Après "Les Délices d'Eve", Émilie Collins reviendra dans la collection &moi le 7 mars avec une nouvelle romance intitulée "Coeur à corps" autour d'un personnage de photographe. Un projet inédit pour la maison d'édition puisque le texte est illustré de photographies qui donnent une dimension supplémentaire à l'histoire et au couple d'abord antagoniste formé par la farouche Romane et le ténébreux Erik Barn. L'auteure et son compagnon, le photographe amateur Ergé, ont travaillé main dans la main pour mener ce joli projet ensemble. Ils nous en disent plus ici.
Chaque fois, le scénario est le même : je sonne, espérant trouver Julie à l’accueil. Et comme elle n’y est pas, je demande si elle travaille ici pour être sûr de ne pas passer à côté. Exemple de la douzième visite où une jolie brunette m’accueille :
— Bonjour, que puis-je faire pour vous ?
— Bonjour, je cherche Julie. Elle est secrétaire médicale, comme vous.
— Et vous lui voulez quoi, à cette Julie ?
— Lui dire que je la trouve parfaite pour de vrai, pas juste pour être gentil. Et que je voudrais bien qu’elle me donne une chance de lui montrer mes défauts, pour savoir s’ils collent à ses qualités. Silence et regard ému de l’autre côté du bureau. Le téléphone sonne dans le vide, elle ne décroche pas.
— Il n’y a pas de Julie ici, mais si vous ne la trouvez pas, je m’appelle Mélanie, et j’adore les défauts.
- Et vous lui voulez quoi, à cette Julie ?
- Lui dire que je la trouve parfaite pour de vrai, pas juste pour être gentil. Et que je voudrais bien qu'elle me donne une chance de lui montrer mes défauts, pour savoir s'ils collent à ses qualités.
Un livre, c'est comme une personne. Vous en croisez des centaines par jour, mais toutes ne vous donnent pas envie d'aller plus loin. Tout dépend de leur aspect, de ce que leur apparence dévoile de ce qu'elles sont. Inconsciemment vous êtes aiguillée par une posture, une moue, un geste qui vous intrigue ou vous repousse. C'est ça, un livre : une rencontre. En picorant dedans, vous saurez si vous avez une chance d'être sur la même longueur d'onde.
Émilie Riger.

— L’amour est un jardin. Il faut en prendre soin chaque jour pour qu’il resplendisse. Et accepter le passage des saisons et le charme de chacune. Le soleil ne peut pas briller chaque jour sur des fleurs épanouies. Mais l’important est de savoir que l’on a semé de nombreuses graines qui germent tout au long de la vie.
Lex adorerait cette comparaison. Même ses plantes me manquent, et je prends un soin maniaque, pour ne pas dire superstitieux, de mon chèvrefeuille. Pour l’instant il va bien, mais…
— Je suis nul en jardinage.Il regarde le plafond en tapotant ses index joints contre ses lèvres.
— Alors l’amour est votre fresque. Vous y déposez vos couleurs en acceptant que les ombres permettront à la lumière d’exister. Il y a des fissures dans votre mur, et vos traits ne suivent pas toujours la ligne exacte que vous voulez. Mais chaque jour, à force de travail et de patience, vous vous rapprochez du résultat que vous souhaitez atteindre. Et le temps que vous y passez, les efforts que vous déployez sont déjà le bonheur.

Je vais me coucher, vaguement inquiète. Quand Sébastien m’appelle « ma belle », c’est que soit : un, il a fait une bourde et veut se faire pardonner ; deux, quelque chose risque de me blesser et il veut me protéger ; trois, voir numéro un et deux réunis. Mon frère est un opéra. Après la puissance et l’amertume du café, tout en lui n’est que douceur qui fond dans la bouche. Sauf qu’il se donne un mal de chien pour le cacher.
Le lendemain matin, je suis prête avant lui, c’est dire si je suis impatiente d’en finir avec cette histoire. Je fais les cent pas dans le salon quand la sonnette me fait sursauter. J’ouvre la porte et découvre Benoît sur le seuil. Et, surprise, il a lui aussi un œil au beurre noir. Quelle coïncidence. Sauf que manifestement Sébastien a eu le dessus, parce qu’il est beaucoup plus amoché. J’imagine que c’est sa dent fêlée qui a égratigné le poing de mon frère. Malgré son absence des jours précédents, je suis touchée qu’il soit venu me chercher aujourd’hui.
Vous venez de découvrir la seule raison valable d'ouvrir un livre. Se faire du bien.
Émilie Riger.
Je regarde tristement mes pieds. C'est étrange, comme on a tendance à regarder vers le bas quand on a la sensation d'être débordé, que la charge est trop lourde. Comme si on guettait le moment où on va littéralement s'enfoncer dans le sol.
"J'aime quand elle fait ça, quand elle se pelotonne contre moi comme si j'étais au diapason de sa vie, le souffle de son monde. J'écarte une mèche de cheveux de son visage. Elle est belle comme le péché divin."

Désespérée, je sens que je vais perdre tout contrôle quand un pied vient s’écraser violemment sur le mien. La douleur me coupe le souffle et je suis sûre que mes orteils ont doublé de volume dans mes escarpins. Outrée, je lève les yeux vers mon voisin qui regarde fixement devant lui.
- J’ai pensé que vous aviez besoin d’un coup de main.
- Là, c’était un coup de pied !
Il retient un sourire, mais ses sourcils froncés me donnent à penser qu’il désapprouve et de son côté Sébastien me flanque un coup de coude. Je vais finir par me plaindre, je suis une femme battue. Est-ce que les hommes ne savent donc plus s’exprimer autrement qu’en frappant ?
*** ***
Zacharie se place devant moi pour faire écran aux regards des autres.
- Ne leur donne pas ce plaisir, Ève.
[…]
Calmement, je ramasse ma tarte gâchée, marche jusqu’au poste de Benoît et la lui écrase soigneusement sur la figure. Puis sans un mot, je dénoue mon tablier et le pose sur le plan de travail avant de sortir.
Je suis en train de vider mon casier quand Zacharie me rejoint, mon tablier à la main.
- Mademoiselle Colinet, faites demi-tour immédiatement et venez finir votre travail.
Je ramasse mes dernières affaires. Puis je lui prends le tablier des mains et le jette dans la poubelle en le regardant droit dans les yeux.
- Va te faire foutre.
Aïe !
Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas jurer et je suçote mon doigt. Avant, je n’aurais jamais pensé qu’un petit coup sec de cuillère en bois sur les phalanges ferait aussi mal. Mais ça, c’était avant.
— Vous avez quelque chose à dire ?
Je sais que j’ai l’air furibond et que mes yeux lancent des éclairs, alors je les garde soigneusement baissés. Les premières fois, j’ai essayé de me rebeller, et je sais maintenant ce qu’il en coûte.