Citations de Éric Fottorino (679)
Tu m'aimais tout bas, sans effusion, comme on murmure pour ne pas troubler l'ordre des choses. Tu m'aimais tout bas, sans le dire, sans éprouver le besoin d'élever la voix.
Être abandonné, avoir abandonné, qui peut dire ce qui fait le plus mal ?
Je ne me suis jamais senti à mon aise parmi les catholiques, ça sonnait faux en moi, tous ces chants et cet amour dégoulinant à condition de ne jamais faire un pas de travers.
"Ce sont les mots qu'ils n'ont pas dits qui font les morts si lourds dans leur cercueil"
Montherlant.
Tant de gens sont fragiles, tant d’autres ont la dureté des cailloux, et il faudrait que tout cela s’accorde pour la vie.
La mémoire voit les choses en grand. L’enfance les repeint en bleu.
Le petit aime beaucoup écouter les grandes personnes. C'est ainsi que sa vie est un malentendu. L'autre jour, Lina parlait à un inconnu devant le bâtiment Z : "Mon fils est un enfant d'août", expliquait-elle. Le petit a saisi "un enfant doux", mais l'homme a repris Lina en prononçant le "t" final de ceux qui ont l'accent du Sud-Ouest. Il a dit août avec le "t" cogné contre les dents et le petit s'est métamorphosé en "enfant doute". D'un seul coup, la douceur de sa naissance a disparu et c'est ainsi qu'il s'est enfoncé dans le malentendu qui va bien avec les secrets.
J'étais prêt à l'aimer, ou près de l'aimer, je ne sais plus, je ne suis pas très fort dans les locutions qui précèdent le verbe aimer.
Eric FOTTORINO
Dans : "Baisers de cinéma"
je n'ai encore lu aucun ouvrage de cet auteur mais c'est tentant...
Dès que j'ai su lire, j'ai compris que les mots ne veulent pas dire ce qu'ils disent .
De la cité du Grand-Parc à la rue Cornac, le petit vient sur son vélo. La vieille dit souvent devant lui qu'il est un enfant débrouillard. Comme il a de l'imagination après tout ce temps passé dans le grenier de la rue Félix-Faure à accrocher ses rêves au fil des araignées, il a compris qu'il était un enfant "des brouillards". Cette idée l'enchante. Il pense que c'est plus facile pour se cacher.
Mal nommer les choses, jugeait Camus, c'est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c'est nier notre humanité.
À l’approche des audiences, une association antiéoliennes a fait entendre sa voix. Elle s'appelle Le Vent des Combes. Ses critiques frappent l’opinion qui commence à se mobiliser autour des nuisances causées par l'installation des mats. Pollution esthétique, pollution sonore et lumineuse, risques pour la faune sauvage, migrateurs et oiseaux de nuit, repoussoir à touristes, moulin à maux de tête, eldorado pour promoteurs privés : les griefs s'accumulent.
Les enquêtes de terrain se multiplient dans les départements voisins. Le progrès a soudain une sale tête. Surtout quand les militants des vallées rebaptisent les éoliennes pour ce qu'elles sont, des « aérogénérateurs industriels » Élus et experts ont beau appeler à la raison, la parole publique est suspecte. On ne sait plus trop si le sifflement des pales est inoffensif, si ce ciment et cette ferraille enfoncés dans la terre ne causeront pas des dégâts irréversibles.
Dans vingt ans, le Jura ressemblerat-il au sinistre désert d'éoliennes de Californie ?
Depuis sa mort, il vit plus que jamais en moi à travers les hasards qui surgissent. Le lendemain du drame, marchant en direction de la place Denfert-Rochereau, je suis passé devant le cimetière Montparnasse et, détournant mon regard, j'ai vu la devanture d'un restaurant du Sud-Ouest baptisé Chez Papa. Pas une journée ne s'écoule sans ces rappels étranges qui pourraient laisser croire que la mort aime jouer à cache-cache avec les vivants.
Pendant ce temps, le chantier de la dernière éolienne bat son plein. Le convoi exceptionnel chargé des structures lourdes de l'engin a déposé les derniers tronçons de métal, les structures d'acier, quarante tonnes bien pesées qui s'ajoutent aux matériaux d'excavation, en particulier aux quatre cent vingt-cinq mètres cubes de béton.
`Sur un site spécialisé, Mo a appris que l'éolienne plus haute que les autres était venue d'Allemagne à moindre coût car son constructeur ne parvenait pas à la fourguer dans son pays, du fait de résistances locales.
En additionnant tous les matériaux nécessaires à ce troisième dispositif, huit cents tonnes de fondations, cinquante tonnes pour le rotor, moyeu et pales compris, quatre-vingt-dix tonnes pour la seule nacelle, et cent quatre-vingts tonnes pour le mat, la charge au sol frôle les mille deux cents tonnes.
De quoi faire basculer l'équilibre de son monde, pense Mo. Le mille feuille minéral qui gardait l'eau près de la surface a succombé sous le mastodonte de métal et ses lourdes fondations.
Ce que la nature a mis une étemité à organiser dans un réseau fragile de roche perméable, les promoteurs de l’éolien l'ont écrasé sous des amas de ciment, de ferraille et d'acier.
On nous a séparés des mois durant.
Lits de glace.
Bouffées d'angoisses.
Même le jour c'est la nuit.
Ton lait je ne l'ai pas bu.
Tu étais unique ma petite maman.
Tu étais irremplaçable et on t'avait remplacé.
P168
Je pense à une parole de Paul Guimard que Benoîte Groult m'avait confié un soir. À l'auteur des Choses de la vie, on avait demandé : Que feriez-vous si vous appreniez qu'il vous reste seulement un quart d'heure à vivre ? Guimard avait dit : Je jetterais ma montre.
Il me suffisait de regarder le visage de mon fils pour savoir l’heure qu’il était dans ma vie.
La place pour les enfants ne manque pas, dans le malheur des grands.
La parole vaut ce que vaut le bonhomme. Si le bonhomme vaut rien, elle ne vaut guère plus.
- Les oiseaux sont les parfums du ciel. Quand ils perdent une plume, je ne peux m'empêcher de la respirer à plein nez. Je flaire le bleu céleste, le gris des nuages, l'argent et le feu des orages.
- Et ça sent quoi ?
- La liberté.