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4.5/5 (sur 8 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Journaliste et chroniquer pour la presse alternative (Article 11, CQFD) et moins alternative (Le Canard enchaîné) Émilien Bernard est aussi un traducteur (notamment pour Rivages Rouge et L'échappée).


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Bibliographie de Émilien Bernard   (6)Voir plus

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Il faut imaginer une jeune femme, l’air indomptable, avec une lueur dans le regard qui donne à penser aux villageois faisant cercle autour d’elle, la dévorant des yeux et l’invectivant à voix basse, qu’elle ressemble à une bête dans la jungle, il faut l’imaginer en pleine conférence de presse, où les journalistes la filment et la prennent en photos (la plupart se rappellent que l’un des leurs a parlé d’elle comme d’un croisement d’Angela Davis et de Jesse James). Elle voudrait mourir, mais elle est aussi déterminée à sauver sa peau, comme toute sa vie elle a cherché à sauver son honneur, jusqu’à faire partie d’un groupe de bandits, de dacoïts.

(début du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, p. 77)
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Phoolan Devi fait partie de ces irréductibles que rien, pas même les outrages les plus mortifiants, ne fléchit. Elle a connu la peur, subi des tortures, enduré des calvaires, vu sa réputation salie, mais elle est restée inébranlable, ne cédant devant aucune menace, même quand elle est terrifiée, car des policiers, qui l’ont incarcérée et violentée, lui promettent qu’ils battront ses parents et brûleront sa maison si elle les dénonce devant les juges. Elle garde le silence, mais c’est le silence d’une victime qui jure de prendre sa revanche, c’est le silence de celle qui rumine des projets de vengeance. Un jour, se dit-elle, tous ces tortionnaires paieront pour lui avoir infligé tous ses tourments et supplices. Ce jour-là, elle sera devenue grande, elle ne se laissera plus terroriser.

(extrait du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, p. 80)
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Phoolan Devi demeure toutefois dans nos mémoires comme une martyre, victime d’une société dominée par des satrapes. Sa soif de vengeance a trouvé dans l’idéal de fraternité et d’équité, qui guidait Vikram, de quoi être étanchée. Elle et lui ont mené une guerre incessante contre toutes les formes de tyrannie, leur hantise étant d’abattre tous les profiteurs afin que les déshérités relèvent la tête, tenant mieux debout une fois qu’ils seraient débarrassés des charognards.

(p. 92)
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Toutes sortes d’histoires sont racontées sur les massacres qu’elle a commis, en réponse aux sévices qui lui avaient été infligés. Elle est tout autant louée pour son donquichottisme que condamnée pour son passé de castratrice (ses censeurs oublient en général ce qu’elle avait subi auparavant). La route semée de cadavres qu’elle a parcourue est celle d’une guerrière. Enfant violentée, adolescente humiliée, cheffe d’une bande de brigands composée exclusivement d’hommes, captive qui voit son influence s’étendre au-delà des murs de sa prison, députée mal-aimée de ses pairs, assassinée par des fanatiques, Phoolan Devi trace une voie vers l’insubordination. Elle reste unique dans ses errements aussi bien que dans ces prodigalités. Parler d’elle, écrire sur elle, c’est prendre le risque de faire comme dirait René Char, « l’éloge d’une soupçonnée », de célébrer une héroïne suspectée d’aimer le goût du sang, l’odeur du sang. Mais Phoolan Devi n’incarne pas seulement la mise à mort, elle est tout entière dans son culte de Durga, dite aussi l’Inaccessible : elle enseigne aux hommes à triompher de ce qui les pousse vers le Mal. Tout le destin de Phoolan Devi se résume presque dans cette double inclinaison. Elle est le bandit qui venge son honneur, mais aussi celle qui joue son honneur en refusant longtemps de jouer le jeu social et qui juge de son honneur de défendre les déshérités. Révolte, colère, la soumission sont les trois sentiments qui la guident. Elle aurait pu être la sœur des pétroleuses de la Commune, des insurgées qui refusent de hurler avec les loups, mais Phoolan Devi, « Reine des bandits » : combattante à la volonté de fer, aux largesses bien connues, amante d’un dacoït au grand cœur, elle est le bandit que l’on oublie difficilement.

