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Citations de Éliane Viennot (75)


la violence symbolique imposée aux femmes au cours des siècles précédents est donc réutilisée contre de nouvelles générations de femmes – et leurs possibles alliés
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En réalité, la langue n’est qu’un terrain de plus où s’est menée la guerre du savoir : non le savoir gratuit, celui qui enrichit intimement la personne, mais le savoir comme clé du pouvoir – le seul que connaisse la clergie. Qu’on veuille bien réfléchir à cela, ne serait-ce qu’à cela : il pourrait y avoir des femmes magistrates, parlementaires, universitaires… depuis le XIIIe siècle. Il pourrait y avoir des ministres, des députées, depuis le XVIIIe siècle. Or elles ne sont parvenues à ces postes, à ces fonctions, qu’au XXe – et l’on est encore loin du compte. Aucun effort n’était à négliger. Aucun ne l’a été.
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Les grammairiens ne cessent de réemployer les phrases les plus aptes à traduire l’idéal social et politique qu’ils défendent
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S'agissant de l'homme, c'est l'époque des Lumières qui lui fait faire un grand bond en avant. Rousseau utilise deux fois plus le singulier que le pluriel, et il en farcit littéralement son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755) ; qui ne concerne toujours pas les femmes. Ceux qui prirent le pouvoir en 1789 décrétèrent donc les "droits de l'homme et du citoyen" sans qu'il ait jamais été question d'y inclure la moindre femme. Leurs successeurs de 1848 n'avaient rien d'autre en tête lorsque, convoquant le "peuple à l'exercice du suprême droit de l'homme". Ils décidèrent que voterait "tout Français en âge viril"- définition du suffrage universel selon eux. Et même chose pour leurs descendants de la IIIe République, qui, d'un assaut des progressistes à l'autre, réussirent à tenir sur cette ligne jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
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« Aucun train de mesures n’est mis en place pour contrecarrer les traditions et réaliser au plus vite l’égalité désormais admise en principe. Au contraire, chaque avancée doit être arrachée sur les bancs du Parlement, après avoir été longuement contestée dans la presse, souvent aux mains des mêmes élites masculines réfractaires au moindre recul de leur pouvoir. Mais c’est aussi que, plus largement, les hommes bousculés par l’intrusion des femmes dans ‘leurs’ domaines ont développé une multitude de stratégies à la fois très concrètes et très symboliques pour maintenir l’entre-soi masculin. Stratégies au sein desquelles la question du langage occupe une place de choix. » (p. 82 & 83)
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Au vrai, le ridicule est une notion très subjective, qui dépend du degré d’acceptation ou de condamnation de la société – ou des autorités qui s’expriment en son nom. Les mots jugés risibles par l’Académie sont bel et bien employés dans d’autres pays francophones, ou l’ont été en France à d’autres époques. Et il est aisé de voir pourquoi elle voudrait qu’on en rie : ils désignent des positions de pouvoir dans lesquelles les femmes doivent continuer à se sentir illégitimes, ce que la Compagnie se garde bien d’expliciter. En se contentant de les frapper de ridicule et en s’en moquant lourdement, elle fait sentir aux femmes qu’elles risquent des moqueries si elles les utilisent ; et elle fait savoir aux hommes qu’ils peuvent se moquer de celles qui en usent.
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«À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux êtres animés, institue entre les sexes une ségrégation», stipule l’Académie. Traduisons : les êtres désignés par des noms féminins sont dévalorisés. Ce serait donc le cas de l’immense majorité des femmes : actrices, boulangères, commerçantes, institutrices, paysannes… dont les académiciens n’ont que faire. Ce sont les autres qui les dérangent : celles qui bousculent l’ordre traditionnel en parvenant aux postes prestigieux qui étaient autrefois le monopole des hommes. Pour elles, ils préconisent une véritable anomalie : à poste prestigieux, port obligatoire du nom masculin ! «On devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit féminin – en français, genre discriminatoire au premier chef – soient évités ; et que, chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations professionnelles le genre non marqué.»
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Sauf exceptions bien sûr, on continuera d’employer des substantifs masculins pour parler de femmes, en croyant de plus en plus que « en France, c’est comme ça ». Quitte à infliger le même sort aux mots qui dépendent de ces substantifs (articles, pronoms, adjectifs, participes), et donc à occulter totalement le sexe de la personne dont on parle, ou à provoquer la surprise au bout de quelques lignes. Ou quitte à multiplier les fautes de français, en mettant dans la même phrase certains mots au masculin et certains au féminin (Madame la maire est sortie, le professeur est arrivée…).
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L'ignorance du "fait féminin" demeure de mise au milieu du siècle [le XIXe] chez des penseurs pourtant soucieux de parler des hommes et de prendre parti pour l'émancipation des groupes dominés.
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Ce changement ne consiste pas seulement à ajouter des points ici et là, ou à admettre la féminisation de certains titres. En attirant l’attention sur les modalités de l’expression, sur le fonctionnement de l’outil qui nous sert à penser et à écrire, sur les lieux parfois bien obscurs où se cache le sexisme, l’écriture inclusive jette une lumière crue sur les mécanismes de la domination ordinaire.
(Postface de Raphaël Haddad et Chloé Sebagh)
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L’Académie, cependant, n’a jamais constitué, pour ses membres comme pour les hommes qui aspiraient à y entrer, qu’un levier permettant de s’élever au-dessus du commun des auteurs : un outil de distinction sociale et intellectuelle. Avec la complicité du pouvoir, évidemment, qui aurait fermé la boutique depuis longtemps si elle n’avait servi de miroir aux alouettes aux lettrés en mal de légitimation (et de moyen commode pour remercier des fidèles ou caser des parents). Quant aux véritables linguistes, longtemps considérés comme des empêcheurs de légiférer en rond, ils ont été soigneusement écartés de la Compagnie.
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Tous ces exemples montrent à quel point, même si elle a reçu des renforts d’électrons livres parfois plus virulents et excessifs qu’elle, l’Académie française a travaillé à faire du masculin le genre grammatical devant lequel l’autre devait soit montrer sa soumission, soit disparaître purement et simplement. Elle a donc activement secondé, sur le terrain linguistique, l’entreprise menée sur le terrain philosophique et scientifique pour faire de « l’homme » (au singulier) le représentant de l’espèce humaine.
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Le présent ouvrage retrace pour partie l’histoire de cette guerre picrocholine, qui n’est d’ailleurs pas tout à fait terminée, en incitant les lecteurs et lectrices à prendre du recul pour en comprendre les origines lointaines. Il donne à voir l’énergie, la violence, la mauvaise foi et le sexisme qui ont été mis au service de ce combat. Il donne à voir, surtout, l’incompétence d’une institution qui se proclame « gardienne » de la langue française, mais dont aucun membre ne maîtrise le b-a, ba de la linguistique, et qui ne réalise même plus elle-même l’inutile Dictionnaire de l’Académie qui est officiellement sa raison d’être.
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Quant à la formule "le masculin l'emporte sur le féminin", il est impératif de la mettre au plus tôt au ban de l'école. Inutile linguistiquement, cette règle est désastreuse socialement. Incrustée dans les têtes des enfants, non pas par des parents illettrés mais par l'école, lieu d'émancipation par le savoir, elle vient en quelque sorte justifier que les hommes dominent les femmes.
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La règle de proximité

