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3.57/5 (sur 13 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Éric Paul Meyer, né le 20 février 19431, est un historien français spécialiste de Sri Lanka et du sous-continent indien, professeur des universités à l'Institut national des langues et civilisations orientales (histoire de l'Asie du Sud) de 1994 à 2009, dont il a été le directeur du département Asie du Sud, puis le vice-président, chargé du suivi de la relocalisation de l'institut sur le site de Tolbiac et de la création de la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (Bulac). Antérieurement, il était chercheur au CNRS (1976-1994) et directeur du Centre d'Études de l'Inde et de l'Asie du Sud (EHESS) de 1983 à 1991. Sa recherche s'est concentrée initialement sur la relation entre le capitalisme colonial et la société rurale et plus particulièrement sur l'interaction entre les paysans, les planteurs et l'État colonial à Sri Lanka. Il a ensuite élargi ses travaux à l'histoire des tensions intercommunautaires entre Cingalais et Tamouls, et il a analysé le conflit séparatiste dont il a été le témoin (1983-2009), et les idéologies qui le sous-tendent. Il s'est particulièrement intéressé aux usages de l'histoire dans la construction des identités nationales, et co-dirige depuis 2009 un projet collectif sur les historiographies non-occidentales.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Les bouddhistes, dont l'influence s'est largement diffusée en Asie centrale à cette époque, ont fait du roi Ménandre ou Milinda (milieu du IIe sièclea avant l'ère chrétienne) un personnage symbolisant l'adhésion à leur doctrine de rois non indiens : un texte célèbre composé comme une dialogue socratique le met en scène face au philosophe bouddhiste Nâgasena.
Simultanément apparaît un autre centre de pouvoir régional, dans le nord du Deccan. Dans la région de Paithan (actuel Maharashtra) était établie une population appelée Andhra dont le clan dirigeant (Shâtavânhana) demanda à des brahmanes d'accomplir des rituels de consécration royale, à la manière dont ils consacraient les rois ârya. Il s'agit d'un événement de grande portée historique : pour la première fois un groupe tribal locuteur d'une langue dravidienne passe sous l'influence de la culture brahmanique : ce processus, qui va devenir récurrent dans le Deccan, explique pour l'essentiel l'intégration de la péninsule à la culture politique du nord. Sous la pression des Shaka (Scythes), les Andhara se déplacent vers l'est le long de la vallée de la Godavari, qui coule vers le golfe du Bengale, et finissent par se fixer dans la région à laquelle ils sont donné leur nom (Andhra Pradesh), d'où ils dominent une grande partie du Deccan. Ils vont y favoriser l'installation de nombreux brahmanes. En même temps, l'influence du bouddhisme et du jaïnisme, eux aussi venu du nord, se renforce dans le sud, au point qu'à Sri Lanka, les rois de la dynastie sinhala, qui revendiquent une origine nord-indienne, vont encore plus loin d'Ashoka dont ils vénèrent la mémoire, en patronnant systématiquement le bouddhisme. Dynamisé par le commerce maritime avec l'empire romain, d'une part, et avec les régions côtières de l'Asie du Sud-Est, de l'autre, le sud de l'Inde émerge dans l'histoire comme une région qui revendique la singularité de sa culture mais adopte les modèles politiques et religieux venus du nord.
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Aux yeux des historiens militants tamouls du XXe siècle, l’empire Chola représente un apogée classique rivalisant avec celui de l'empire gupta dans le nord un demi-millénaire plus tôt, dans lequel la perfection de la langue tamoule égale celle du sanskrit. Pour la première fois, les deux rives du golfe du Bengale sont sous l'autorité d'un seul pouvoir, formant en somme l'amorce d'une sorte de Méditerranée indienne. La volonté de puissance des Chola, assise sur une dynamisme économique sans pareil aboutissant la naissance de la première diaspora indienne outre-mer, est un motif de fierté qui a mobilisé les Tamouls indiens luttant pour leur indépendance depuis la fin des années 1980 : le nom de Tigres qu'ils se sont donnés vient de l'animal emblématique des Chola. Pour d'autres historiens, les expéditions des Chola sont des raids de pillage pur et simple, pour d'autre encore, des opérations montées pour favoriser le commerce tamoul. Ce qui est indéniable, c'est que l'expansion indienne outre-mer est l'aboutissement naturel de l'essor de l'Inde péninsulaire, dont on évoquera les aspects culturels dans le prochain chapitre. Ce sont les indiens les plus tardivement marqués par l'influence brahmanique, qui avaient eu le temps d'élaborer une « indianité » combinant leur propre culture matérielle et symbolique avec celle des peuples déjà « sanskritisés », qui sont été le mieux en mesure de diffuser le « modèle indien » dans des sociétés émergentes.
