui lui appartiennent, se fait « adopter » par un peuple nomade nord-asiatique, jusqu’à intégrer sa façon de vivre de manière presque irréversible.

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L'étrangère aux yeux bleus

Une jeune ethnographe Russe, débarque dans un village du grand Nord pour étudier les Tchouktches. Elle rencontre Tanat, un jeune Tchoukche, qu'elle épouse un peu par amour mais surtout pour découvrir la vraie vie des Tchoukches sur le modèle de son maître: Margaret Mead.



Grâce à elle et ses carnets, nous découvrons ces hommes et ces femmes qui vivent dans des zones géographiques au climat extrémement dur et qui s'y sont adaptés avec une parfaite intelligence.



L'histoire se déroule après la seconde guerre mondiale, en pleine guerre froide, sous Staline. Pour les Tchouktches , comme pour les autres peuples de l'URSS, la tendance est à la collectivisation des biens et à la destruction des anciennes cultures sous prétexte de progrès.L'avenir c'est le kolkhose de rennes, l'abolition du chamanisme et les maisons en dur...



J'ai apprécié dans ce roman tout ce qui avait trait à la culture Tchoukche , les très belles descriptions de la nature nordique et la confrontation entre la tradition tchoukche et la modernité.



Rinto, le chef du clan dans lequel s'installe Anna, est un personnage particulièrement attachant qui essaie au mieux de protéger les siens et de comprendre l'avenir qui se dessine.



Un roman attachant
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Unna

C’est par la couverture de ce format de poche publié chez Babel que j’ai été attirée.

Je ne connaissais pas l’auteur, un écrivain tchouktche mort en 2008, mais la reproduction du tableau m’a paru familière par le trait stylisé des figures, leur étirement particulier, l’absence de relief, la figure féminine à gauche, de profil, écharpe rouge, arme à la ceinture, il y avait là comme un écho lointain à la révolution de 1917, et un rapport diffus que je n’ai pas établi tout de suite avec l’élan d’un cheval rouge lancé comme un drapeau, dans un tableau que j’ai pu admirer dans une exposition récente au grand palais (« Révolutions-2019 »)

Dans ce roman, la révolution de 1917 est bien gelée et ossifiée, depuis longtemps.

Sans plus de précision, le récit nous plonge dans l’URSS de Bréjnev des années 70, au cœur de l’extrême orient sibérien. Une carte, dans les premières pages, permet au lecteur de visualiser la localisation de ce petit territoire de la Tchoukotka dont Ouelen où est né l’auteur Youri Rytkhéou, figure en proue face à l’Alaska de l’autre côté du détroit de Béring.

Unna Ovto est encore une petite fille lorsqu’elle apparaît dès les premières pages, pourtant les liens qui l’unissent à sa famille, sa langue, son ethnie d’origine, déjà, se sont distendus. Scolarisée dans un internat loin de la toundra, elle parle davantage le russe que le tchouktche et regarde avec méfiance et distance ce qui touche à la culture de son ethnie. Le lecteur comprend vite que la fabrication d’un citoyen soviétique oblitère les cultures nationales et conditionne une acculturation sans appel. Unna va illustrer ce processus à ses dépens.

La nomenclature brejnévienne va tout mettre en œuvre pour gagner Unna à sa normalité, une scolarité brillante et remarquée conduit l’adolescente à gravir les échelons du mérite soviétique : après l’obtention de son diplôme de fin d’études secondaires, elle aspire à postuler par concours pour la faculté d’histoire de Leningrad. Soucieux de s’attacher les jeunes talents, les autorités locales vont alors convaincre Unna d’abandonner ses rêves universitaires et de choisir plutôt une carrière administrative et politique. Unna ne discerne pas tout ce qui se cache dans cette alternative, l’emprise du pouvoir, le contrôle permanent, la perte de toute individualité. A défaut d’idéal idéologique le régime achète ses soutiens à coups de magasins privés et de privilèges matériels de toute nature, en acceptant sa nomination au comité de l’Okroug du Komsomol, elle vend son âme au diable.

L’écriture du récit est sèche, sans pathos, presque désincarnée, un peu comme si la langue avait son rôle à jouer pour faire sentir la force de destruction d’un régime bureaucratique et calculateur. La descente aux enfers est aussi inexorable que lente, car pour Unna, la conscience des pressions qu’elle subit n’est pas automatique. Le récit s’inscrit dans cette lenteur, Unna hésite à s’interroger vraiment, les atermoiements, les silences, ont raison de ses éclairs de lucidité. Lorsqu’elle se laisse manipuler jusqu’à l’avortement télécommandé, les jeux sont faits, la dégradation du corps et celle du discernement iront de pair dans un processus sans appel.

Une écriture retenue, toute en distance pour un pamphlet froid et cinglant contre toutes les bureaucraties calculatrices qui parviennent à leur fins au prix de l’intégrité de la personne humaine.


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L'étrangère aux yeux bleus

Belle découverte ! que cet auteur tchouktche qui nous fait découvrir l'invivable au grand nord au milieu des derniers éleveurs de rennes... Le renne, animal de survie des lieux extrêmes (en contraste parfait, comme l'est le chameau dans la canicule du désert des déserts).

Cette jeune ethnologue téméraire qui se fiance dès son arrivée pour s'intégrer au sein d'une famille nomade... et vivre la dureté de ce mode de vie au grand froid !!! consignant ses découvertes dans son journal, dont le chamanisme du beau-père... c'est passionnant !!!



