C’est passionnant, terrible et merveilleux à la fois. C’est bien plus « réel » que ce que je voulais croire. Les gens disent que se retirer du monde, c’est le fuir. S’ils savaient ! Se retirer du monde, c’est rencontrer le monde pour de vrai ! C’est cru, intense et extrêmement précieux. Comment ai-je pu vivre vingt années en étant si distraite, si loin de moi, sans rien connaître de mon propre esprit ?
Chaque fois que je dansais, j’avais cette sensation indicible : ce qui était à l’extérieur et à l’intérieur de mon corps émergeait en simultané. Il n’y avait plus de dualité. Mais mon aspiration divine n’aboutissait jamais ! Il existait toujours autre chose plus loin, je le savais, mais cette chose me fuyait, comme si je marchais dans la direction d’un mirage sans que celui-ci ne se rapproche jamais. Quelque chose me freinait invariablement. L’intuition intense d’un but, d’une indéfinissable nécessité d’absolu prenait place dans ma conscience que je pressentais, mais qui transcendait mes perceptions ordinaires
Je ne suis pas triste, je suis en état de grâce et je pleure de joie. Je sais que je viens de trouver ce que je cherche depuis toujours : ma voie, ma famille, ma connexion. Je suis née avec une mission, je ne la connais pas encore, mais j’ai trouvé le chemin pour y parvenir. Cette attitude absolue est une sensation nouvelle. Pour la première fois, je me sens à ma place et dépourvue de toute peur, comme si mon passé s’était volatilisé et que je n’avais jamais vécu autrement
J’ai compris que c’était comme ça pour tout le monde. Dès qu’on décide de prendre une nouvelle direction, de changer radicalement de vie, de prendre du temps pour faire un long voyage, nos habitudes essayent de nous retenir. Voilà qu’on vous propose LE contrat de travail qu’on attendait depuis toujours, ou bien LA relation amoureuse dont on rêvait. Le monde m’a offert mille excuses pour que je quitte ma forêt, mais j’ai imposé mon choix
Un incroyable geyser d’énergie ascendante a pris mon corps en otage, ce jour-là et les jours suivants, à chaque fois que je dansais. Je me sentais possédée, comme si l’énergie entre le ciel et la terre trouvaient un canal dans mon être. Cela durait tant que je dansais, puis le charme tombait abruptement lorsque je quittais le studio. Ma confusion reprenait les rênes
J’ai aussi découvert l’incroyable flexibilité de l’esprit. Le monde invisible qui gère ma vie est infiniment créatif, il ressemble à celui que nous expérimentons chaque nuit dans nos rêves. Une brèche de liberté ne passe pas par l’intellect, cela se passe « avant » de penser »
Que faire de tout cela ? Comment réunir la spiritualité, la danse, ma vie quotidienne, la société et ses exigences financières et les miroirs du monde ? Comment gommer les catégories ? Danser sa vie ?
Vivre parmi les hommes est un art difficile pour une femme libre