AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Étienne de La Boétie (178)


N'est-il pas clair que les tyrans, pour s'affermir, se sont efforcés d'habituer le peuple, non seulement à l'obéissance et à la servitude mais encore à leur dévotion?
Commenter  J’apprécie          20
(...) le tyran n'est jamais aimé, ni n'aime : l'amitié c'est un nom sacré, c'est une chose sainte; elle ne se met jamais qu'entre gens de bien, et ne se prend que par une mutuelle estime, elle s'entretient non tant par bienfaits que par bonne vie : ce qui rend un ami assuré de l'autre, c'est la connaissance qu'il a de son intégrité; les répondants qu'il en a, c'est son bon naturel, la foi et la constance. Il n'y peut avoir d'amitié là où est la cruauté, là où est la déloyauté, là où est l'injustice; et entre les méchants, quand ils s'assemblent, c'est un complot, non pas une compagnie : ils ne s'entr'aiment pas, mais ils s'entre-craignent, ils ne sont pas amis mais ils sont complices.
Commenter  J’apprécie          20
Tout comme les sociétés primitives qui sont conservatrices parce qu’elles désirent conserver leur être-pour-la-liberté, les sociétés divisées ne se laissent pas changer, le désir de pouvoir et la volonté de servitude n’en finissent pas de se réaliser.
Commenter  J’apprécie          20
Mais, cette ruse des tyrans d'abêtir leurs sujets, n'a jamais été plus évidente que dans la conduite de Cyrus envers les Lydiens, après qu'il se fut emparé des Sardes, capitale de la Lydie et qu'il eut pris et emmené captif Crésus, ce tant riche roi, qui s'était rendu et remis à sa discrétion. On lui apporta la nouvelle que les habitants de Sardes s'étaient révoltés. Il les eut bientôt réduits à l'obéissance. Mais ne voulant pas saccager une aussi belle ville, ni être toujours obligé d'y tenir une armée pour la maîtriser, il s'avisa d'un expédient extraordinaire pour s'en assurer la possession : il établit des maisons de débauches et de prostitution, des tavernes et des jeux publics et rendit une ordonnance qui engageait les citoyens à se livrer à tous ces vices. Il se trouva si bien de cette espèce de garnison, que, par la suite, il ne fut plus dans le cas de tirer l'épée contre les Lydiens. Ces misérables gens s'amusèrent à inventer toutes sortes de jeux, si bien, que de leur nom même les Latins formèrent le mot par lequel ils désignaient ce que nous appelons "passe-temps", qu'ils nommaient Ludi, par corruption de Lydi.
Commenter  J’apprécie          20
SONNETS

IV


O qui a jamais veu une barquette telle,
Que celle où ma maistresse est conduitte sur l'eau ?
L'eau tremble, et s'esforçant sous se riche vaisseau,
Semble s'enorgueillir d'une charge si belle.
    On diroit que la nuict à grands troupes appelle
Les estoiles, pour voir celle, dans le batteau,
Qui est de nostre temps un miracle nouveau,
Et que droit sur son chef tout le ciel estincelle.
    Pour vray onc* je ne vis une nuict estoillee
Si bien que celle nuict qu'elle s'en est allee :
Tous les astres y sont, qui content estonnez
    Les biens qu'ils ont chascun à ma Dame donnez ;
Mais ils luisent plus clair, estans rouges de honte
D'en avoir tant donné qu'ils n'en sçachent le compte.


onc*: jamais
Commenter  J’apprécie          20
SONNETS

III


ELLE est malade, helas ! que faut-il que je face ?
Quel confort, quel remede ? O cieux, et vous m'oyez
Et tandis devant vous, ce dur mal vous voyez
Oultrager sans pitié la douceur de sa face !
    Si vous l'ostez, cruels, à ceste terre basse,
S'il faut d'elle là haut que riches vous soyez,
Au moins pensez à moy et, pour Dieu, m'ottroyez,
Qu'au moins tout d'une main Charon tous deux nous passe ;
    Ou s'il est, ce qu'on dit des deux freres d'Helene,
Que l'un pour l'autre au ciel, et là bas se promène,
Or accomplissez moy une pareille envie.
    Ayez, ayez de moy, ayez quelque pitié,
Laissez nous, en l'honneur de ma forte amitié,
Moy mourir de sa mort, ell'vivre de ma vie.
Commenter  J’apprécie          20
SONNETS

