La mémoire devient en elle une habitude. Cependant plus la mémoire aura occaſion de s’exercer, plus elle agira avec facilité. C’eſt par là que la Statue ſe fera une habitude de ſe rappeler ſans effort les changemens par où elle a paſſé, & de partager ſon attention entre ce qu’elle eſt & ce qu’elle a été. Car une habitude n’eſt que la facilité de répéter ce qu’on a fait, & cette facilité s’acquiert par la réitération des actes.Elle compare. Si après avoir ſenti à pluſieurs repriſes une roſe & un oeillet, elle ſent encore une fois une roſe ; l’attention paſſive qui ſe fait par l’odorat, ſera toute à l’odeur préſente de roſe, & l’attention active, qui ſe fait par la mémoire, ſera partagé e entre le ſouvenir qui reſte des odeurs de roſe & d’oeillet. Or, les manieres d’être ne peuvent ſe partager la capacité de ſentir, qu’elles ne ſe comparent : car comparer n’eſt autre choſe que donner en même-temps ſon attention à deux idées.
Juge. Dès qu’il y a comparaiſon, il y a jugement. Notre Statue ne peut être en même-temps attentive à l’odeur de roſe & à celle d’oeillet, ſans appercevoir que l’une n’eſt pas l’autre ; & elle ne peut l’être à l’odeur d’une roſe qu’elle ſent, & à celle d’une roſe qu’elle a ſentie, ſansappercevoir qu’elles ſont une même modification. Un jugement n’eſt donc que la perception d’un rapport entre deux idées, que l’on compare. Ces opérations tournent en habitude. à meſure que les comparaiſons & les jugemens ſe répetent, notre Statue les fait avec plus de facilité. Elle contracte donc l’habitude de comparer & de juger. Il ſuffira, par conſéquent, de lui faire ſentir d’autres odeurs, pour lui faire faire de nouvelles comparaiſons, porter de nouveaux jugemens, & contracter de nouvelles habitudes.
Elle devient capable d’étonnement. Elle n’eſt point ſurpriſe à la premiere Senſation qu’elle é prouve : car elle n’eſt encore accoutumée à aucune ſorte de jugement.