Depuis j'ai lu tous ses livres traduit en français...
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Unna

Unna est la fille unique d'un couple tchouktche d'éleveurs de rennes. Elle quitte très jeune ses proches pour étudier. La russification qu'elle vit (apprentissage de la langue russe, sédentarisation...) l'amène à se détacher de sa culture d'origine et de sa famille, notamment de son père alcoolique dont elle a honte. Elle se retrouve tiraillée entre les valeurs et le mode de vie de son peuple d'origine et les valeurs soviétiques. Elle adhère d'abord avec enthousiasme à ces dernières puis s'aperçoit peu à peu des absurdités d'un système politique qui se soucie peu du bien-être de la majeure partie de la population. On trouve ici une critique acerbe de l'impérialisme soviétique durant la majeure partie du XXème siècle. Cette critique est d'autant plus habile dans le roman qu'elle émane d'une personne qui a adhéré aux valeurs que le régime communiste (sous Khroutchev puis Brejnev) prétendait incarner.

Après avoir lu et adoré L'étrangère aux yeux bleus du même auteur, j'ai d'abord été un peu déçu par Unna, craignant des ouvrages similaires. Finalement, ces deux romans dont les thématiques sont identiques (l'histoire du peuple tchouktche au XXème siècle) sont construits de manière très différente puisque l'un se déroule surtout dans la population immigrée de l'est sibérien tandis que l'autre a pour cadre une famille ou tribu tchouktche. En résumé : je continue à recommander cet auteur dont je vais poursuivre la découverte.


Lien : http://canelkili.canalblog.c..
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L'étrangère aux yeux bleus

J'ai ouvert ce livre avec appréhension car j'avoue ne pas toujours reconnaitre les valeurs de la littérature russe et j'ai commencé ma lecture avec une réserve certaine !

Mais j'ai vite changé d'avis.

Certes, il y a beaucoup de descriptions, de réflexions mais elles sont bien nécessaires dans la construction du récit et pour sa compréhension.

Et puis, j'ai appris énormément de choses sur les Tchouktches (peuple au nom imprononçable!) sur leur vie de nomade, sur leurs pratiques, leurs coutumes leurs façons de s'adapter à un milieu hostile. Tout est décrit minutieusement de l'élevage des rennes à la cuisine, à la confection de leurs vêtements mais surtout leur vie sociale. L'auteur accorde une large place à la spiritualité , aux rites chamanistes.

J'adore l'Histoire et, en lisant, j'ai pris connaissance d'un épisode dramatique dont j'ignorais aussi bien l'origine que le dénouement. Et cela m'a attristée de voir comment ce peuple nomade en a été réduit à être parqué dans des kolkhozes et faire table rase de ses origines.

J'ai eu un véritable coup de coeur pour deux personnages : Anna, la jeune ethnologue et, Rinto, son beau-père, le chaman de la tribu. Ces deux personnes ont une personnalité hors du commun et bien que tout les oppose, leur esprit de tolérance parvient à les faire évoluer ensemble.

L'auteur, tchouktche lui-même, rend un bel hommage à son peuple. Hommage émouvant, profond pour qu'on ne les oublie pas, pour leur rendre ce qui leur at été enlevé sans ménagement.

L
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Unna

Unna ("fille de la toundra" en langue Tchouktche) a 9 ans quand elle doit quitter ses parents, éleveurs de rennes dans la toundra pour aller dans un pensionnat où elle sera "russifier".

Jeune élève brillante, elle apprend très vite le russe et les valeurs soviétiques. Petit à petit, elle en vient à mépriser son peuple et ses pratiques ancestrales.

Le système soviétique en fait son égérie, un véritable "objet" de propagande : elle représente le parfait modèle d'acculturation, une preuve que le régime soviétique agit pour le plus grand bien des peuples autochtones.

Toutefois, la rencontre avec un jeune violoncelliste juif va être décisive sur la suite de sa carrière.

Ce drame est un plaidoyer pour la cause des peuples autochtones malmenés et un réquisitoire contre le régime soviétique.
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Unna

Dès la première page, on sent l'univers de l'auteur. Unna fait partie d'une ethnie minoritaire doté d'un père alcoolique. Déjà, on éprouve de l'admiration pour la fillette (bonnes notes, bonne conduite). Un personnage qui va se hisser au premier au rang de la politique russe mais qui dégringolera aussi vite à cause de son compagnon. Pouvoir ou Amour, Unna n'aura pas le choix. Pour moi, ce titre est une belle découverte mais naturellement si vous êtes déprimé, évitez de le lire au risque d'être encore plus triste.
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L'étrangère aux yeux bleus

En 1947, Anna Odintsava, jeune ethnographe russe, vient dans l'est de la Sibérie, près du Détroit de Béring, pour y étudier la tribu nomade des Tchouktches, laquelle tribu vit principalement de l'élevage de rennes. Anna épouse un jeune Tchouktche dont elle s'est éprise. La vie d'Anna et celle de sa nouvelle famille sont cependant bouleversées par la relance de la politique de dékoulakisation décidée par Staline après la fin de la seconde guerre mondiale.

Dans ce magnifique roman, l'auteur mêle des histoires d'amour, un regard critique sur la collectivisation soviétique et ses acteurs, et une description du mode de vie et des croyances des tchouktches. La psychologie des personnages est en outre bien analysée et restituée, et le style est particulièrement agréable.

Il est cependant dommage que l'éditeur ait eu la mauvaise idée de condenser ce roman en 275 pages remplies de minuscules caractères (des marges plus restreintes et un livre plus épais auraient été préférables).

Je lirai certainement les autres ouvrages disponibles de cet auteur (Unna et Un rêve au début du brouillard), y compris s'ils sont édités de la même manière ...

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