François Dubet vous présente son ouvrage "
Le temps des passions tristes : inégalités et populisme" aux éditions du Seuil. Entretien avec
Yves Déloye de Sciences-Po Bordeaux.
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Etre humilié, c'est être attaqué dans son intériorité, blessé dans son amour-propre, dévalué dans l'image que l'on se fait de soi-même, n'être pas respecté. L'humilié se oit et se sent amoindri, dépossédé de son autonomie, dans l'impossibilité qu'il se fait de lui-même et l'image dévalorisante ou infamante que les autres lui infligent. Le peuple vaincu et dominé est dégradé dans sa fierté collective, dégradé dans son être et dans sa volonté. L'individu humilié s'éprouve comme nié, rejeté, détruit dans son affirmation vitale, exclu du rapport de réciprocité, poussé vers la honte de soi.Sa souffrance s'accroît, d'autre part, de ressentir combien l'autre, l'agent actif de son humiliation, ne tient aucun compte de sa douleur, ou en tire satisfaction.
Pierre Ansart.
L'honneur, ce sentiment personnel et fort, n'est pas inné. Il s'acquiert et a besoin des vertus du courage et du brio pour être défendu et préservé. Il appartient à chacun de nous d'être le protecteur de son honneur et de réagir aux offenses pour garantir la préservation de l'identité personnelle, ou ne pas réagir à un affront signifie être lâche, accepter la position inférieure que l'humiliation impose, le déshonneur. Résister à la soumission, dire non aux forme d'expression, se révolter, c'est faire triompher l'identité personnelle qu'on voudrait assujettir. C'est l'art de se faire respecter.
Christina Lopreato.
En disant "non", l'homme dit "oui" à soi-même.
L'humiliation non compensée est essentiellement inégalitaire et souvent durable ; l'emprise est exercée au seul profit de l'acteur et au détriment de la victime. Dans cette humiliation, la victime est confrontée à une situation où à un événement qui est contraire à ses attentes, contraire à ses désirs, qui ne fait pas sens pour lui, et qui est la négation de l'image qu'il a fait de lui-même. Un peuple vaincu, obligé de se plier à un joug détesté un citoyen qui se heurte à des décisions ressenties comme injustes et qu'il est impuissant à modifier, se trouvent en situations humiliantes. L'humiliation est l'un des expériences de l'impuissance.
Pierre Ansart.
On peut évoquer une analogie paradoxale entre les attitudes fanatiques et l'homme narcissique contemporain qui veut ignorer le sentiment d'humiliation. En prendre conscience deviendrait un signe d'infériorité réelle. Tout échec social ou affectif tend à être dénié, car il soulignerait la dépendance à l'autre. Le déséquilibre mondial est créateur d'une injustice que, dans leu arrogance, les dirigeants qui s'affirment représentants de la démocratie peuvent choisir d'ignorer.
Peut-admettre que tout individu, ou tout groupe, dans une situation de domination écrasante, provoquant un sentiment d'humiliation et d'impuissance, peut réagir par des attitudes fanatiques ? Le sentiment d'humiliation donne la force d'affronter un adversaire puissant, par l'emportement de l'enthousiasme, le dépassement de ses limites d'endurance, pouvant aller jusqu'au sacrifice de soi, afin de prouver et de se prouver son intégrité, la fidélité inconditionnelle à ses convictions. L'enthousiasme est alors indissociable d'un dépassement des pulsions d'autoconservation.
Dans l'affrontement, celui qui a montré sa peur de la mort devient l'esclave de celui qui a su surmonter son angoisse. Il a acquis le droit de s'affirmer comme le maitre, car il a prouvé sa supériorité en déniant sa finitude. Selon la dialectique de Hegel, ce sera pourtant l'esclave qui dans l'histoire deviendra le maître du maître, car par le travail, par la maîtrise du monde naturel qu'il a pour tâche de transformer, il devient le créateur de la culture.
La personnalité narcissique se définit dans l'impossibilité de la reconnaissance et de la considération de l'autre. Le narcissique provoque l'humiliation de l'autre à laquelle il est et demeure indifférent - "e une tendance à être humilié" - puisque son auto-contemplation a toujours pour effet un rabaissement de posture.
Marion Brepohl.
En conclusion, cette fusion entre le moi et l'idéal du moi apporte un sentiment d'intégrité qui, lorsqu'il se désintègre, suscite une nostalgie et une souffrance insupportable pour des hommes qui avaient totalement investi leur narcissisme sur l'objet idéalisé.