« Les Crimes de nos pères » d'Åsa Larsson lu par Odile Cohen l Livre audio
— Quel sort s’acharne sur les jolies femmes ? demanda Sven-Erik. Combien connaissent un destin pareil ? Elles choisissent le mauvais type et, une fois les enfants partis, elles se retrouvent comme des oiseaux en cage.
— Elles ne sont pas plus nombreuses que les moches à finir ainsi. On les remarque plus, c’est tout.
Qui aime la perfection ? L'amour ne va pas sans le dévouement et le dévouement ne peut s'attacher qu'aux imperfections de l'être aimé, à ses blessures, à sa folie. L'amour veut combler les manques et la perfection n'a pas besoin d'être comblée. Une personne parfaite, on ne l'aime pas, on la vénère.
Les jolies femmes sont une denrée rare à Kiruna. Non qu'elles soient vieilles. Kiruna est une ville nouvelle habitée par une population jeune. Mais la dureté de l'existence dans cette région à vite fait der marquer leurs traits. Les filles perdent leurs joues rondes. Elles s'habillent avec des vêtements d'homme et s'emmitouflent dans des châles en grosse laine pour lutter contre le froid. Les épouses d'ingénieur ont bien les joues pleines et roses mais elles ne se promènent pas dans la rue comme les femmes de Stockholm. L'été, il y a trop de moustiques et l'hiver, il fait trop froid. Alors elles restent enfermées chez elle à faire du gras.
« Nous devons d’abord nous concentrer sur notre mission commune. Je ne veux plus entendre parler de machisme ou de guerre des sexes au sein de notre église. Tu vas devoir faire confiance à Stefan, Mildred. Même quand il te demande de ne pas le prendre personnellement s’il n’assiste pas à tes messes. »
Mildred reste impassible. Elle regarde Stefan droit dans les yeux.
« Je ne fais que me conformer aux Écritures, ose-t-il répéter sans ciller. Je ne fais que constater.
– Les hommes battent les femmes », dit-elle. Elle marque un temps et poursuit. « Les hommes humilient les femmes, ils les écrasent sous leur domination, ils les harcèlent sexuellement et ils les tuent. Ils les excisent, assassinent les bébés à la naissance s’ils ont le malheur de naître filles, ils les obligent à se cacher derrière un voile, les séquestrent, les violent, les empêchent d’aller à l’école, leur donnent des salaires inférieurs à ceux qu’ils touchent eux-mêmes pour le même travail et ne les laissent pas accéder au pouvoir. Certains leur refusent même le droit de devenir prêtres. Je ne fais que constater. »
Être amoureux c’est comme être possédé par un démon. Notre volonté fond comme neige au soleil. Notre cerveau est tout plein de trous. Nous ne parvenons plus à garder le contrôle de nous-mêmes.
Je me souviens comment nous sommes morts. Je me souviens et je sais. C’est ainsi désormais : je sais certaines choses même si je n’y étais pas. Mais je ne sais pas tout, loin de là. Il n’y a pas de règles. Les gens, par exemple : parfois ce sont des pièces ouvertes où je peux entrer. Parfois ils sont fermés. Le temps n’existe pas. Il est comme balayé.
Il se couche sur le côté. Ça goutte du toit de l’abri.
Une phrase lui revient. « Le souffle en moi s’éteint, mon cœur au fond de moi s’épouvante. » D’où vient-elle ? L’a-t-il lue dans la Bible qui est dans son chalet de Saarisuanto ?
Pourquoi ressasser ce qui a été ? Quand son père l’a enfoncé dans le trou de glace. Un demi-siècle a passé, pourtant. Il n’y pense jamais, d’habitude, pourquoi maintenant ?
Ses yeux se ferment. La neige lasse du printemps soupire dans la forêt. Le soleil brûle. Il s’endort au chaud dans l’abri.
Il est réveillé par une présence. Ouvre les yeux et ne voit d’abord qu’une ombre devant le soleil. Hirsute et noire.
Son esprit s’éclaircit aussitôt. Un ours.
Il se dresse devant lui sur ses pattes arrière. Il distingue à présent davantage que la silhouette. Le nez, le pelage. Les pattes et les griffes. Trois secondes, il reste immobile à le regarder droit dans les yeux.
C’est cuit, pense Hjalmar.
Encore trois secondes. Et pendant ces trois secondes, un calme absolu se fait en lui.
Ce qui doit arriver arrivera, pense Hjalmar de sa propre mort.
Dieu regarde Hjalmar à travers l’œil de l’ours.
Puis l’ours se retourne, retombe à quatre pattes et s’en va lourdement.
Les plus anciens associés passaient leurs vacances dans leurs résidences secondaires sur la côte ouest, en Scanie ou dans l’archipel de Skärgården. Arne Eklöf venait de perdre sa mère et il raconta le plus naturellement du monde à Rebecka comment ils avaient passé tout l’été à se disputer le partage de ses biens.
« C’est une horreur, dit-il. Quand Dieu amène la mort, le Diable le suit avec les héritiers.
Quand on a l'impression qu'il y a un fantôme sous son lit , le mieux c'est d'allumer la lumière , de se mettre à plat ventre et de vérifier .
"Es-tu certaine qu'il est de moi ?"
Elle se lève avec raideur. Elle ignore si elle devrait pleurer ou se mettre en colère. La honte la pince partout de ses doigts de mégère. Ce sont les bonnes femmes de son ancienne vie qui la pincent. Qui tirent sur son joli corsage avec leurs doigts crochus. Qui chuchotent entre elles au-dessus du cercueil de sa mère qu'Elina l'a laissée se tuer à la tâche pour lui permettre de "faire des études". Ces femmes de son passé qui parlaient des filles qui sont devenues folles à force de lire des livres et ont fini à l'hôpital psychiatrique.