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Citation de jmlire92


Lemaire parcourt la forêt. Il surgit brusquement avec sa petite troupe armée, exige des hommes, de la nourriture. On palabre. Lemaire menace. Parfois, on se prosterne et on livre son tribut d'hommes et de chèvres. D'autres fois, des flèches pleuvent, les hommes se retirent dans la forêt ; et Lemaire fait mettre la feu aux huttes. Il regarde brûler tout ça avec un fond de tristesse bizarre. Car Lemaire est triste, jeune et triste, il a peut-être été jeté dans tout ça sans comprendre et voici qu'il y trouve à la fois  plaisir et horreur, comme il le dira lui-même plus tard, l'horreur est remontée lentement en lui, en secret, mais il a continué à brûler, à tuer, il a pendant quatre ans traversé la brousse et la forêt en tout sens, il a continué à récolter des vivres pour ses troupes, brutal, aveugle. Il a fait son devoir, son affreux petit devoir, il l'a fait avec ses yeux pleins de scrupules et de tristesse, et brusquement, au bout de quatre ans de crimes, sous sa pergola de feuillages, voici qu'un beau matin, au moment où le soleil passe au-dessus des arbres, le petit chef relit un passage de ses carnets, un passage au hasard, il cherche un renseignement sur un village, une note ancienne, et voici qu'il tombe nez à nez avec autre chose, voici qu'il tombe sur une longue suite d'incendies, de pillages, de meurtres, voici qu'il tombe sur une ribambelle de petits cauchemars. " On refuse de me vendre la moindre chose - relit-il - et je ne dispose plus de vivres pour nourrir mes hommes. Aussi menacé-je les indigènes que s'ils continuent de refuser les tissus et les perles que je leur présente, ce seront les armes qui parleront. Je vise un groupe de Noirs et j'abats à 300 mètres un homme. Tous disparaissent. Nous contrôlons cinq pêcheries et nous y trouvons quatre poules, un peu de manioc et quelques bananes."

   Et Lemaire, après quatre ans passés dans la moiteur, après quatre ans de luttes, relisant  ce matin-là son journal, sent tout à coup les quatre poules lui remonter à la gorge. Je ne sais pas comment on s'aveugle, ou plutôt si, je le sais un peu, mais je ne sais pas si le crime possède ses propres rideaux de brume et s'il se dissimule comme le reste de nos malheurs.
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