Les Éditions iXe invitent leurs autrices et leurs auteurs à appliquer la règle dite de proximité, de voisinage ou de contiguïté, qui accorde en genre, et en nombre, l'adjectif, le participe passé et le verbe avec le nom qui les précède ou les suit immédiatement. Couramment appliquée jusqu'au XVIe siècle, elle fut attaquée au début du XVIIe par Malherbe et dans une moindre mesure par Vaugelas, en raison de la plus grande "noblesse" reconnue au genre masculin. Un siècle plus tard, Beauzée revenait à la charge avec cet argument explicite: "Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle."
Au lieu d'ancrer ainsi la domination dans la langue, la règle de proximité amène à écrire: "Les hommes et les femmes sont belles", "Toutes sortaient les couteaux et les dagues qu'elles avaient affûtées", "Joyeuses, des clameurs et des cris montaient de la foule", ou, comme Racine dans Iphigénie, "Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête".

[Note avant l'avertissement de début d'ouvrage]
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De nouveau dans cette critique, l'écriture inclusive est réduite au point milieu. Mais le recours aux termes féminins, la double flexion, l'utilisation de termes ou de reformulations épicènes, l'accord de proximité ou l'accord de majorité ne posent pas de difficultés particulières. Quant au point milieu, il est de plus en plus accessible et la réforme du clavier AZERTY en cours permettra d'accroître cette accessibilité.
Par ailleurs, sur le plan technique, de nombreuses initiatives existent pour faciliter l'apprentissage et l'utilisation de l'écriture inclusive. Le Hackathon Écriture Inclusive, premier événement d'ampleur à avoir abordé cet enjeu sous un prisme technique, a permis la création de nombreux outils. Convertisseurs en écriture inclusive, buzzer, point milieu, sites de référence en ligne, plateforme collaborative de monitoring des pratiques, et même un logiciel de lecture automatique pour les personnes malvoyantes sont autant de réalisations qui facilitent l'adoption de l'écriture inclusive.
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la langue française possède à peu près tout ce qu’il faut pour exprimer le féminin, et qu’il est bien plutôt question de réduire la place écrasante qu’occupe aujourd’hui le masculin dans ses usages courants
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Dans l'Encyclopédie (1753), l'article consacré à ce terme, signé de Diderot, commence par cette déclaration de guerre: "substantif masculin". Avant de se poursuivre par cette explication:
"On n'accorde ce titre aux femmes, aux jeunes enfants, aux serviteurs, que comme à des membres de la famille d'un citoyen proprement dit. Mais ils ne sont pas vraiment citoyens."
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la plupart des pays, y compris de langues romanes, ont adopté human, ou les mots fondés sur cette racine [pour que les droits de la déclaration universelle adoptée par les Nations Unies ne concernent pas que les hommes] : on dit derechos humanos en espagnol, diritti humani en italien, drets humans en catalan. Le Québec, lui, a préféré droits de la personne humaine. Il n'y aura bientôt plus que la France (et quelques-unes de ses anciennes colonies) pour conserver ce vocabulaire désuet et trompeur [droits de l'Homme].
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En réalité, la langue n'est qu'un terrain de plus où s'est menée la guerre du savoir : non le savoir gratuit, celui qui enrichit intimement la personne, mais le savoir comme clé du pouvoir - le seul que connaisse la clergie.
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