Avant-propos de l"auteur
(...) Un jour d'octobre 1793,après un procès qui n'en eut que le nom,après et avant tant d'autres, Manon Roland fut conduite au supplice et décapitée,
.Elle laissait une fille unique Eudora Roland.(..)
Fille d"une mère qui mourut guillotinée et d'un père qui se poignarda lorsqu'il apprit la condamnation de son épouse, portant ce terrible héritage, elle était à la fois indélébilement marquée par la fatalité et portée à un immense besoin d'amour. (p.11)
11 Germinal an III, 2 avril 1795
(..)
Cet espace(*Jardin des Plantes) situé à la limite orientale et sur la rive gauche de la Seine,déjà dans la campagne,est sans doute celui qui dans la capitale est le plus favorable à la fois à l'étude au rêve et à la méditation.
Nous allions donc marcher sur les pas de maints philosophes et de ceux qui ont pour tâche de découvrir,d'instruire en étudiant la nature est ses diverses productions. (p.54)
J'ai relu récemment divers textes dont mes parents, naguère, prônaient les auteurs. Ces écrits auraient dû contribuer à améliorer le sort des humains, à satisfaire les aspirations des femmes que, depuis la nuit des temps, le droit coutumier conduit à ne faire qu'acquiescer aux sollicitations des hommes.
Il faudra sans doute que les années s'écoulent nombreuses, que les peuples soient à nouveau agités par de successives convulsions, pour que la femme puisse s'exprimer et qu'une relative égalité soit envisagée entre les deux sexes.
Plus que jamais, Lamarck est d'actualité, lui dont le génie se doublait d'une intuition prodigieuse sur l'homme et sur son destin.
16 Pluviôse an III,6 février 1795
(...)ici,comme en plusieurs lieux où j'ai séjourné, on m'a laissé entendre qu'il ne convenait guère de faire état des lectures que mon esprit est porté à aimer.Mon tuteur affectionne comme moi-même, nous ne saurions oublier que j'ai été éduquée dans une famille au sein de laquelle, en toute circonstance,on encourageait à apprendre et à découvrir.Depuis quelques mois,dans cette infortune, j'entends exposer d'autres préceptes : : Les bien nourrir et les bien vêtir mais ne point les mêler à notre société ;ne point les orienter vers les dangers d'une instruction trop poussée ",répétaient naguère mes directrices !
A les entendre, nous ne devrions avoir entre les mains que des ouvrages de cuisine et de piété. (p.54)
14 Frimôse an III, 5 décembre 1794
(...)
Pendant les mois qui ont suivi la mort tragique de ceux qui m'avaient donné la vie,fille de proscrits que je restais, j'ai dû plus que jamais m'effacer aux yeux du monde.
Dans cette fureur, le châtiment suprême n'épargnait pas plus les classes modestes que l'aristocratie. La délation, la vengeance, l'ivresse que donnait le sang versé étaient partout. Les gens du peuple pendant ces mois ne furent pas moins nombreux que ceux de la noblesse,sur cette interminable liste des proscrits et des morts. (p.46)
A Amiens,mes parents avaient voulu que je reçoive l'instruction qu'ils pouvaient m'apporter eux-mêmes, suivant de cette façon les préceptes de Rousseau.Ils s'y employaient fort bien,ayant pour souci de m'instruire en priorité dans les domaines des lettres et des arts.A cela devaient s'ajouter les principes de l'honnêteté et les vertus essentielles dont peut être gratifiée la nature humaine. (p.38)
Paris(...) 10 Brumaire an III, 2 novembre 1794
(...)Depuis assez longtemps, il m'est venu à l'esprit que je pourrais rapporter certains faits concernant ma vie. Peut-être cette idée m'est venue parce que j'avais une mère qui elle-même, plus particulièrement dans la solitude, avait ressenti le besoin, la nécessité même de beaucoup écrire. (p.16)
Rouen,22 Nivôse an IV, 12 janvier 1796
(...) Elle a exprimé, dans la solitude et le malheur,combien la musique procure d'adoucissements et combien de séduction elle pouvait sauver de cet état.
(p.88)