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L'idée de nation dans le contexte indien

Le concept de nation s'est développé dans l'Europe du XIXe siècle sous l'influence de la Révolution française qui a substitué la légitimité de la nation souveraine à celle de la royauté de droit divin. Il s'y est transformé dans le contexte de la remise en cause des grands empires dynastiques (Habsbourg, Romanov, Ottomans), et de la réalisation des unités italienne et allemande par agrégation de petits États. Pour les uns (notamment les romantiques allemands), la nation était une réalité primordiale, pour les autres (notamment les penseurs et activistes italiens), c'était la produit de l'histoire, d'une action mobilisatrice. Ces débats qui mobilisaient les intellectuels européens ont été suivis de près par leurs homologues indiens, qui se sont passionnés en particulier pour les écrits de Mazzini. Mais leur expérience commune de la domination britannique les conduisait aussi à observer avec attention les manifestations du nationalisme irlandais. L'"invention" de la nation indienne est l’œuvre d'Indiens dont le cheminement et les expériences de vie ont été divers, mais qui se sont retrouvés autour de la conviction que leur pays pouvait réaliser son unité et se libérer de la domination étrangère, et que ces deux éléments étaient liés. Les uns ont adopté une posture intellectuelle, cherchant dans une grandeur passée des raisons d'espérer dans une proche renaissance. D'autres ont entrepris d'expérimenter dans le présent des formes nouvelles de mobilisation, de forger la nation par l'action. Tous sont habités par la préoccupation de l'unité : c'est dire que la Partition de 1947 entre l'Union Indienne et le Pakistan sera vécue comme un échec.
Au XIXe siècle, les puissances coloniales européennes refusent aux peuples qu'elles dominent le statut de nations. A l'instar de Metternich qui proclamait au début du siècle que l'Italie était une expression purement géographique, l'influent colonial anglais John Strachev, chargé d'initier aux réalités de l'Inde les futures hauts fonctionnaires de l'Indian Civil Service, écrit dans un ouvrage intitulé sobrement India, publié l'année même de la fondation du Congrès National indien, en 1885 : "Il n'y a pas et il n'y a jamais eu d'Inde [...] pas de nation, pas de peuple de l'Inde digne de ce nom." Ce propos fait écho à celui déjà cité de James Mill qui affirmait en 1817 que l'Inde n'avait pas d'histoire. Se plaçant dans une perspective "primordialiste", il exprime exprime haut et fort une certitude partagée par l'ensemble des britanniques, convaincus que la cohésion de l'Inde ne peut résulter que d'une contrainte extérieure - en l’occurrence, celle du Raj britannique. Face à cet arrogant déni, les intellectuels indiens ont déployé différents arguments. La réponse traditionaliste a consisté à invoquer une culture indienne unitaire et intemporelle fondée sur l'hindouisme, la réponse gandhienne à élaborer une unité morale fondée sur une approche exclusive de la diversité des cultures, la réponse nehruvienne à se tourner vers l'avenir en construisant l'idée nationale sur le dépassement des particularismes.
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Plus généralement, dans la conception du monde des lettrés de l’Inde ancienne, la préoccupation intellectuelle dominante est de comprendre comment s’agencent les parties pour former un ensemble, et non comment se forment les chaînes causales. L’événement n’a pas de statut significatif, l’écriture de l’histoire n’a pas de fonction culturelle : elle ne sert littéralement à rien. L’ordre social et politique est légitimé par référence à un code de valeurs intemporelles, l’action d’un roi est évaluée en fonction de sa conformité à des règles et non à la mesure d’un projet historique, et le changement est perçu comme contraire à l’harmonie des mondes.
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(...) La Satlej et la Yamunâ, qui se jettent respectivement dans l'Indus et le Gange, rejoignaient la Ghaggar puis l'Hakra, qui se perd aujourd'hui dans les sables, et poursuivaient vraisemblablement leur cours jusqu'à l'océan, dans le Rann de Kutch. Comme le Tigre et l'Euphrate au Moyen-Orient, l'Indus et l'Hakra ont formé une "Mésopotamie indienne" dont la seule partie occidentale a été largement explorée. Les archéologues nationalistes indiens ont baptisé ce fleuve disparu du nom de Saraswati par référence à une rivière mythique évoquée dans les Védas, mais on préférera l'appeler Hakra, du nom actuel de son lit desséché.
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