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Citation de EtienneBernardLivres


Lettre XXIV - La sécurité individuelle

- Une loi du 28 juin 1881 a retiré aux juges de paix, pour l’attribuer aux administrateurs, la répression des infractions spéciales à l’indigénat. L’article 17 du décret du 29 août 1874 en laisse la détermination arbitraire aux préfets des départements. En voici quelques-unes :
- Négligence à comparaître sur simple invitation, même verbale, devant les autorités ;
- Acte irrespectueux ou propos offensant vis-à-vis d’un représentant ou agent de l’autorité, même en dehors de ses fonctions ;
- Propos tenus en public dans le but d’affaiblir le respect dû à l’autorité ;
- Habitation isolée, sans autorisation, en dehors du douar ;
- départ du territoire de la commune, sans permis e voyage ;
- réclamation renouvelée après solution régulière

C’est le chapeau de Gessler. Si un malheureux khammès ne s’incline pas devant lui, M. L’adinistrateur, juge et partie, le condamné lui-même de 1 à 15 francs d’amende et de 1 à 5 jours de prison (…)

Un colon envoie un mot à un commissaire de police de ses amis qui met en prison, pendant 3 jours, l’Arabe porteur, sans contre-enquête. Un petit service d’ami.
Un chef indigène est malade : il est obligé de demander la permission d’aller voir un médecin.
Mohamed-ben-Mahmoud, témoin dans une affaire, est en prison : - pourquoi ? - C’est pour être allé à Nefta sans permission : 15 jours de prison !
Un indigène veut aller au marché. Il lui faut un permis. Une absence d’un jour constitue une contravention, sinon un délit. On voit les vexations.
(…)
Tout indigène en retard sur ses impôts est confiné chez lui : ce n’est pas une manière de le mettre en mesure de payer.
(…)
Quelquefois les administrateurs frappent d’internement toute une classe d’individus.
(…)
En vertu d’un décret de 1858, le gouverneur de l’Algérie s’est donné le droit d’interner, par mesure administrative, qui bon lui semble, où bon lui semble. (…) En 1993, l’administrateur de Bou-Kanéfis séquestra pendant 15. Jours 4 indigènes qui avaient eu le tort d’adresser certaines réclamations au gouverneur général.
(…)
En 1882, à Tlemcen, un sergent-major du 1er bataillon d’Afrique, accompagné de deux civils (…), a parcouru une nuit les rues du quartier indigène en frappant à coups de sabre tous les arabes qu’il trouvait ; il en blessa dix. Une bonne farce ! L’autorité militaire ne le poursuivit pas.
Nous remplirions un volume si nous voulions relever tous les exemples d’abus de pouvoir et de violence, commis par les Européens à l’égard des indigènes.

Lettre XXXVII - Les partageux

La loi de 1851 sur l’expropriation a permis de leur enlever les meilleures parties du sol, ou toute partie du sol sur lequel ils avaient l’imprudence de faire une amélioration. En Algérie, c’est l’eau qui a de la valeur et non la terre ; c’est la source qu’achète le Kabyle. Ils ont été refoulés des sources, rejetés dans les portions les plus misérables du pays ; pas d’eau, pas de récolte : une année de sécheresse, c’est la disette. Et en 1868, ce fut une de ces épouvantables famines qui nous rappellent la légende de l’an mille et les angoisses du moyen âge.
Il suffit qu’une terre convienne à un européen pour que l’indigène en soit dépossédé.
(…)
L’administrateur dit à l’indigène : - nous te prenons la terre. On te donne… tant.
C’est généralement le quart de la valeur, quelquefois beaucoup moins. (…)
Il n’y a pas de jury d’expropriation, et c’est fort heureux ; car s’il était entre les mains des colons, il ne donnerait rien du tout ; c’est le tribunal civil qui juge, non d’après débat oral, mais sur rapport ; il n’offre pas de garantie à l’indigène, puisqu’il n’est composé que des conquérants.
L’indigène a obtenu son indemnité plus ou moins dérisoire.
Maintenant, tu viendras la toucher à la Caisse des dépôts et Consignations.
Ici on lui demande ses titres de propriété : ils étaient suffisant pour l’exproprier, ils ne sont pas suffisant pour le payer, de sorte qu’il ne touche jamais rien. Du propriétaire de la veille, vous faites un misérable, un mendiant ; et s’il devient un brigand, s’il tue le propriétaire qui l’a remplacé, à qui la faute ? Qui sera le coupable, de son spoliateur ou de lui ?
(…)
On parle des Arabes nomades, et on se figure qu’ils n’ont aucune attache au sol. Ils ont des habitudes aussi régulières que les bergers de la Crau, qui, pendant l’été, montent dans les Alpes avec leurs troupeaux et en redescendent à l’autonomne. Ils suivent leurs troupeaux selon les saisons, afin de leur procurer des pâturages ; mais ils ont toujours les mêmes terrains de parcours. Si vous les leur enlevez, c’est à la mort que vous les condamnez ; et vous, que ferez-vous des terres que vous leur aurez ravies ? Aujourd’hui, expropriés ici, chassés le lendemain de l’endroit où ils se sont arrêtés, ayant la conscience qu’ils peuvent être chassés le surlendemain, ils errent ainsi au milieu des terres que leur prennent les Européens et que ceux-ci leurs relouent ensuite. Les Kabyles ont été éliminés de la vallée de Tizi-Ouzou et du haut des rochers où on les a refoulés, ils peuvent contempler les terres qui leur appartenaient et que maintenant ils cultivent, moyennant les 3 cinquièmes de la récolte.
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