II


    J'ALLOIS seul remaschant mes angoisses passees :
Voici — Dieux destournez ce triste mal-encontre ! —
Sur chemin d'un grand loup l'effroyable rencontre,
Qui, vainqueur des brebis de leur chien delaissees
    Tirassoit d'un mouton les cuisses despecees,
Le grand deuil du berger. Il rechigne et me monstre
Les dents rouges de sang, et puis me passe contre,
Menassant mon amour, je croy, et mes pensees.
    De m'effrayer depuis ce presage ne cesse :
Mais j'en consulteray sans plus à ma maistresse.
Onc par moy n'en sera pressé le Delphien*.
    Il le sçait, je le croy, et m'en peut faire sage :
Elle le sçait aussi, et sçait bien d'avantage,
Et dire, et faire encor et mon mal et mon bien.


Delphien*: surnom d'Apollon, dieu des Delphes
Commenter  J’apprécie          20
Il n'est pas croyable comme le peuple, dès qu'il est assujetti, tombe si soudain dans un tel et si profond oubli de la liberté qu'il n'est pas possible qu'il se réveille pour la recouvrer (..). Les tyrans eux-mêmes trouvaient bien étrange que les hommes puissent supporter un homme leur faisant mal. Il tenaient beaucoup à se parer de la religion et, s'il était possible, emprunter quelque parcelle de la divinité pour soutenir leur méchante vie (...). En France, les nôtres semèrent je ne sais quoi du même genre : des crapauds, des fleurs de lys, l'Ampoule et l'oriflamme.
Commenter  J’apprécie          20
Les causes qui maintiennent les peuples dans l'état de tutelle sont donc analogues aux causes qui font que certains adolescents refusent de devenir eux-mêmes adultes : il s'agit de la paresse et de la lâcheté, car la liberté consistant à penser par soi-même requiert des efforts (en vue de ne pas sombrer simplement dans le caprice ou l'extravagance) et du courage (au moins celui de s'opposer virtuellement à ce que l'on nous aura enseigné).
Commenter  J’apprécie          10
Il n'est pas croyable comme le peuple, dès lors qu'il est assujetti, tombe si soudain en un tel et si profond oubli de la franchise, qu'il n'est pas possible qu'il se réveille pour la ravoir, servant si franchement et tant volontiers qu'on dirait, à le voir, qu'il a non pas perdu sa liberté, mais gagné sa servitude.
Commenter  J’apprécie          10
Étienne de La Boétie
On n'est jamais si bien servi que par soi-même.
Commenter  J’apprécie          11
Étienne de La Boétie
Il n'y'a aucun prix tel qu'il est qui pourrait récompenser le bravoure d'un homme.
Commenter  J’apprécie          10
Ce ne sont pas les bandes de chevaliers, ce ne sont pas les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent le tyran. Cela semble à première vue peu croyable, mais en vérité, ce sont toujours quatre ou cinq hommes qui soutiennent le tyran, quatre ou cinq qui lui permettent de tenir tout le pays en esclavage. Il en a toujours été ainsi: cinq ou six hommes ont eu l'oreille du tyran et l'ont approché de leur propre initiative, ou bien ont été appelés à la sienne, pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés et ceux qui partagent les fruits de ses pillages.
Commenter  J’apprécie          10
Il ne peut y avoir d'amitié là où est la cruauté, là où est la déloyauté, là où est l'injustice. Entre les méchants, quand ils s'assemblent, il y a complot, mais il n'y a pas compagnie ; ils ne s'aiment pas, ils se craignent les uns les autres ; ils ne sont pas amis, ils sont complices.
Commenter  J’apprécie          10
La première raison de la servitude volontaire, c'est l'habitude.
Commenter  J’apprécie          10
Les élus du peuple, le traite comme un taureau à dompter : les conquérants, comme une proie sur laquelle ils ont tous les droits: les successeurs, comme un troupeau d'esclaves qui leur appartient tout naturellement.
Commenter  J’apprécie          10
Si pour avoir la liberté, il ne faut que la désirer; il ne suffit pour cela que du vouloir, se trouvera-t-il une nation au monde qui croie la payer trop cher par un simple souhait?
