Gontran-le-Loup de haussait jusqu'à une épopée de révolte.
Il riait à l'avenir, près d'Hiltrude soumise.
En croupe, sur les reins de son cheval, chevauchaient ses ambitions brusquement enfiévrées.
Des joies formidables montaient autour de lui, parmi les comtes et les hommes d'armes.
On raillait le roi Karl, ses chartes et ses capitulaires.
L'insouciance germanique avait pris le dessus.
Les instincts barbares de la race éclataient librement...
L'intérêt du drame gaulois allait maintenant s'évoquer en fresques indicibles.
Ce serait le heurt des hordes incultes venues du nord, projetées invinciblement par toutes les forces désordonnées de la conquête, avec les cités autonomes au génie plus limpide.
Le sort des siècles prochains se jouerait au bord du Rhône, sur le versant des Alpes, en Étrurie, dans le Latium.
Quelle oeuvre gigantesque était en gestation ? ...
- Hélas ! Hélas ! Se lamentait-elle, en quels temps vivons-nous ?
La voix aigre de Chrysogone lui répondit ainsi que l'écho de sa propre pensée :
- Ce sont des temps de meurtre et d'agonie ! ...
Ainsi s'en allaient-ils, sauvages, féroces d'allure, secoués par la rage et les colères qui s'amassaient en eux, dans des rumeurs naissantes de légende et d'épopée ...
Hiltrude abandonna le trophée ensanglanté.
La tête du comte roula sur la terre molle, jusqu'aux pieds de Pépin, et elle demeurait là, tragique, sur la face.
Le franc ne la voyait pas.
Il regardait Hiltrude avec émotion.
Elle était plus belle que jamais, plus belle qu'à Aix-la-Chapelle, comme meurtrie et affinée par la souffrance, éclose somptueusement au soleil des grandes routes et des pillages...
Le brenn ramenant sur sa ceinture, dans un geste familier, les pans flottants de sa saie songeait à ces choses indistinctes que tour à tour les hommes remuent pendant leur vie. -
Quelle est notre origine ?
Quelle est notre destinée ?
De quelles forces sommes-nous le jouet ? ...
Ainsi, chaque nature réagit différemment à l'épreuve de la souffrance, comme les arbres de la forêt au vent et à la tempête.
Et le plus étrange, peut-être, dans ce vaste pays de piété, avec ce caractère de la race, c'est que la puissance du clergé y demeure entière, aussi impérieuse aussi dominatrice, malgré l'indignité d'un grand nombre de prêtres et malgré tant de scandales mal étouffés qui se colportent à travers les champs et les landes, de ferme en ferme.
Dans le grand pays riche et triste où elle vivait, après son père et sa mère, la religion dominait les âmes par la terreur plus que par l'amour.
Maintenant, je vois bien, hélas ! qu'il y a de bons et de mauvais prêtres qui font le plus de mal à la religion