(extrait du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, pp. 94-95)
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En son temps, dans son pays, cette Inde dont certains pensent qu’elle est archaïque, arriérée, les femmes sont en général traitées comme des pas-grand-chose. « Je suis née moins qu’un chien, je suis devenu une reine », dit dans son autobiographie celle qui ne sait ni lire ni écrire, qui est issue de la plus basse caste celle des mallahs, miséreux broyés par une société pleine de morgue envers ses indigents, et qui est devenue « la Reine des bandits ».
Il faut imaginer cette jeune femme qui ne porte plus le sari depuis qu’elle a rejoint les dacoïts, cette intraitable qui demande à la colère de lui donner des forces, qui a voulu être Durga, la déesse victorieuse de tous les démons, il faut l’imaginer rappelant aux juges prêts à la condamner, qu’ils aient une fonction officielle ou qu’ils forment une meute sauvage, qu’être dacoït, c’est rendre la justice, prendre à ceux qui détiennent les richesses pour tout redistribuer aux gens du peuple (ceux-là sont si reconnaissants à cette belliqueuse qui, pour les uns, n’est qu’une cheffe de bande sanguinaire, pour d’autres celle qui châtie le traître, mais aussi, comme elle dit, corrige « le mari, le violeur, les forces à respecter la dignité d’une femme »).

(extrait du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, p. 77)
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Ils protégeraient tout ce qu’ils avaient acquis ou gardé avec une noble cause contre ceux qui avaient bien mal acquis et qui n’y étaient que pour l’argent et l’honneur des Anglais.

(p. 57)
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La vie de Phoolan Devi est une vie violente, marquée par de longs épisodes tragiques, par d’atroces supplices : le mariage qu’elle dut contracter à l’âge de 11 ans avec un pervers de 35, les viols collectifs subis, la mise au ban d’une société qui la traite comme une prostituée et fait d’elle une intouchable. Né en 1963 de parents totalement démunis, dans une des régions les plus pauvres de l’Inde, l’Uttar Pradesh, obligée de travailler dans les champs dès son plus jeune âge, dépendante de nantis omnipotents, elle a très tôt une vision des rapports entre les hommes et les femmes qui auraient pu être celle d’une fervente de Kali, la déesse de la transgression, la protectrice de ceux (les sorcières, les brigands, les marginaux, etc.) qui obéissent à la nuit et remettent en question toutes les formes d’autorité : « Je me rends compte maintenant que le pouvoir des hommes sera toujours inattaquable. […] C’est une guerre qui ne fait que commencer. Dont je devine instinctivement qu’elle sera inhumaine, terrible, quotidienne. » Elle avoue aussi que la haine des hommes est tellement forte en elle que toute sa vie elle a cherché à se venger des souffrances qui lui avaient été infligées.

(extrait du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, p. 78)
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« Ils sont déjà pure image et cela sera encore renforcé par leur disparition tragique. En effet, leur exécution est pensée avant tout dans l’idée de briser cette image, montrer leur faiblesse, souiller le glamour, en exposant leurs têtes et en diffusant largement les photos de ces atrocités. Mais, paradoxalement, cela jouera en leur faveur, comme pour le Che qui acquiert ainsi, post-mortem, une aura christique. En surexposant leur mort, en tentant de salir, l’État brésilien de Getúlio Vargas ne fait qu’affirmer la part infâme de la répression et l’héroïsme des hors-la-loi. Ils sont même sanctifiés par la manière ignoble dont on a disposé de leurs corps (exposant leurs crânes dans un musée) et, comme des saints, ils deviennent ainsi des corps souffrants mais triomphants, triomphants car souffrants ! »
(Revue de l’institut des sciences sociales de São Paulo à propos de Maria Bonita et Lampião, citée par Jean-Luc Sahagian.
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Avant Adam Smith et un peu différemment, il se trouve des airs de main invisible dans cette capacité désarmante, et désarmée, à ôter autant avec si peu. (Thomas Giraud)
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Il ne se sent pas voleur, ce n’est pas ainsi qu’il se nommerait, enfin pas vraiment, pas complètement. Il a une explication là-dessus, solide, définitive et efficace. La voici. Qu’est-ce qu’être un voleur ? D’une, les définitions des livres, des recueils de droit et de jurisprudence n’aident pas, elles confondent la cause et la conséquence. De deux, il a noté que le voleur est toujours celui que les puissants désignent comme tel en identifiant de manière bien opportune des intérêts, des biens qui ne peuvent passer entre d’autres mains sans l’accord préalable des possédants. Celui qui prend de la nourriture pour survivre, juste ce qu’il faut, une pomme pour un repas, un peu de farine pour un pain, est-ce un voleur ? Et celui qui fait un travail et, dans le cadre de celui-ci, prélève un peu plus afin de redistribuer une partie de ce supplément à d’autres, à d’autres qui ont peu, ou beaucoup moins, qui ne mangent pas toujours à leur faim, qui n’ont ni noms, ni couteaux, ni terre ? Est-ce vraiment un voleur ? (Thomas Giraud)
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