Et qui regrette sa volonté à recouvrer un bien qu'on devrait racheter au prix du sang, et dont la seule perte rend à tout homme d'honneur la vie amère et la mort bienfaisante.
Commenter  J’apprécie          10
Pour le moment, je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d'hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n'a de puissance que celle qu'ils lui donnent, qui n'a de pouvoir de leur nuire qu'autant qu'ils veulent bien l'endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s'ils n'aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. Chose vraiment étonnante et pourtant si commune qu'il faut plutôt en gémir que s'en ébahir, de voir un million d'hommes misérables asservis, la tête sous le joug, non qu'ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu'ils sont fascinés et pour ainsi dire ensorcelés par le seul nom d'un, qu'ils ne devraient pas redouter - puisqu'il est seul - ni aimer - puisqu'il est envers eux tous inhumain et cruel.
Commenter  J’apprécie          10
Voyant ces gens-là qui naquètent le tyran pour faire leurs besognes de sa tyrannie et de la servitude du peuple, il me prend souvent ébahissement de leur méchanceté, et quelquefois pitié de leur sottise. Car, à vrai dire, qu'est-ce autre chose de s'approcher du tyran que de s'éloigner de sa liberté et, par manière de dire, serrer à deux mains et embrasser la servitude ? Qu'ils laissent, pour un temps, leur ambition de côté et qu'ils se débarrassent un peu de leur convoitise, et puis qu'ils se regardent eux-mêmes et qu'ils se reconnaissent, et ils verront clairement que les villageois, les paysans, lesquels tant qu'ils peuvent ils foulent aux pieds et en font pis que de forçats ou d'esclaves, ils verront, dis-je, que ceux-là, ainsi malmenés, sont toutefois au prix d'eux fortunés et, en quelque sorte, libres : le laboureur et l'artisan, pour autant qu'ils soient asservis, en sont quittes en faisant ce qu'on leur dit ; mais le tyran voit les autres qui sont près de lui, coquinant et mendiant en sa faveur. Il ne faut pas seulement qu'ils fassent ce qu'il dit, mais qu'ils pensent ce qu'il veut, et vouvent, pour le satisfaire, qu'ils préviennent encore ses pensées. Ce n'est pas tout, à eux, de lui obéir, il faut qu'ils se rompent, qu'ils se tourmentent, qu'ils se tuent à travailler en ses affaires, et puis qu'ils se plaisent de son plaisir, qu'ils laissent leur goût pour le sien, qu'ils forcent leur complexion, qu'ils dépouillent leur naturel. Il faut qu'ils prennent garde à ses paroles, à sa voix, à ses signes et à ses yeux ; qu'ils n'aient œil, ni pied, ni main qui ne soient tout aux aguets pour épier ses volontés et pour découvrir ses pensées. Cela, est-ce vivre heureusement ? Cela s'appelle-t-il vivre ? Est-il au monde rien moins supportable que cela, je ne dis pas à un homme de cœur, je ne dis pas à un bien né, mais seulement à un homme qui ait le sens commun ou, tout simplement, figure humaine ? Quelle condition est plus misérable que de vivre ainsi, qu'on n'ait rien à soi, tenant d'autrui son aise, sa liberté, son corps et sa vie ?
Commenter  J’apprécie          10
La première raison pourquoi les hommes servent volontiers est parce qu'ils naissent serfs et sont élevés tels. De celle-ci en vient une autre : qu'aisément les gens deviennent sous les tyrans lâches et efféminés. […]
Avec la liberté se perd en même temps la vaillance. […]
Mais les gens asservis, outre ce courage guerrier, perdent aussi en toutes autres choses la vivacité, et ont le cœur bas et mou, et incapable de toutes choses grandes. Les tyrans connaissent bien cela et, voyant qu'ils prennent ce pli, pour les faire mieux avachir encore les y aident-ils.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Étienne de La Boétie (2538)Voir plus

Quiz Voir plus

Viviane Moore, Le seigneur sans visage

Quel est l'animal de compagnie de Michel ?

une hermine
un chat
une salamandre
un chien

15 questions
810 lecteurs ont répondu
Thème : Le Seigneur sans visage de Viviane MooreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}